Retenues collinaires...source de tensions dans le département

Par Clara Serrano , Mise à jour le 27/09/2023 à 06:00

Avec des sécheresses de plus en plus intenses et de plus en plus longues, la tension sur la répartition de la ressource en eau s'intensifie. La Haute-Loire n'échappe pas à cette guerre de l'eau. Dans le département, 110 retenues collinaires ont été construites, ce qui ne plait pas à tout le monde. Zoomdici donne la parole aux différents courants.

S’il y a plus de sécheresses, ce n’est pas forcément parce qu’il pleut moins, mais parce que, selon Météo France, depuis une trentaine d’année, en France, il fait nettement plus chaud. Dans la dernière décennie, la température moyenne enregistrée est supérieure de plus d’un degré à celle enregistrée entre 1961 et 1990. Or plus l’air est chaud, plus le phénomène d'évaporation est important et plus la terre a besoin d’eau pour son équilibre.

Autre conséquence, la pluie a davantage tendance à tomber de manière plus intense et plus irrégulière. De plus, comme il y a plus d’eau dans l’air, il y a plus d’épisodes de pluies intenses. Ce phénomène accentue les longues périodes sans pluie et les vagues de chaleur.

Des chercheurs ont fait le calcul à l’échelle de l’Europe et ont rapporté que les pertes agricoles liées aux vagues de chaleur et aux sécheresses ont triplé au cours des cinq dernières décennies, passant de 2,2 % entre 1964 et 1990 à 7,3 % entre 1991 et 2015.

Pour limiter les pertes, les agriculteurs travaillent à des solutions plus ou moins durables. Parmi elles, l’irrigation. Et pour irriguer, des réserves d’eau sont nécessaires (cours d’eau, barrages, nappes souterraines). Or lorsqu’il ne pleut pas pendant longtemps, ces réserves sont à sec.

« L’eau de pluie et celle issue du ruissellement est prélevée durant l’hiver, période à laquelle les ressources sont plus importantes et durant laquelle la nature est en sommeil. » Landry Marsaud de la Chambre d'Agriculture de la Haute-Loire

Stocker l'eau tant qu'il y en a 

Pour contourner ce problème, certains ont mis en place une solution, celle du stockage de la ressource, notamment grâce à des bassines, méga-bassines et retenues collinaires. L’objectif est de les remplir en hiver, lorsque les nappes sont censées être pleines. Quand vient l’été, ce stock d’eau est utilisé pour irriguer, permettant aux agriculteurs de ne pas puiser dans les nappes au moment où elles sont le plus affaiblies.

« L’installation des retenues collinaires est très réglementée »

La Chambre d'Agriculture de la Haute-Loire, elle, accompagne les agriculteurs dans leurs projets, y compris de construction de retenue. En tant que conseiller environnement et réglementation au sein de l'organisme altiligérien, Landry Marsaud explique : « L’installation des retenues collinaires est très réglementée par le SDAGE Loire-Bretagne (schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux) dont dépend la Haute-Loire. Ces réglementations sont très précises, notamment sur les dates de remplissage, mais aussi sur les territoires où il est possible de construire un tel matériel sans impacter de manière trop importante l’écosystème local. Ainsi, l’eau de pluie et celle issue du ruissellement est prélevée durant l’hiver, période à laquelle les ressources sont plus importantes et durant laquelle la nature est en sommeil. »

« Elles prennent beaucoup de temps, et nous n'en sommes encore qu'à la phase de diagnostic »

Le SDAGE a d'ailleurs entraîné la réalisation d'études HMUC ((Hydrologie, Milieux, Usages et Climat), actuellement en cours dans toute la France. Leur objectif est de comparer les besoins (agricoles, humains, industriels, énergétiques et naturels) et les ressources disponibles en eau afin de trouver un équilibre entre ces deux paramètres. Le préfet de la Haute-Loire soulignait d'ailleurs la durée important de celles-ci : « Elles prennent beaucoup de temps, et nous n'en sommes encore qu'à la phase de diagnostic. Des évaluations intermédiaires et à plus court terme pourraient peut-être s'avérer utiles ».

Une retenue collinaire en construction à Coubladour.
La retenue collinaire en construction à Coubladour en octobre 2021. Photo par SOS Loire Vivante

Ce que dit la loi ? ▼

C'est l’article L. 211-1 du code de l'environnement qui régit les retenues d'eau en question. 

Parmi les critères pris en compte dans les projets de création de retenues, on retrouve sa superficie, sa localisation en zone de répartition des eaux ou non, son mode d’alimentation, sa position dans le lit majeur ou mineur d’un cours d’eau, sa hauteur et le volume d’eau stocké, sa présence ou non en zone humide, l’engagement des propriétaires pour des travaux d’entretien réguliers. 

110 retenues collinaires en Haute-Loire

En Haute-Loire, seules des retenues collinaires ont, selon l'institution, été construites, tirant profit du relief du territoire et donc du ruissellement naturel des cours d’eau. On en recense aujourd’hui 110 dans le département.

