C’était une décision attendue depuis presque trois ans par les différentes associations de protection de l’environnement. Ce mardi 5 juillet 2022, en ouverture du tribunal judiciaire du Puy-en-Velay, la commune de Séneujols a été finalement reconnue « entièrement responsable du préjudice subi ».
En attendant un éventuel recours en appel de la mairie, c’est donc l’aboutissement d’une affaire médiatique, judiciaire et environnementale qui oppose des associations écologistes au maire de Séneujols.
Tout débute lors de la préparation du concours national de labour « Les Terres de Jim ». L’évènement agricole national, qui s’est tenu sur le domaine Chantouin du 6 au 8 septembre 2019, a nécessité à l’époque d’importants travaux pour permettre l’accueil des milliers de visiteurs et le passage de toute la logistique inhérente à ce type de rassemblement.
Trois associations environnementales, France Nature Environnement Haute-Loire (FNE 43), FNE AURA et la LPO Auvergne, constatent alors l’arrachage de haies, le tronçonnage d’arbres et l’enlèvement de murets en pierres sèches sans autorisation de dérogation à la conservation d'espaces naturels d'espèces protégées. Elles dénoncent des faits d’une extrême-gravité et la destruction d’habitats d’espèces protégées. Selon les ONG, sept espèces d’oiseaux et de reptiles ont ainsi vu leur habitat complètement détruit en pleine période de reproduction. Cela concerne notamment la très rare pie-grièche grise, espèce protégée en très fort déclin, ainsi que la vipère péliade.
Plusieurs milliers d’euros d’amendes et une obligation de remise en état
Jugement du tribunal Judiciaire du Puy-en-Velay
La commune de Séneujols a été déclarée "coupable et entièrement responsable du préjudice subi".
De ce fait la municipalité est condamnée :
- à une remise en état complète des haies et des murets sous une période de dix mois.
- à verser 2000€ pour préjudice moral à chaque association s'étant constituée partie civile : France Nature Environnement 43 (FNE 43), FNE AURA et la LPO Auvergne.
- à verser une indemnité à chaque association pour couvrir les frais de justice liées à cette affaire.
Rapidement les associations environnementales réclament de réimplanter le linéaire détruit de haies et de murets sur la commune de Séneujols. Une exigence refusée par Serge Boyer, maire de Séneujols. C'est après ce refus réitéré que les associations environnementales ont décidé de porter plainte.
En septembre 2020, une plainte est déposée par l’Office français de la biodiversité (OFB) pour demander des mesures compensatoires au moins équivalentes au milieu qui a été détruit et en décembre 2021 le tribunal judiciaire est finalement saisi.
Après de longs mois d’instruction, ce dernier a donc rendu sa décision et a suivi, en partie, les plaidoyers des ONG et du ministère public en condamnant la commune de Séneujols à réimplanter l'équivalent des 740 mètres de haies et de murets dans un délai de dix mois. Passée cette période, la municipalité s’expose à une pénalité de 50€ par jour de retard pendant trois mois.
La commune a également été condamnée à verser plusieurs milliers d’euros d’indemnité pour préjudice moral aux trois associations qui s’étaient portées parties civiles.
« Une grande première juridique dans cette condamnation symbolique »
A la sortie de l’audience, les associations environnementales se sont félicitées de ce jugement.
Pour Jean-Jacques Orfeuvre, vice-président de France Nature Environnement 43, c’est une « condamnation symbolique importante et attendue face à une collectivité locale qui ne respecte ni les réglementations ni la loi ».
Le militant écologiste espère surtout que : « ce jugement fera avancer la prise de conscience de l'intérêt de conserver les murets et les haies qui sont des réservoirs d'animaux prédateurs de campagnols et autres rongeurs notamment rats taupiers, d'oiseaux prédateurs d'insectes, alliés des agriculteurs ».
« Les agriculteurs n'ont aucune responsabilité dans cette affaire, les décisions ayant été prises à la mairie de Séneujols ». Jean-Jacques Orfeuvre
Réaction de Coline François, en service civique à la FNE43, qui estime que cette jurisprudence ouvre une nouvelle voie pour la justice environnementale :
« Nos associations passent beaucoup de temps (et un peu d'argent car nous en avons très peu) à la sensibilisation de la sauvegarde des haies et des murets et accompagnent de nombreuses actions de plantations de haies ». Jean-Jacques Orfeuvre
« Ces associations écologiques se font de l’argent sur le dos de nos agriculteurs »
Face à eux les représentants des Jeunes Agriculteurs, organisateurs de l’évènement controversé, dénoncent une décision de justice « dommageable » qui « ne va pas aider au dialogue entre écologistes et paysans ».
Pour Laurine Rousset, présidente des Jeunes Agriculteurs de Haute-Loire (JA 43), « la mairie de Séneujols et la Région Auvergne-Rhône-Alpes font bien plus de bien à notre territoire que certaines associations écologiques qui font de la communication et sont uniquement à la recherche de sources de financement ».
Anthony Fayolle, président des JA 43 à l’époque des « Terres de Jim », regrette également une décision de justice qui « ne facilitera pas le travail de nos collègues » et qui va, selon lui, à contresens « du désenclavement des parcelles ».
Du côté de la défense, maître Aurélie Chambon, représentante de la mairie de Séneujols, « se réserve le droit de porter un éventuel appel » à cette décision de justice en première instance.