Pour rappel, Henri Grouès, plus connu sous le non d'abbé Pierre, est un prêtre catholique français décédé en 2007. Cofondateur du mouvement Emmaüs, organisation de lutte contre l'exclusion, comprenant différentes fondations.
En 2023, Emmaüs France est le destinataire d'un témoignage faisant état d'une agression sexuelle commise par l'abbé Pierre sur une femme. En réaction, l'association ainsi qu'Emmaüs International et la fondation abbé Pierre ont « mandaté un cabinet expert de la prévention des violences pour mener un travail d'écoute et établir si d'autres faits similaires avaient pu se produire ».
C'est en juillet dernier qu'un premier rapport parait, révélant les témoignages de sept femmes, faisant état « de comportements pouvant s'apparenter à des agressions sexuelles ou des faits de harcèlement sexuel commis (...) entre la fin des années 1970 et 2005. L'une d'entre elles était mineure au moment des premiers faits », selon la fondation.
« La hiérarchie catholique était au courant », Libération, 1ᵉʳ août 2024
Pour l'heure, 24 personnes, dont certaines étaient mineures au moment des faits, rapportent des violences sexuelles.
Depuis ces premières révélations, de nouveaux témoignages ont été recueillis via un dispositif d'écoute géré par le groupe Egaé et la fondation a publié ce 6 septembre un nouveau rapport, portant le nombre de victimes à 24.
« La violence et l’extrême gravité de certains de ces nouveaux témoignages ont suscité un nouveau choc au sein de nos organisations », peut-on lire sur les sites du mouvement Emmaüs
Un extrait du rapport détaille en effet des faits extrêmement graves : « La majorité des témoignages font état de comportements qui ressemblent à ceux identifiés dans les premiers récits transmis au groupe Egaé [en juillet 2024]. Il s’agit de contacts non sollicités sur les seins ou de baisers forcés.
Plusieurs témoignages font état de faits graves d’une autre nature :
« Des contacts sexuels répétés sur une personne vulnérable, des actes répétés de pénétration sexuelle sur une personne de plus de 18 ans, ainsi que des propos à caractère sexuel, baisers forcés et autres contacts sexuels sur un enfant. Les faits décrits se sont déroulés des années 50 aux années 2000 »
Le dispositif d'écoute reste, lui, accessible jusqu'à la fin de l'année 2024.
L'Église complice des agissements de l'abbé Pierre
Outre ces révélations publiées par le mouvement, la presse, elle, est allée plus loin, allant chercher des preuves et des documents, corroborant avec les différents témoignages. C'est le cas notamment de nos confrères de Libération, qui révélaient déjà en août, que « selon des documents inédits consultés, la hiérarchie catholique était au courant du comportement problématique de l’abbé Pierre depuis les années 50, après un désastreux voyage aux États-Unis. »
De hauts responsables de l'Église alertés
Le média souligne aussi que, dès 1955, d'importantes personnalités de l'Église catholique ont été alertées de « l'inconduite de l'abbé Pierre ». Parmi eux, le cardinal américain Francis Spellman et le cardinal français Maurice Feltin ainsi que deux autres évêques français. Des signalements alors sans grandes conséquences pour celui qui représente le mot solidarité à lui seul (après son appel à la solidarité lors du rigoureux hiver de 1954).
Des faits à répétition que l'institution catholique tente de calfeutrer
Son séjour américain est simplement écourté, par crainte d'un scandale. Un second scénario étrangement similaire est également révélé par la cellule investigation de Radio France, au Québec cette fois, au début des années 1960 ; ainsi qu'en suisse, en 1957. C'est d'ailleurs cette fois l'Église et Emmaüs qui décident, selon nos confrères de France Info, de « mettre l'abbé au repos forcé, en l'envoyant en clinique psychiatrique en Suisse. »
En Haute-Loire, une antenne fondée après la venue de l'abbé, en 1980
En Haute-Loire, suite à une visite de l'abbé au Puy, à l'automne 1979 et d'un camp de jeune lors de l'été qui suit, 39 bénévoles constituaient, une association adhérant aux instance nationales.
Le Comité des amis d'Emmaüs de Haute-Loire est créé le 20 novembre 1980. Il prendra plus tard le nom d’Emmaüs 43 et fera partie de la Branche « Économie solidaire et insertion » créée en 2003 par Emmaüs France.
Ce 11 septembre, en réaction à ces nouvelles révélations, Gérard Giron, le président adresse à la presse un communiqué.
« La violence et l’extrême gravité de ces nouveaux agissements ont suscité un nouveau choc au sein de nos organisations. L’ensemble du Comité d’Amis Emmaüs 43 (sites du Puy en Velay, Saugues, Sainte-Sigolène, Pradelles ainsi qu’Emmaüs Environnement), en parfait accord avec les dirigeants nationaux et internationaux du mouvement, réaffirment aujourd’hui leur soutien total aux victimes dont ils saluent le courage et la confiance », rappelle-t-il.
Pour que son nom, autrefois idolâtré, rejoigne ceux des ordures
Et de préciser que le comité adhère aux décisions prises pour l'ensemble du mouvement par les responsables du mouvement. Parmi celles-ci, le changement de dénomination de la fondation abbé Pierre ; le retrait de la mention fondateur abbé Pierre du logo Emmaüs ; la fermeture d'Esteville, lieu de mémoire qui lui est dédié en Normandie ; et la mise en place d'une commission d'experts disponible pour tout éventuel besoin d'accompagnement.
Et de conclure : « En Haute-Loire comme ailleurs, l’investissement conjoint des bénévoles et salariés dans la lutte contre la pauvreté, le mal logement, l’exclusion ou l’indifférence, demeure reconnu, apprécié et plus que jamais indispensable. Tous souhaitent que le Comité d’Amis pérennise cette lutte, grâce à la confiance manifestée et au soutien accordé, afin de continuer plus que jamais à "Servir premier le plus souffrant". »
Mais...
Malgré un message de respect pour les victimes et les bénévoles, le responsable altiligérien revient dans son courrier sur les merveilleuses actions de l'abbé Pierre en termes de solidarité : « Notre Mouvement a conscience de ce qu’il doit à l’abbé Pierre. Il a inspiré nos organisations et les a incarnées durant de nombreuses années. Il a porté une voix et un élan, qui a entraîné des vagues de solidarité. L’importance de son action constitue un fait historique qui ne peut être remis en question. »