Sébastien Béraud, éleveur et co-gérant du Gaec aux Mille Couleurs pense que de telles installations "peuvent être très utiles et bénéfiques si elles sont utilisées à des fins intelligentes."

Il valorise l'utilisation de retenues collinaires "dans le cas de cultures qu'il qualifie de raisonnées, respectueuses de la structure des sols".

Zoomdici a tenté de joindre Laurent Duplomb, défenseur des retenues collinaires, à plusieurs reprises. Nous n'avons pas eu de retour à ce jour.

"Ce qu'il faut, c'est d'abord évaluer les ressources disponibles sur le territoire"

Le point de vue partagé par Sébastien Béraud l'est également par Renaud Daumas. L'agriculteur en maraîchage biologique, Conseiller régional Les Ecologistes, préconise une meilleure réglementation, notamment sur "l'utilisation qui sera faite de l'eau retenue. La diversification de l'écosystème sur une exploitation permet d'en diminuer le besoin en eau, comme l'enrichissement des sols en humus et encabane, qui permet également une meilleure aération, une meilleure minéralisation et donc un meilleur rendement du sol."

Il ajoute : "Ce qu'il faut, c'est d'abord évaluer les ressources disponibles sur le territoire, mais aussi les besoins naturels de celui-ci, ainsi que leur potentielle évolution en fonction du changement climatique des prochaines années. Une fois toutes ces données prises en compte, alors une discussion démocratique pourrait être organisée pour déterminer les priorités d'usage de la ressource restante. "

"Pour répondre à un intérêt général majeur"

Le 25 avril, Laurent Duplomb avait déclaré "d'intérêt général majeur les ouvrages ayant vocation à stocker l'eau à des fins agricoles".

Il avait souligné que  "les plans d'eau permanents ou non, comme les prélèvements nécessaires à leur remplissage, à usage agricole, sont réputés répondre à un intérêt général majeur. Dans le respect d'une gestion équilibrée de la ressource en eau et d'une production agricole suffisante et durable, dès que possible, ces installations et activités tiennent compte d'un usage partagé et raisonné de l'eau à l'échelle des bassins hydrographiques." 

Entre autres, l'article 7 propose que "dans le cadre de l'élaboration volontaire d'un projet de territoire pour la gestion de l'eau, sont déterminées avec précision les modalités de concertation locale entre les acteurs en vue de la construction d'ouvrages ayant vocation à prélever ou à stocker l'eau à des fins agricoles, sous l'égide du préfet coordinateur"

Pour sa semaine de l'environnement, la mairie de Vals aimerait organiser un atelier type création de produits ménagers, cosmétiques,… + petits conseils mardi 17 mai 20h ou jeudi 19 mai 20h (moi je préfère le mardi). Je veux bien le faire mais je ne m'y connais pas tant que ça. Vous faites des animations parfois il me semble avec le groupe Zerodéchets43. Avez-vous une trame, des éléments de démo... ? Ou l'un de vous ferait l'animation avec moi en appui... (Pour ce qui est du zéro déchet ils ont déjà sollicit
La retenue collinaire de Coubladour en cours de remplissage fin février 2022. Photo par Lucien Soyère

"Ce sont ceux qui ont les moyens d'investir dans de tels projets, qui auront le monopole sur la ressource, au détriment des petits agriculteurs qui privilégient généralement d'autres méthodes de production". Renaud Daumas 

Une appropriation de la ressource ?

Selon Renaud Daumas, le stockage de la ressource en eau par un agriculteur pour son exploitation est un système qui ouvre la porte à sa privatisation. Il dénonce ainsi l'utilisation de retenues de stockage, quelles qu'elles soient. "L'eau est une ressource naturelle et publique. Le problème avec ces bassines est qu'elles ouvrent la porte à l'appropriation des ressources. C'est-à-dire que ce sont ceux qui ont les moyens d'investir dans de tels projets, qui auront le monopole sur la ressource, au détriment des petits agriculteurs qui privilégient généralement d'autres méthodes de production. De plus, certaines retenues ayant été créées il y a quelques années sont aujourd'hui à l'abandon en raison de départs à la retraite. Une solution serait de les mettre à disposition de plusieurs "petits" agriculteurs ", lance le conseiller régional Les Écologistes. 

"La mise en place de retenues collinaires n'implique pas d'appropriation de la ressource puisqu'elle est ensuite utilisée par l'agriculteur pour produire et ainsi répondre à la demande en nourriture des Français" Landry Marsaud

La question du financement

Soutenues par la Région par le biais d'aides financières liées au FEADER (Fonds européen agricole pour le développement rural), ces retenues collinaires ont tout de même un coût très important restant à charge pour les agriculteurs.

