Quand la vie de château rime avec biodiversité

Par JPo , Mise à jour le 13/04/2025 à 17:00

Faire d'un vieux château dont les origines remontent au Moyen-Age un havre de paix susceptible d'accueillir une famille à la recherche d'authenticité et de bien-être simple et naturel. Transformer une ancienne bâtisse défensive moyenâgeuse en un domaine agricole devenu en quelques années une réserve pour la flore et la faune locale. C'est le pari un peu fou mais réussi mené par Françoise du Garay et sa famille,  les propriétaires du Chateau de Durianne qui domine la Loire du côté du Monteil. Quand la vie de château rime avec biodiversité. Rencontre avec une famille qui détonne à l'occasion du printemps du Patrimoine. 

Le château de Durianne, une histoire qui remonte à l'Antiquité 

Lorsqu'on s'intéresse à l'histoire du château, c'est à Antoine, l'un des fils de la châtelaine qu'il faut s'adresser. Amoureux des vieilles pierres et très attaché à la bâtisse dans laquelle il a grandi, il a écumé les archives pour tenter de  retracer l'histoire du lieu. Une histoire qui remonterait  à l'époque gallo-romaine : " le nom du lieu, Durianne, signifie étymologiquement, la villa du gallo-romain Dunus. Certains vestiges  de cette époque sont toujours présents aujourd'hui, comme les chapiteaux de l'entrée du château qui ont ensuite été intégrés à la bâtisse". 

Les premières traces écrites concernant le domaine remonteraient quant à elles au XIII siècle  : " en 1229, Saint-Louis ordonne à Etienne de Chalançon, l'évêque du Puy, de lui donner ses terres. La seigneurie de Durianne devient alors une garde sur la Loire, liée de près ou de loin,  à la famille et à la forteresse de Polignac. Le domaine passe ensuite à la famille Gachet, des muletiers très riches, qui y entreposaient leur bétail puis à la famille Chabade qui entreprend la construction des parties du château les plus anciennes". 

La forteresse subit ensuite les assauts de la guerre des religions : " à la fin du XVI siècle, d'importantes réparations devront être effectuées sur le bâtiment en partie détruit à cette époque là". Elle passe encore ensuite entre les mains de différentes familles, " Les Pons des Ollières, Les Chabrier, des marchands du Puy" avant d'être cédée à la famille de Fonfreyde dont l'un des membres, Joseph " était un grand voyageur, un égyptologue renommé et l'ami de Gérard de Nerval, grand poète français". 

Ce dernier, avant de s'établir en Amérique, vend le domaine à la famille Balme du Garay en 1836 , les ancêtres des propriétaires actuels. 

Antoine du Garay, l'un des fils de Francoise, a retracé l'histoire du château Photo par jfp

Une histoire de femmes aussi et surtout

L'histoire de ce château, depuis le début du vingtième siècle , Françoise du Garay, la résume en quelques mots ,  " des femmes, du courage et beaucoup de volonté et de détermination" : " c'est très important pour moi que tout le monde le sache, ce sont les femmes de ma famille qui ont continué d'écrire l'histoire du lieu. A force de courage et de volonté. Le domaine est passé de femme en femme sur l'ensemble du siècle dernier. Elles ont toutes fait ce qu'elles pouvaient pour le conserver en l'état dans le patrimoine de la famille. Malgré de nombreuses pressions. Malgré les assauts du temps. C'était franchement pas évident pour elles, mais elles l'ont fait. ". 

Et Françoise du Garay s'inscrit totalement dans cet héritage. Il y a 20 ans, avec sa petite famille, elle quitte son appartement parisien et sa vie de professionnelle du marketing pour continuer à écrire la longue histoire du domaine de Durianne : " Je n'arrivais plus à donner de sens à ma vie dans la capitale. J'étais jeune mère de famille et j'avais vraiment envie d'autre-chose, d'un autre cadre pour élever mes enfants. Cette maison m'a appelée, c'est vraiment comme ça que cela s'est passé je vous l'assure. Du jour au lendemain, on a pris nos cliques et nos claques et on est venu s'installer ici".

