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[Enquête] À deux ans des élections, des maires ruraux à bout de souffle
Depuis les dernières élections municipales, quatre ans se sont écoulés. Et alors qu'il en reste encore deux à passer, huit élus altiligériens ont jeté l'éponge. Conditions de travail, pressions, divergences d'opinion ou encore soucis de santé, nos maires ruraux sont-ils déjà à bout ?
Ils étaient à la tête de leur commune au moins depuis le 22 mars 2020. Mais pour différentes raisons, parfois médicales, parfois politiques ou encore professionnelles, ils ont décidé de rendre l'écharpe.
Certains l'ont fait dès la première année de leur mandat, en 2021, d'autres viennent tout juste de lâcher l'affaire (août 2023 pour le plus récent). Pourtant, parmi eux, certains n'en étaient pas à leur premier coup d'essai. Mais les conditions de leur exercice ont eu raison de leurs motivations.
Dans le détail, voici leurs noms et leur date et motif de démission ▼ (Cliquez sur la flèche pour dérouler l'info)
- Michel Fradet, ancien maire d'Ouides, a démissionné en 2021 pour raisons de santé.
- Eric Dunis, ancien maire de Roche-en-Regnier a démissionné en 2022, après 22 ans de mandat, en raison de la difficulté de concilier vie professionnelle et mandat municipal.
- Didier Bourdelin a démissionné du poste de maire de Goudet en 2023, pour des raisons personnelles, qu'il n'a pas souhaité préciser à la presse.
- Jean-Louis Legros est le dernier à avoir démissionné de ses fonctions de maire, en aout 2023, à Auzon. Pour des raisons qu'il n'a pas souhaité mentionner publiquement
- Jean-Pierre Gauthier ancien maire de Saint-Haon (2022),
- Robert Machabert à Montusclat (2022)
- Pascal Prioux à Lavaudieu (2022).
Alors qu'il était élu depuis 2007, sa démission, en décembre 2022 a déjà fait couler de l'encre. L'ancien maire de Sainte-Sigolène, Dominique Freyssenet, revient sur son expérience avec le recul des quelques mois écoulés depuis.
« C'est une décision compliquée à prendre, parce qu'il y a des électeurs, mais aussi toute une équipe qui vous ont fait confiance, qui vous ont suivi, parfois pendant de longues années. Mais ce qui m'a vraiment poussé à démissionner, c'est le ras-le-bol », confie l'ancien maire.
Il faut dire que durant quatre décennies, Dominique Freyssenet n'a pas chômé. Il fut d'abord conseiller municipal, puis adjoint au maire en charge de la culture, vice-président de la communauté de communes, ou encore président du syndicat des eaux. Une implication citoyenne sans faille qu'il ne regrette surtout pas, et qu'il retrouve même dans son caractère, mais qui l'a poussé à bout.
« Un maire doit savoir empêcher la neige de tomber »
En effet, il souligne l'importance de la charge de travail d'un maire, qui est tenu pour responsable de beaucoup de choses, et qui doit donner son accord pour beaucoup d'autres.
« Un maire doit savoir empêcher la neige de tomber. C'est-à-dire qu'il est responsable de tout. Il reçoit toutes les doléances. Il y a quelques années, quand les gens avaient un souci personnel, ils allaient voir le curé. Maintenant, c'est terminé : on vient voir le maire pour régler des problèmes de voisinage, des problèmes familiaux, et bien sûr pour d'autres choses beaucoup plus importantes », déplore Dominique Freyssenet.
« Encore une fois, le maire était tenu pour responsable. Il sert de punchingball. »
Il se souvient d'ailleurs de l'un des dossiers qui la poussé vers la sortie : « En 2019, il y a eu une importante pollution au PCB suite au vandalisme de transformateurs électriques. Ça a couté près de 3 millions d'euros à la commune. Sur ce dossier, la préfecture nous a toujours aidés. Par contre, les services de l'État sont une catastrophe. »
« Je pense qu'un certain nombre de personnes justifient leur poste en imposant des contraintes aux maires. C'est-à-dire qu'encore une fois, le maire était tenu pour responsable de cette pollution, alors que je n'avais strictement rien à voir, et c'est d'ailleurs ce que la justice en a conclu. »
Il rappelle même que, suite à cet évènement, le ministère évoquait l'idée de mettre la commune sous tutelle. Une « aberration » pour le maire de l'époque, puisque Saint-Sigolène disposait d'une bonne capacité d'autofinancement. « Ça signifiait plus d'investissement, et une catastrophe pour la commune. »
Un dossier dont a hérité Didier Rouchouse, ancien adjoint aux finances de Sainte-Sigolène, ayant remplacé Dominique Freyssenet à la tête de la mairie, et qui pèse, encore une fois, sur ses épaules. Pourtant, il rappelle : « La justice a tranché. La commune a été déchargée de toute responsabilité. Cependant, le sujet revient souvent sur la table, car il a toujours des instances en cours dans les tribunaux judiciaires et administratifs. Nous avons toujours de grosses inquiétudes à ce sujet, puisque même s'il y a eu des condamnations, les indemnisations n'ont pas encore été versées. »
Il conclut alors qu'il attend impatiemment des solutions pour la résolution de ce dossier, qu'il suit depuis 2019 avec Dominique Freyssenet : « Aujourd'hui, ça n'avance pas. Une entreprise a été condamnée, mais on n'a toujours pas touché un seul centime. On attend des sommes importantes. »
« C'était la douche froide », Didier Rouchouse
Outre cette affaire de pollution, sur laquelle il travaillait déjà, c'est surtout la charge de travail qui a marqué la transition de Didier Rouchouse, du poste d'adjoint à celui de maire.
