De fils en fuseaux, la dentelle passe elle aussi son examen

Par Nicolas Terme , Mise à jour le 16/06/2023 à 17:00

Répertoriée dans l’Inventaire du patrimoine culturel immatériel français, et douce réminiscence d’une époque où les béates vellaves ont fait du Puy-en-Velay l’une des capitales européennes de leur art, la dentelle aux fuseaux s’est invitée, toute cette semaine, à l’épreuve de CAP au lycée professionnel Jean Monnet.

Se former au CAP « Arts de la dentelle option fuseaux » :

Seuls 3 établissements, dans tout le pays, proposent cette formation et 2 d’entre eux se trouvent en Haute-Loire :

  • le conservatoire de la dentelle de Bayeux.
  • le centre d’enseignement de la dentelle au fuseau du Puy-en-Velay.
  • l’hôtel de la dentelle de Brioude.

Le lycée professionnel Jean Monnet, centre national d’examen de la dentelle aux fuseaux

Depuis lundi matin, de bien étranges cliquetis résonnent dans les locaux du lycée professionnel Jean Monnet. Affairées sur leur table de travail, huit dentellières sont en effet venues se confronter au très exigeant CAP « Arts de la dentelle option fuseaux ».    
Préparée en deux ans, cette formation professionnalisante prépare les futures dentelières aux différentes méthodes et créations de cet art infiniment technique.
Choix des fuseaux, du fil, position de la dentelle, couture, repassage, rentrayage des fils, crochetage, montage et aponçage… tant de techniques, souvent ancestrales, qu’il est donc nécessaire de maîtriser à la perfection pour espérer décrocher le précieux sésame.

Former des enseignants et des professionnels de la mode

Le titulaire de ce CAP « Arts de la dentelle option fuseaux » devient alors un professionnel reconnu dans son domaine.     
Capable de réaliser avec minutie, sens du détail et sensibilité artistique, n’importe quelle création textile, ornementale ou vestimentaire en dentelle, il aura alors la possibilité d’intégrer directement le marché du travail ou de poursuivre ses études via un Brevet des métiers d’arts (BMA).     
Très souvent, les lauréats de ce certificat d’aptitude professionnelle se tournent vers le milieu de la mode, du luxe, de la conservation du patrimoine ou de l’enseignement afin de transmettre, aux jeunes générations, cet art séculaire. 

Epreuve du CAP Arts de la dentelle option fuseaux au lycée Jean Monnet du Puy-en-Velay Photo par Nicolas TERME

Fils coupés ? Fils continus ? Qu’es aquò ? :

  • La dentelle à fils coupés est une dentelle figurative souvent très colorée. On parle alors de dentelle à pièces rapportées car elle est souvent constituée de différents motifs raccordés entre eux par un réseau de points de crochetage.
  • La dentelle à fils continus est une dentelle de type traditionnel où l’on utilise le même fuseau du début à la fin de l’ouvrage pour réaliser un motif en continu.

Plusieurs dizaines d’heures de travail minutieux durant toute une semaine

Ces fières descendantes des dentellières vellaves du siècle dernier ne comptent pas leurs heures de travail. Depuis lundi matin, elles sont à l’ouvrage et tissent patiemment leur toile sur le sinueux chemin qui mène à la réussite.     
Elles débutent leur épreuve par une analyse préparatoire d’une heure. Il s’agit alors de préparer le canevas de la commande finale, d’étudier le dessin, de réfléchir au préalable à l’ondulant chemin de son fil.     
Puis débute alors le véritable marathon : plus de 30 heures de travail de dentelle jusqu’au vendredi après-midi.     
Un premier sujet de réalisation d’une dentelle à fils coupés. Un second sujet de réalisation d’une dentelle à fils continus. Et pour finir une ultime partie consacrée aux différentes finitions de l’ouvrage. 

On vient de toute la France… et de plus loin encore, pour plancher sur la dentelle au Puy-en-Velay

Valérie Roche, enseignante d’arts appliqués et de cultures artistiques au lycée Jean Monnet chapeaute la surveillance et l’organisation des épreuves depuis une dizaine d’années. Elle a observé depuis quelques années un certain changement sociologique chez les candidats et une sorte de réhabilitation de cette pratique :     
« Avant c’était surtout des femmes relativement âgées qui venaient pour enseigner dans le club de leur village. Aujourd’hui nous avons beaucoup plus de jeunes qui aspirent notamment à intégrer le monde du travail de la mode ou les conservatoires de la dentelle ».
Si les candidats sont essentiellement des candidates, Valérie a également surveillé des garçons et se souvient avoir reçu des dentellières de contrées bien éloignées :     
« Nous avons des candidates de la région parisienne, de Bretagne, de Picardie et j’ai même surveillé une dame de Taïwan et une dentellière qui venait de l’île de Chypre ».

Epreuve du CAP Arts de la dentelle option fuseaux au lycée Jean Monnet du Puy-en-Velay Photo par Nicolas TERME

Des candidates aux parcours multiples mais à la même passion pour la guipure

Elles se sont retrouvées au cœur de la cité pavée pour prendre la suite, à leur manière, des anciennes couturières de maison et dentellières vellaves. Si leurs parcours diffèrent, elles sont toutes unies par la même passion pour l’aiguille et le fuseau.     
Ninon et Elisabeth travaillent à l’hôtel de la dentelle sur Brioude. Descendues en terre auvergnate depuis Angers et la banlieue parisienne, elles souhaitent valider leur formation par ce diplôme d’état pour pouvoir enseigner leur art :     
« On espère pouvoir en faire notre métier et enseigner la dentelle au fuseau. Plusieurs élèves sont intéressés par la pratique pour le loisir ou même se former professionnellement ».    
Bérénice est une nantaise en exil. Formée au centre d’enseignement de la dentelle au fuseau du Puy-en-Velay elle sort d’une école des Beaux-Arts et souhaitait se perfectionner :
« J’ai découvert la dentelle en famille à Bayeux puis en me plongeant dans l’ouvrage de Mylène Salvador, La Sagesse de la Dentellière. Le déclic a été immédiat ».    
Nadine enfin à, depuis toujours, la passion du fil. Après s’être remise récemment à la pratique de la dentelle elle espère « pouvoir en faire un projet de retraite » et transmettre son savoir-faire aux plus jeunes.     
Transmission, rôle social, projet professionnel passion dévorante… les raisons sont nombreuses pour pousser cette nouvelle promotion intergénérationnelle de dentellières à faire revivre, avec grâce et dextérité, des gestes séculaires qui puisent leur force et leur beauté dans les racines de l’histoire altiligérienne.     

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