Le jugement des opposants à la déviation du Pertuis/St-Hostien

Par Clara Serrano , Mise à jour le 14/01/2025 à 17:00

Le 14 novembre 2023, des dizaines de militants de la Lutte des Sucs s'opposaient à l'avancée d'une pelleteuse sur le chantier de la déviation de la RN88 au Pertuis. Après l'intervention des forces de l'ordre, cinq d'entre eux comparaissaient ce mardi 14 janvier 2025 au tribunal du Puy. 

Le mardi 14 novembre 2023, alors qu'elle progressait vers le lieu-dit Le Rouchas, à Saint-Hostien, une pelleteuse destinée aux fouilles archéologiques obligatoires avant le lancement des travaux de la RN 88 a été empêchée. 

Devant elle, des dizaines de manifestants, membres d'associations de protection de la nature, s'étaient assis là, entre branchages et barbelés qu'ils avaient déposé la veille. 

Face à leur indisposition à laisser passer l'engin, les forces de l'ordre sont intervenues, plaçant sept militants en garde à vue à l'issue du rassemblement.

Initialement prévu le 10 septembre 2024, le procès de cinq d'entre eux avait été renvoyé à ce 14 janvier 2025, très exactement un an et deux mois après les faits.

L'État de nécessité, c'est quoi ?

D'après l'article 122-7 du code pénal, « n'est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace »

Défendre l'environnement...

Réunis devant le juge, les cinq accusés, accompagnés de leurs avocats, ont plaidé l'état de nécessité. 

Pour la procureure de la République, c'est la considération ou non de cet état, dans lequel l'accusé considère qu'il « viole la loi, en connaissance de cause, considérant que l'intérêt en est supérieur », qui déterminera de la condamnation des prévenus. 

Problème, elle regrette qu'aucun d'entre eux n'ait évoqué l'urgence climatique ou la protection de l'environnement lors de leur garde à vue.  

Coûte que coûte 

Considérant ceci, ainsi que l'obligation légale pour la Région, maitre d'ouvrage, de réaliser les fouilles archéologiques préalables, la présence réglementaire d'un écologue, suite à la découverte d'orobanches (plante protégée) sur le tracé de la déviation), et remettant en perspective toutes proportionnalités, la procureure de la République transmet ainsi en fin d'audience, ses réquisitions : 350€ d'amendes pour chacun des accusés, mais pas d'opposition au retrait de la mention dans le casier judiciaire pour trois d'entre eux, suite à leur demande et au regard de leur métier. 

Le changement climatique comme "danger actuel ou imminent" ?

Pour l'avocat de la défense, l'état de nécessité est au contraire presque évident. Si aucun consensus civil n'a été établi sur la gravité du changement climatique et les dangers qu'il représente, le représentant de la défense s'appuie sur le consensus scientifique qui, selon lui, confirme qu'il s'agit d'un danger à la fois actuel et imminent, « provoquant la mort de nombreuses personnes dans le monde ». 

Sur la question de la nécessité ou non de cet acte militant, il explique : « Nous n'avons pas la réponse actuellement puisque, par définition, nous n'avons pas encore trouvé la solution. »

Il propose ainsi au juge de considérer la demande de la Région irrecevable, ou au minimum de proclamer un nouveau renvoi en justice, « pour laisser plus de temps à la défense ». 

« Ce qu'il en ressort, c'est deux visions qui s'affrontent » Renaud Daumas, à la sortie de l'audience

Dès la fin de l'audience, les accusés sont rejoints, sur le parvis du tribunal, par une quarantaine de soutiens. Parmi eux, Renaud Daumas, conseiller régional écologiste et militant membre du collectif La lutte des sucs. 

Il revient ainsi sur la teneur du procès : « Ce qu'il en ressort, c'est deux visions qui s'affrontent. D'un côté, la vision d'une nécessité à agir concrètement contre le réchauffement climatique, pour la protection de la biodiversité et de la ressource en eau, et de l'autre, la vision opposée, avec un projet destructeur, qui met en péril le climat, la biodiversité, la ressource en eau, les paysages exceptionnels des sucs. »

« Pourtant, de nombreuses alternatives ont été proposées. Ce qu'on signifie aussi aujourd'hui, c'est qu'on a régulièrement fait appel aux services de l'État pour dénoncer des irrégularités à l'arrêté préfectoral, sans pour autant de réponse concrète, pour mettre en application ces mesures de réduction d'impact. Les engins de chantier, ce jour-là, devaient rentrer par ce terrain, dans une zone de mise en défense, en passant par une propriété privée, sans autorisation. Ce chantier est reprochable et de nombreuses irrégularités ont été constatées », dénonce-t-il

Il espère ainsi la relaxe des prévenus, et demande à la Région « de faire en sorte, que le chantier se poursuive dans de meilleures conditions, le cas échéant ».

Le jugement sera rendu le 28 janvier 2025. 

 

 

 

 

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Vos commentaires

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1 commentaire

mar 14/01/2025 - 19:52

Bravo à ces lanceurs d'alerte. Le devenir des nos enfants dépend de gens comme vous qui prennent des risques pour l'intérêt général. L'Histoire vous jugera positivement comme elle a jugé positivement tous les avant-gardistes de lutte (contre les PCB, contre la dioxine, contre les gaz destructeurs de la couche d'ozone, pour le droit de vote des femmes, pour les libertés publiques, contre la monarchie despotique...)

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