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Entre Haute-Loire et Ardèche, bientôt une guerre de l'eau ?
Mercredi 10 juillet, une "commission interSAGE Ardèche/Loire Amont" s'est tenue en terre ardéchoise. À l'issue d'une visite du barrage du Gage, et de l'usine souterraine de Montpezat, les membres de la commission ont échangé sur la feuille de route de cette commission, qui doit définir le partage de l'eau entre les différents territoires et usages.
"Commission interSAGE Ardèche/Loire Amont", c'est un nom un peu barbare, auquel le commun des mortels ne comprend par grand chose, si ce n'est que cela concerne probablement la Loire et l'Ardèche.
En fait, il s'agit d'une commission, donc d'un groupement de personnes désignées pour définir la gestion de la ressource en eau sur les deux territoires, réunissant donc une partie des personnes désignées au sein même de chaque SAGE (schémas d'aménagement et de gestion des eaux) concerné.
S'ils s'unissent tous deux pour prendre de telles décisions, c'est parce qu'ils partagent frontière, fleuves, affluents et rivières.
« L'Ardèche ne vole pas de l'eau à la Haute-Loire. » Philippe Cathonnet, Président du CLE du SAGE Loire amont
Bien que le président du CLE du SAGE Loire Amont, Philippe Cathonnet, démente cette histoire de "vol" de l'eau altiligérienne par l'Ardèche, c'est bien du partage de la ressource dont il est question aujourd'hui.
Et alors qu'elle est bien présente cette année (ouf), son niveau est très fluctuant et parfois manquant. C'est dans ce cas de figure qu'il peut entraîner d'importants problèmes, voire des conflits, dont les prémices commencent à se faire sentir.
Philippe Cathonnet explique ainsi : « Ce partage est devenu important. Il ne l'a pas été jusque dans les années 1995, puisqu'il n'y a eu aucun apport d'eau sur la Loire auparavant. À partir de cette année-là, il y a eu des apports à hauteur de 0,46 million de m3 d'eau, et ce, jusqu'en 2015. Depuis, on remarque une dégradation, c'est-à-dire une augmentation de l'eau apportée sur la Loire, à niveau de 1,7 million de m3 par an. »
Puis il poursuit : « L'Ardèche ne vole pas de l'eau à la Haute-Loire. D'une part, on parle de la rivière Ardèche et de la rivière Loire. Nous, côté Loire, on doit alimenter nos installations, les besoins en eau potable, etc. On doit aussi amener de l'eau sur la partie du département de la Loire, à travers le canal du Forez, pour faire de l'eau potable et pour irriguer des terres agricoles. »
« Il y a donc des besoins, qui ont toujours été satisfaits jusqu'aux années 2015, et qui deviennent de plus en plus difficiles à combler. »
Combler les besoins, c'est justement le premier objectif de cette commission, composée de différentes personnes des deux SAGE, qui comportent trois collèges : celui des élus, des institutions d'État et des usagers.
« Elle travaille essentiellement sur le partage de l'eau. La production d'électricité nécessite que l'on transfert en moyenne 200 millions de m3 d'eau de la Loire, sur l'Ardèche (un peu moins ces dernières années en raison des sécheresses : 170 en moyenne) » précise le président avant de détailler que « l'enjeu principal actuellement se situe en période d'étiage (baisse périodique des eaux, Ndlr), du 15 juin au 15 septembre. Il y a alors un partage de l'eau pour soutenir l'étiage côté Ardèche, tout en garantissant, grâce à des règles, un débit suffisant côté Loire ».
« Depuis l'installation de Montpezat en 1954, le débit d'eau a diminué de 50 % à Chadrac par exemple »
Des enjeux auxquels il est de plus en plus difficile de répondre, explique-t-il, notamment parce que la ressource en eau diminue.
En cause, une baisse remarquable de la pluviométrie côté Loire jamais vécue auparavant. En ce sens, le seul intérêt de l'année 2022 est la prise de conscience qu'elle a permise chez de nombreuses personnes : l'eau est un bien fragile, auquel il faut faire attention.
« Il se trouve que dans la période d'étiage de 2023, on a transféré 11 millions de m3 d'eau en Ardèche, contre un million de m3 sur la Loire. Or, sur la Loire, on n'a pas été capables d'atteindre les niveaux et les débits d'objectif d'étiage, aux niveaux de Chadrac et Bas-en-Basset. »
Philippe Cathonnet souligne ainsi : « Ce qu'il faut surtout bien comprendre, c'est que jusqu'à présent, la Loire n'a pas eu besoin d'apports en eau. Ce n'était donc pas dans nos mœurs de gérer l'eau. 2022, c'est vraiment le coup de massue sur la tête qui nous a permis de nous intéresser à un certain nombre de choses. »
« Cela signifie que la réglementation actuelle, qui garantit 1m3 par seconde au pont de la Borie, est obsolète. »
Ainsi, la commission devrait tabler dans les prochains mois, voire années, pour établir de nouveaux quotas, de nouvelles normes, qui permettraient de satisfaire à la fois les besoins de l'Ardèche, et de la Loire, et donc de la Haute-Loire.
« La position du SAGE est alors de dire que cette répartition de l'eau en 2023 par exemple, devrait être revue, afin qu'elle soit plus équitable pour l'ensemble des deux bassins et que l'usage important d'eau à des fins touristiques, pour des balades en canoë par exemple, n'est peut-être pas aussi prioritaire qu'on le dit » lance-t-il.
Mais pour cela, il sera indispensable d'établir des priorités, sur lesquelles Philippe Cathonnet ne semble pas prêt à fléchir : « La loi sur l'eau datant de 2006 précise que les enjeux sont d'abord l'eau potable, ensuite les milieux, et enfin les usages. Je n'aime donc pas que l'on mette la charrue avant les bœufs. Pour nous, c'est l'eau potable qui est d'ailleurs un énorme enjeu. »
L'eau potable, le nerf de la guerre
Pour lui, c'est d'ailleurs l'enjeu majoritaire de cette nouvelle répartition de la ressource en eau, laissant loin derrière elle les besoins commerciaux et touristiques.
À ce sujet, il évoque d'ailleurs une étude quelque peu alarmante, dont l'impact sera déterminant pour les années à venir. « Nous menons en effet parallèlement, une étude sur nos capacités en eau potable sur le département de la Haute-Loire et les monts du Devez. Nous avions jusque-là des espoirs, aujourd'hui, je n'en ai plus, de trouver de nouvelles ressources en eau sur le Devez. Il distribue de l'eau potable pour plus de la moitié du département. »
« Nous avions jusque-là des espoirs, aujourd'hui, je n'en ai plus »
Il détaille alors la situation : « Entre l'augmentation des températures, et la diminution du volume d'eau disponible, ainsi que le renouvellement de la concession qui doit se réfléchir à 50 ou 70 ans, au train où on va, il faut que l'on prévoie que l'on ait à faire des prises d'eau pour faire de l'eau potable, comme nous faisons aujourd'hui des prises d'eau pour faire de l'électricité. »
« Il va falloir que nous mettions nos besoins en adéquation avec nos ressources, et la Loire est le seul facteur de développement possible, puisqu'on en a plus sur le Devez. »
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