Et la vie de château, pour la famille de châtelains, c'est franchement pas du gâteau à l'époque : " Quand on est arrivé en 2003, ici, c'était plus la jungle que Versailles. Le sauvage avait repris ses droits.Il y avait des ronces et des mauvaises herbes partout. A l'intérieur, on n'avait aucun confort. On vivait toute l'année en pull et en doudoune, au milieu des travaux auxquels il a fallu très rapidement nous atteler. Il n'y avait plus de toit, plus de portes, plus de fenêtres. On a du tout faire nous-mêmes.".

Mais comme ses aïeules, Françoise est courageuse et déterminée et sait ce qu'elle veut. Pour elle. Pour sa famille. Pour le domaine. Et pour le vivant en général.

Le château de Durianne Photo par jfp

Un vrai réservoir de biodiversité 

Les parents de Françoise étaient agriculteurs. L'idée de s'inscrire dans leurs traces ne l'avait jamais effleurée avant la naissance de ses enfants et son installation sur le domaine : " il faut savoir que le domaine de Durianne compte 16 hectares exploitables. A notre arrivée, les terres étaient louées à un exploitant. On a fini par les récupérer non sans mal, mais on les a récupérées. Je me sentais un peu à l'étroit derrière les murs qui entourent le jardin. J'avais besoin d'espace". 

Alors Françoise saute le pas. C'est décidé, elle deviendra paysanne : " en 2009, j'ai rejoint les bancs du lycée agricole de Vals pour passer le brevet de responsable d'entreprise agricole". Elle décroche son diplôme au bout d'un an puis décide de s'installer en tant qu'éleveuse d'ovins.

Atypique selon elle. Pour différentes raisons: " vous savez je suis une femme, et le monde agricole me regarde encore un peu parfois de haut, c'est un milieu plus sexiste et plus machiste que la moyenne" !  Atypique également de par ses propres choix de chef d'exploitation et la philosophie qui les accompagne , qu'elle résume avec ses mots, bien à elle : " on parle beaucoup de préservation du patrimoine. C'est une réelle nécessité. Mais le patrimoine, c'est pas que les vieilles pierres. On oublie trop souvent que le patrimoine c'est avant tout du vivant, de l'animal, du végétal. Notre premier patrimoine, je pense que c'est la biodiversité de nos campagnes qu'il faut préserver par tous les moyens. C'est pour y participer, à ma mesure,  que je me suis lancée dans cette nouvelle aventure professionnelle". 

Et les actes sont là, qui confortent les paroles : " Mon troupeau de brebis est constitué d'une race endémique , que je contribue à réintroduire en Haute-Loire, la Bizet. C'est une race très rustique, parfaitement adaptée au terrain rocailleux de moyenne montagne et donc parfaitement à l'aise sur mon domaine. Mon exploitation produit une centaine d' agneaux de cette race par an, que j'élève pour leur viande qui est ensuite vendue par le biais d'une AMAP, pour privilégier les circuits courts". 

Mais ce n'est pas tout. Au château de Durianne , en matière de biodiversité et de protection du patrimoine naturel,  on fait les choses à fond : " j'élève aussi du cheval d'Auvergne, de l'âne à la croix de Saint-André, des oies de Toulouse, de la poule de Marans, du cochon cul noir du Limousin et j'ai installé un verger d'un millier d'arbres, visible depuis la route, en collaboration avec le conservatoire botanique de Chavaniac, qui ne comprend que des variétés locales de cerise, de pommes et de poires". 

Le domaine de Durianne, un vrai refuge pour la biodiversité ? Nous avons posé la question à un spécialiste du sujet, Franck Chastagnol, chargé de mission pour la LPO, venu en invité présenter la nouvelle campagne de son association en faveur de la réintroduction locale de la chouette. Aucun doute pour lui : " ici on à affaire à une vraie mosaïque de vie. C'est un endroit totalement unique dans lequel on peut observer une diversité animale et végétale sans équivalent ailleurs. Un vrai exemple de ce qu'il faudrait faire un peu partout pour préserver et accroître la biodiversité. Les mares, les vieilles granges, les étables rustiques, la prairie entretenue de manière extensive, les murs de pierre sèche , les rochers et la mixité préservée de la forêt environnante, c'est de cela dont la nature a vraiment besoin, et l'homme aussi d'ailleurs". 

Une race de brebis endémique dans un verger réservoir de biodiversité Photo par jfp

 

 

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