À vos baskets pour la Corrida du Puy-en-Velay
Au salon du livre d'Arsac, à la rencontre de Louise Pommeret et d'Antonin Sabot
Ils comptent sans doute parmi les auteurs dont on parle le plus actuellement en Haute-Loire et parfois au delà. La première a écrit " Dessous la dure écorce" , le récit d'un combat écologique et social mais également l'histoire de la lutte d'une jeune fille contre la maladie de son père. Le deuxième, vient d'écrire un roman d'anticipation , " Le grand incendie", qui enflamme la conscience de ses lecteurs devant les désastres écologiques à venir. Les deux interrogent, chacun à leur manière, les excès et les dérives du monde actuel en plaçant leurs lecteurs face à leur responsabilité.
Rencontre avec Louise Pommeret et Antonin Sabot, dans le cadre de Livrévasion, le salon du livre d'Arsac-en-Velay qui s'est tenu le week-end dernier.
Est - ce que vous vous connaissez ?
Louise P: J'ai lu le premier roman d'Antonin et je m'apprête à lire le deuxième. Je me sens très proche de sa thématique. Je pense qu'une littérature est entrain d'émerger autour des questions écologiques et que nous y avons chacun notre part.
Antonin S : J'aurais aimé écrire le livre de Louise !
Comment vous est venue l'envie d'écrire ?
Qui est Louise Pommeret ?
Louise est née à Chartres en 1983. Agrégée d'Italien et docteure en Littérature, elle enseigne actuellement au Lycée Charles et Adrien Dupuy. Elle est également connue comme étant la secrétaire départementale de la FSU. " Dessous la dure écorce" est son premier roman. Il a obtenu le prix 2023 du premier roman au Salon du Livre de La Saussaye.
Louise P : J'ai suivi un cursus littéraire assez poussé qui m'a amenée à écrire beaucoup sur l'écriture des autres. Aujourd'hui, je suis arrivée à une autre période de ma vie. Sans doute plus introspective. J'avais besoin d'avoir un lien plus personnel et plus intime avec l'écriture...
Antonin S : Dans une autre vie, j'étais journaliste. Je transmettais de l'information. Et malgré ça, j'avais cette impression qui me hantait. Celle de passer à côté de certains aspects de la réalité. J'avais envie de l'aborder et de la toucher d'une autre manière, plus intime et plus profonde.Et ça, seule la littérature le permet, parce-que c'est le temps long. C'est un rythme qui permet de poser ses idées et de les amener au bout d'elles-mêmes.
A quel moment de la journée écrivez -vous?
Louise P: J'écris dans tous les petits interstices de liberté que j'arrive à attraper et dans lesquels je peux aller à la rencontre de moi-même. Il m'arrive d'écrire sur une table de bistrot devant un café. Ce sont des moments détachés qui me portent. Mais en fait, je suis écrivaine à plein temps. J'y pense tout le temps. Je prends des notes sans arrêt. Lorsque le passage à l'écriture se fait, les idées sont déjà formulées dans ma tête.
Antonin S : J'écris deux ou trois heures par jour, au petit matin. Je m'y mets à cinq heures ! C'est l'heure poétique. Je suis tout seul avec le monde, j'ai la nature rien que pour moi, c'est un super moment pour écrire. Et puis je nourris ma littérature en marchant dans la forêt et en m'occupant de mon jardin. Mine de rien ça aide à réfléchir et à poser les choses.
Quels sont les auteurs qui vous accompagnent? Qui vous ont donné envie d'écrire?
Louise P: Sans hésiter aucunement : Erri De Luca et Annie Ernaux !
Antonin S: Je crois que l'auteur qui m'a le plus marqué c'est Jean Giono. Je reviens souvent vers lui. Et puis là en ce moment, c'est Faulkner ! Cet auteur est un géant ! Sa description de la vie rurale est juste grandiose. Elle se révèle avec force chez lui. Aussi bien dans son immense beauté que dans son extrême cruauté. Ouais, Faulkner, c'est une vraie source d'inspiration pour moi. Et bien évidemment, je lis également énormément d'essais. Le roman et les essais sont deux choses complémentaires.
Vous êtes connus tous les deux pour vos activités militantes. Est-ce que le fait d'écrire répond à un besoin de vous mettre un peu en retrait?
