L'été indien des terrasses ponotes

Par JPo , Mise à jour le 29/10/2022 à 13:00

L'été à n'en plus finir ! Alors que des records de chaleur avaient déjà été relevés au mois de mai dernier, on pouvait croire l'été terminé, en cette deuxième quinzaine d'octobre. Il n'en est rien : en Haute-Loire, la température, en ce début d'automne, est de 8° supérieure aux moyennes de saison pour le plus grand bonheur des cafetiers locaux. Mais de quoi s'inquiéter un peu quand même ..

Les propriétaires de la célèbre gloriette de la place du Breuil n'ont pas le temps de répondre à nos sollicitations : leur terrasse d'une cinquantaine de places ne se désemplit pas en ce jeudi après-midi et une bonne vingtaine d'amateurs de hot-dogs attendent leur commande, en guettant du coin de l'oeil l'opportunité de pouvoir enfin s'assoir. Les places assises en terrasse se font rares, au centre du Puy, en cette première semaine de vacances scolaires. 

Des terrasses prises d'assaut ...

La terrasse de la Gloriette prise d'assaut Photo par JFP

" Pour des vacances de la Toussaint c'est exceptionnel " John, patron de l'Aviation

John, le patron du " Bar de l'Aviation " n'en croit pas ses yeux : " Pour des vacances de la Toussaint, c'est exceptionnel. Généralement, on plie notre terrasse au début du mois d'octobre. Là, on a encore 80 places dehors, et c'est quasi complet tous les après-midis. On sert essentiellement des bières, des sirops et du coca à des gens en T-shirt et en bermuda, alors qu'en octobre généralement on sert des chocolats chauds, à l'intérieur, à des gens en doudoune". 

John, le patron de l'Aviation Photo par JFP

" C'est chaud, chaud, chaud " Hadrien, barman au Palais

Même son de cloche, un peu plus bas, du côté de la " Brasserie le Palais " et de son barman Hadrien : " On s'est fait secouer comme des pommiers toute la semaine que ce soit sur la terrasse de devant ou sur la terrasse de derrière et c'est pas encore fini. C'est carrément dingue. C'est plein à craquer tout le temps. On arrête pas de courir, que ce soit en matinée ou dans l'après-midi. Les gens restent  jusqu'à minuit, comme en plein été, c'est chaud, chaud, chaud. Ça nous change des mois d'octobre passés".

Pareil encore du côté d'une célèbre crêperie  de la Place du Plot : " Ça se calme un peu aujourd'hui, mais en début de semaine, c'était le délire. Le pic c'était mardi et mercredi. On a énormément bossé. C'est les vacances, il fait chaud, les touristes arrivent en masse sur notre terrasse.On l'a toujours jusqu'à la fin du mois d'octobre, mais généralement elle est vide. On n'avait pas prévu le coup, on ferme la semaine prochaine. 

Hadrien, barman au palais Photo par JFP

Mais faut - il s'en réjouir ? 

Cette vague de chaleur exceptionnelle pour un mois d'octobre, tant au niveau de son intensité que de sa durée et de sa répartition sur l'ensemble du territoire est provoquée par un phénomène météorologique complexe  qualifié de " plume de chaleur encordée " par le climatologue Christophe Cassou, directeur de recherches au CNRS et membre du GIEC. 

La " plume de chaleur " est un terme qui désigne le transport d'une masse d'air chaud par les vents du Sud, aspirée par une dépression présente au dessus du nord de l'océan atlantique. Tout ceci forme un énorme système d'aspirateur qui permet à cette masse d'air chaud d'arriver jusqu'à nous et de provoquer des canicules estivales à répétition.

Mais ce qui caractérise la " plume de chaleur " à l'origine de l'été indien que nous vivons actuellement, c'est que cette dernière est associée à une dépression de très grande échelle qui va du Groenland jusqu'aux Açores. C'est ce qui explique la durée du phénomène ainsi que son étendue, pour Christophe Cassou, et c'est  ce qui lui permet de la qualifier d' " encordée " dans le sens où elle est liée à " une circulation atmosphérique d'échelle planétaire".

Copie d'écran du compte twitter du climatologue Christophe Cassou Photo par twitter

Inquiétant? Très certainement, puisqu'il s'agit là d'une nouvelle conséquence du déréglement climatique : les vagues de chaleur qui jusqu'à présent étaient de plus en plus fréquentes, de plus en plus intenses et de plus en plus précoces seront sans doute également de plus en plus tardives. 

" Le monde m'inquiète, c'est quand même flippant ce qui est en train de se passer " Une commerçante du Plot

Si les propriétaires des terrasses sont des commerçants comblés ce sont aussi des citoyens inquiets : " Pour le boulot, des terrasses pleines fin octobre, c'est vachement bien, mais c'est pas normal. Le monde m'inquiète, c'est quand même flippant ce qui est entrain de se passer " conclue la propriétaire de la crêperie de la Place du Plot. Pour John, " c'est pas bien normal tout ça, mais on n'y changera pas grand - chose".

C'est quoi l'éco-anxiété ?

L'éco-anxiété et la solastalgie sont des formes de détresse psychique causées par les changements environnementaux actuels ou attendus, en particulier concernant la destruction des écosystèmes et de la biodiversité et par extension le réchauffement climatique.

Frédéric, songeur, déguste son café sur la terrasse du Palais. Cet ancien directeur artistique dans la téléphonie a quitté la capitale après l'épisode du confinement pour retrouver une vie plus saine à la campagne, auprès des siens : " Ça m'inquiète beaucoup le décalage qu'il y a entre le plaisir que prennent les gens aujourd'hui, attablés sur les terrasses du Puy et ce qui nous attend dans quelques années avec l'accélération du dérèglement climatique. A Paris, j'achetais tout en grande-surface. Depuis que je suis là, je prends plaisir à acheter local et à consommer des fruits et légumes de saison. Mais j'ai peur que dans quelques années les producteurs locaux ne parviennent plus à cultiver. Regardez ce qui se passe au Bouchet, ils sont obligés de pomper l'eau dans le lac, à cause de la sécheresse. Et ça ne va pas s'arranger à mon avis. Depuis que je suis revenu en Haute-Loire, j'ai vraiment pris conscience des effets du réchauffement climatique. En ville, les gens s'en rendent moins compte, ils vivent tellement éloignés de la nature. En fait je suis entrain de devenir éco - anxieux ". 

Frédéric, un consommateur éco-anxieux Photo par JFP

La vague de chaleur actuelle devrait prendre fin ce dimanche d'après Météo-France. 

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2 commentaires

dim 30/10/2022 - 22:12

Et si la vague de chaleur était centenaire ? 

https://www.geo.fr/histoire/canicule-a-lete-1911-cette-vague-de-chaleur-qui-a-fait-plus-de-40000-morts-210946?amp

https://www.meteo-paris.com/chronique/annee/1921

sam 29/10/2022 - 20:31

Et oui, actuellement l avant goût du réchauffement climatique a un air agréable, mais l arrière goût sera fort différent, et si des citoyens, des consommateurs, des paysans ... tentent de changer la donne en intégrant un mode de vie et de production visant la sobriété, nos politiques depuis l élu local au notional (la palme du désastre écologique revient sans doute a la région) sont coupables de ne rien faire si ce n est du greenwashing. Alors que le consensus scientifique tant sur le constat que sur les solutions a apporter est là, les politiques continuent de foncer avec un logiciel désuet du 20 siècle. Il faudra un jour établir leur culpabilité et les juger pour mise en danger des jeunes générations. 

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