Il confie d'ailleurs à Zoomdici avoir vécu sa nomination comme « une douche froide », en raison de la masse de travail « impressionnante » qui lui incombe alors du jour au lendemain. Il détaille : « J'étais jusqu'alors adjoint aux finances. Mais ce n'est plus du tout la même chose. Même si on délègue, qu'on s'organise bien, il y a des limites. Il y a des choses qu'on ne peut pas déléguer, beaucoup de choses ne peuvent pas se faire sans le maire. »
« Un conseiller est expert en son domaine. Un maire est expert dans tous les domaines », Didier Rouchouse
D'autant plus que, comme à Sainte-Sigolène, de nombreux maires de "petites" communes sont contraints à continuer de travailler parallèlement. Didier Rouchouse est aujourd'hui inspecteur des impôts à mi-temps. Un rythme qu'il a adopté depuis son élection.
« En tant qu'adjoint au maire, on a un domaine de prédilection. Dans mon cas, les finances. On s'y consacre à fond, et on échange ensuite avec le maire. Mais quand on est maire, il faut être présent et au fait sur toutes les commissions. La difficulté, c'est le volume de travail. Je gérais beaucoup mieux les finances lorsque je n'avais que ça à faire, j'étais plus pointu parce que c'était mon domaine. En tant que maire, il faut une capacité de travail impressionnante. Il faut être expert dans tous les domaines. »
Et de souligner qu'à cela, s'ajoute l'implication auprès des syndicats, associations, communauté de communes, etc. Déplorant une certaine frustration : « On est insatisfait, parce qu'on n'arrive pas à tout faire en étant aussi impliqué dans chaque dossier. »
« Tout le monde critique, mais personne ne veut prendre de responsabilités », Dominique Freyssenet
Cette démission, c'est aussi pour Dominique Freyssenet, celle du constat d'un manque de motivation, notamment de la part des électeurs et des élus. « En 2023 par exemple, il n'y avait qu'une seule liste à Sainte-Sigolène, ce qui s'est jamais vu. Tout le monde critique ce que font les élus, mais personne ne veut prendre leur place parce que c'est bien trop compliqué », dénonce Dominique Freyssenet.
Des propos qui corrèlent avec ceux du président de l'AMF de Haute-Loire, qui précise, lui, son inquiétude en amont des prochaines élections.
« Les jeunes maires ne s'attendent pas à une telle charge de travail », Bernard Souvignet, président AMF 43.
Représentations, administration, développement économique, conseils municipaux, services publics, relations avec les citoyens, urbanisme et aménagement du territoire, gestion des situations d'urgence, ou encore de la vie citoyenne et associative locale, les rôles que le maire assure au quotidien sont variés, souvent complexes et surtout très nombreux.
Un nombre de responsabilités qui surprend, selon Bernard Souvignet, beaucoup de maires nouvellement nommés.
En tant que président de l'AMF (Association des maires de France) de Haute-Loire, il explique : « Ce nombre de démissions de maires qui s'élève à 8 s'explique en partie parce que les jeunes maires ne s'attendent pas à une telle charge de travail, et à une telle complexité. Et il doit y en avoir encore davantage parmi les conseillers et adjoints municipaux. »
« On aura du mal à trouver des maires et des adjoints », Bernard Souvignet
« Pour trouver des postes de maire ou d'adjoint, ça sera plus compliqué que pour des postes de conseiller municipal. Dès qu'on est adjoint au maire, il faut quand même consacrer du temps. Et puis, on me dit qu'il y a beaucoup de maires qui sont à la retraite, mais dans les toutes petites communes, il arrive qu'on cumule la fonction de maire et un emploi à plein temps à côté. Or, dès que la commune devient un peu importante, de l'ordre de 7 ou 800 habitants, c'est difficile d'assumer ces deux casquettes à plein temps. »
Selon Bernard Souvignet, la solution serait d'accorder, de façon rémunérée ou non, une demi-journée, une journée, voire davantage selon les cas, de journées de disponibilité pour les maires.
« Disons que c'est dans ce sens qu'il faudrait aller, pour qu'il puisse assurer tout, d'autant qu'aujourd'hui de plus en plus de réunions sont en journée. Elles sont à 17 heures. Elles sont à 10 heures du matin. Elles sont à 14 heures... et c'est très difficile de concilier ça avec un emploi normal. »
Récemment élue à la tête de la commission développement et solidarités territoriales de l'Assemblée des Départements de France, Marie-Agnès Petit a affirmé lors d'un entretien accordé à Zoomdici, placer les relations entre les élus locaux et les collectivités territoriales, au cœur de ses priorités. Affaire à suivre donc.
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3 commentaires
La décentralisation centralisée!
Avec une réduction imposée des recettes (taxe d'habitation), non compensée en totalité, et une augmentation des dépenses contraintes ou des transferts de charges, non compensés également, comment voulez vous que les collectivités locales ou territoriales aient des élus motivés?
Cette manipulation imposée par un état incapable de gérer nos finances publiques et notre argent, et ses hauts fonctionnaires ou leurs conseillers des grands cabinets d'audit, ne peut que conduire à une telle situation.
Je décide pour vous, vous exécutez, et bien entendu, vous payez
Être maire ne fait plus rêver, outre la charge de travail et les responsabilités. Les insultes dégradations sur bien personnel et parfois menaces de mort sont devenus une banalité. Courage à ceux qui oseront encore à porter le fardeau.
Le maire dans un commune est en première ligne pour recueillir les doléances des administrés ; y compris celles pour lesquelles il n'est pas compétent ni responsable. Par exemple pour les compétences de communautés de communes (EPCI) Les premier(e)s sont les secrétaires de mairie. Etre dérangé même la nuit, les dimanches sous prétexte qu'ils l'ont bien voulu c'est un peu court.