Louise P: Bien évidemment. L'écriture c'est une mise en retrait par rapport à l'action. Ça me permet d'analyser ce que je fais et de donner un vrai sens à mon action. Il y a une réelle unité là-dedans. L'action et l'écriture se nourrissent l'une et l'autre en ce qui me concerne.
Antonin S: J'ai pas attendu de devenir écrivain pour me mettre en retrait. Quand j'ai abandonné ma carrière de journaliste, je suis revenu m'installer dans le village de mon enfance. J'avais envie de construire ma vie en marge du système. C'est pas une solution, j'en conviens, mais j'avais besoin de cette échappatoire.
Quel message cherchez vous à faire passer par le biais du roman?
Qui est Antonin Sabot
Antonin est né en 1983. Il a été journaliste au Monde durant une dizaine d'années, quotidien pour lequel il a réalisé de nombreux reportages à l'étranger. C'est l'un des fondateurs de la librairie autogérée " Pied-de-Biche et Marque Page". Après "Nous sommes les chardons", récompensé par le prix jean Anglade en 2020, "Le grand incendie" est son deuxième roman.
Louise P : " Dessous la dure écorce" est mon premier roman. C'est avant tout un roman social qui tente de poser un regard juste et authentique sur la société actuelle. Il est ancré dans les luttes, sociales et écologiques actuelles.
Antonin S : Mon premier roman et celui-là sont totalement complémentaires. Ce qui les relie, c'est qu'ils interrogent tous les deux la manière dont nous occupons le monde et la nature. Le premier traitait cet aspect sur un mode plutôt apaisé, pacifique et contemplateur. Dans "Le grand incendie", ce rapport est traité sur un mode beaucoup plus dur, plus guerrier. Les grands feux ravagent le monde, les corps et les consciences s'agitent et prennent feu face au désastre... Je pense que le temps de l'éco-colère est arrivé.
La nature et les paysages, la possibilité de leur perte occupent une place importante dans vos romans ...
Louise P : Tout à fait. Je pense que jusqu'à présent la nature, était trop absente dans la littérature. Un des grands personnages de mon livre c'est le Meygal, et donc oui, forcément, le paysage et la nature y occupent une place essentielle. Quand j'ai posé mes valises dans ce petit coin de Haute-Loire, j'ai ressenti un émerveillement immense face à tant de beauté. Mon livre s'intéresse à la possibilité de la disparition de ce paysage et au besoin vital de se battre pour en préserver l'essence afin de pouvoir la transmettre à ceux qui nous succéderont. Témoigner de ce qu'on risque de perdre, c'est fondamental pour moi !
Antonin S : Il nous manque beaucoup de mots pour parler de la nature, de sa beauté, de ce qu'on peut ressentir quand elle disparait. La réalité est hyper conditionnée par le langage. Quand un arbre disparaît, par exemple, si c'est ton arbre à toi, tu deviens dingue. Comment faire passer ce que tu peux ressentir à ce moment-là? J'ai créé le mot "cadarbre", cadavre d'arbre pour en parler ! Dans mes bouquins, je veux parler du lien intime que nouent les gens avec le paysage qui les entoure. C'est une des choses les mieux partagées au monde. Que ce soit en Amérique, en Sibérie ou au Kurdistan, partout dans le monde les gens réagissent pareil face à la destruction de leur environnement. c'est quelque chose de charnel. Les consciences s'embrasent ... cette colère il faut la comprendre. Ce qu'il s'est passé à Sainte-Soline en est l'incarnation.
Des livres à nous conseiller ?
Louise P : " La femme gelée " de Annie Ernaux , " Connemara" de Nicolas Mathieu
Antonin S : " Le gang de la clef à molette " de Edward Abbey.
NDLR : Antonin Sabot sera présent le samedi 8 avril à la librairie " Dans la Forêt " de la Chaise-Dieu à partir de 18 h pour une séance de lecture et de dédicaces avec ses lecteurs.
Le 14 avril, à 19H30, toute l'équipe de la librairie " Pied-de-Biche Marque Page", vous invite à un apéro-lecture avec Antonin. C'est au 12 avenue Foch au Puy.
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1 commentaire
Les deux grands auteurs de Haute-Loire! Une littérature à découvrir et à mettre entre toutes les mains ici ou ailleurs....