La Chambre d'Agriculture souligne : "Nous sommes conscients que tous les agriculteurs ne sont pas capables d'avoir de tels projets, que ce soit par manque de moyens financiers, en raison du lieu de l'exploitation, ou autre. La Chambre accompagne donc chacun d'entre eux et propose des solutions alternatives adaptées permettant généralement une meilleure absorption de l'eau par le sol : l'utilisation de couvert végétal, la rotation des cultures, etc."

"S'il ne pleut pas, les retenues collinaires seront, elles-aussi, asséchées"

Pour Renaud Daumas, ce surcoût représente un risque important pour les agriculteurs qui investissent dans ce genre de construction : "La rentabilité du projet dépend de nombreux facteurs, y compris toujours le même : la sécheresse. S'il ne pleut pas, les retenues collinaires seront, elles-aussi, asséchées. De plus, elles sont exposées, contrairement à l'eau laissée dans les nappes, aux variations de températures et donc à l'évaporation, mais aussi à la pollution et aux bactéries. Particulièrement les cyanobactéries, qui apparaissent en raison de l'état statique de l'eau". 

Le département toujours en état d'alerte

À ce jour, la Haute-Loire se trouve toujours dans une situation très tendue. La sécheresse s'étend malgré les petites pluies des dernières semaines. Le préfet Yvan Cordier déclare d'ailleurs garder cette thématique parmi ses préoccupations principales en cette fin du mois de septembre.

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8 commentaires

jeu 28/09/2023 - 14:14

Le Président a présenté les grandes lignes d'une transition écologique "à la française"...A-t-on entendu dans sa bouche un programme alimentaire qui tiennent compte de cette transition ? Aussi, les représentants de la FNSEA sont contents ! Le sénateur Duplomb devrait nous dire ce qu'il pense du taux de remplissage du barrage de Naussac à moins de 30% et à quoi c'est dû, selon lui. Dans un modèle économique non viable car largement subventionné (mais pourquoi pas) tout un chacun n'a pas droit à la parole. L'argent public est dépensé par les chambres d'agriculture, les agences de l'eau au seul profit de certains agriculteurs. Un autre modèle pour nourrir les Français doit être mis en oeuvre et non des pansements qui représentent un vision à très court terme .

mer 27/09/2023 - 21:24

Les retenues collinaires sont une fausse bonne idée.

Il suffit de voir le niveau d'eau actuel du barrage de Naussac pour comprendre que le vrai problème c'est le manque d'eau.

Donc il faut tout faire pour en consommer le moins et le mieux possible.

mer 27/09/2023 - 18:57

Question : Combien de retenues collinaires, en Haute Loire et ailleurs sont remplies par les eaux de ruissellement ?

mer 27/09/2023 - 18:27

C est cette même agroindustrie qui pollue les sols les eaux,  l air qui veut privatiser la ressource en eau. Avec des investissements massifs pour satisfaire les financiers  et le btp. Avec un peu de roundup,  et des cancers à la clef, la chute de la biodiversite... à côté de ça, des paysans en bio en circuits courts, ne sont pas aidés comme le sont les gros céréaliers de la bauce.  Une politique archaïque qui sert l.interet d une minorité...

mer 27/09/2023 - 17:01

Les agriculteurs et éleveurs sont en première ligne pour constater et s'adapter au changement climatique dont les effets sont si rapides et impactants. Les retenues ne sont sans doute plus la solution, (le maïs ne supportant plus les chaleurs estivales) mais où est la solution?

Avant de critiquer, adoptons au moins une attitude sobre et responsable....

 

mer 27/09/2023 - 13:47

je pense que le meilleur est de rien faire

laissons la nature à la nature, plus de route, plus de boulot, plus de voitures, terminées les taxes (sur le carburant qui profitent à certains détracteurs) , les partis politiques ne seront plus financés par nos impôts, plus d'aides sociales, agricoles, revenons à la préhistoire.

mer 27/09/2023 - 10:59

Faut pas être sorti de Saint-Cyr pour comprendre qu'à l'heure des canicules bibliques (qui vont se multiplier et s'accentuer) ces retenues XXL s'évaporeront à vue d'oeil et ne se rempliront qu'à grand peine... (jetez un oeil à Naussac)

mer 27/09/2023 - 07:27

Il est faux de prétendre un manque de recul sur la question. En Espagne, ce genre de retenues existent depuis... le début des années 1950 (initiées par Franco !). Elles sont aujourd'hui majoritairement contestées pour leur INEFFICACITÉ avérée, incapables de se remplir avec l'avancé du réchauffement climatique.

D'ailleurs, celle qui est prévue dans le Puy-de-Dôme doit être alimentée par des pompages dans l'Allier, selon l'arrêté préfectoral qui l'autorise, à condition que celle-ci ait un certain débit, seuil qui n'est dépassé ces dernières années que 3 jours par an !!! Avant même de la construire, on sait qu'elle sera inutile et inutilisable.

Je renseigne ma commune de préférence :

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