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La Confédération paysanne tire la sonnette d'alarme

Par . . , Mise à jour le 26/02/2024 à 10:00

Alors que la capitale accueille depuis samedi la soixantième édition du Salon de l'Agriculture, la Confédération paysanne organisait ce week-end, partout en France, la quatrième édition de son "salon à la ferme". Conçu à l'origine comme un moyen d'évoquer concrètement, c'est à dire sur le terrain, les préoccupations des paysans tout en leur rendant hommage, ce contre-salon avait pour thème cette année, la souveraineté alimentaire. Rencontre à Saint-Jean-de-Nay avec des  paysans militants venus soutenir l'un des leurs, nouvellement installé. 

Ici c'est pas la Porte de Versailles, mais le petit hameau de Vergonge à Saint-Jean-de-Nay. Pas de parkings pris d'assaut ni de halls noirs de monde. Pas de ticket à payer. De tapis rouge déployé. C'est pas le genre de la maison.Pas de hauts parleurs agressifs. Encore moins d'animaux lavés, préparés ou brossés. Juste un petit chemin défoncé. De la boue qui colle aux semelles. Des bâtiments en pierre entourés de prairies, qui se fondent dans le paysage, sans jamais le dénaturer. Des animaux paisibles. Et puis le bruit du vent. 

C'est Nicolas qui nous accueille. Entouré de ses amis " de la Conf ". On comprend vite, à les côtoyer,  que le Salon de l'agriculture officiel c'est juste une vitrine et qu'il n'est pas forcément représentatif de la réalité profonde d'une profession. Pour la toucher du doigt, on est au bon endroit, in situ. Bienvenue chez Nicolas. 

Bienvenue chez Nicolas Photo par jfp

Les tourments et les espoirs d'un jeune agriculteur 

Nicolas Portal donc, est éleveur de vaches allaitantes dans ce petit hameau de quelques âmes, situé sur le plateau fertile du Devès, à quelques encablures du marais de Limagne. Agé de 37 ans, il vient de s'installer en tant qu'éleveur allaitant sur une exploitation de 49 hectares, dans le cadre d'une transmission familiale. Sa source de revenus principale provient de l'exportation de ses broutards vers l'Italie. 

Après avoir été double-actif pendant quelques années (il travaillait chez Michelin), il a finalement sauté le pas et repris l'exploitation de son père , " par passion " précise-t-il. N'étant titulaire d'aucun diplôme agricole reconnu (bac pro ou autres) Nicolas n'est pas éligible à la DJA, cette dotation pour jeunes agriculteurs, censée faciliter leur installation.Mais peu importe. Succéder à son père n'aura pas nécessité d'investissement en profondeur.L' exploitation est auto-suffisante : elle produit son propre fourrage et ses propres céréales.

Malgré cela, et bien qu'il soit d'un naturel plutôt paisible, il lui arrive d'être inquiet. Parce que Nicolas est dépendant du marché européen pour écouler ses broutards et chaque nouvel épisode de crise sanitaire lui fait envisager le pire : "Les éleveurs de broutards sont dépendants du marché italien. Seuls 40 % des jeunes bovins sont engraissés en France, le reste part en Italie et du coup on est soumis aux exigences et aux  pressions diverses d'un marché qui nous dépasse parfois". 

D'après le jeune agriculteur " les prix en viande sont actuellement à la hausse" ce qui pourrait lui permettre d'espérer, mais comme tout un chacun, il doit faire avec l'inflation et les coup de massue réguliers occasionnés par la hausse du prix de l'énergie  : " au regard de nos charges qui ne cessent d'augmenter, on constate qu'en réalité nos revenus stagnent dans le meilleur des cas, ou baissent".

Dur de se projeter sereinement dans ces conditions, pour un jeune exploitant. D'autant plus qu'avec la nouvelle PAC , les aides en direction des éleveurs allaitants ont été revues à la baisse : " on devrait perdre environ 10 % d'aides dans les années à venir " nous précise-t-il. La situation est tendue. Source d'angoisse pour Nicolas.  

Nicolas, vient de prendre la suite de son père sur l'exploitation : un pari risqué Photo par jfp

Une souveraineté alimentaire plus que jamais menacée

D'après un recensement agricole établi en 2020 par le ministère de l'Agriculture, la France aurait perdu plus de 100 000 exploitations agricoles en 10 ans, soit l'équivalent de 27 fermes comme celle de Nicolas par jour. Le nombre d'éleveurs aurait quant à lui subi une chute de 30%. Une situation inquiétante pour la France, en matière de souveraineté alimentaire et qui ne risque pas de s'arranger avec le réchauffement climatique. L'heure est grave pour la Confédération paysanne qui a décidé de tirer la sonnette d'alarme en choisissant cette thématique pour cette quatrième édition du Salon à la ferme. 

Pour Olivier Vacheron, éleveur de brebis dans le massif de la Margeride et membre du bureau de ce syndicat, " si on ne fait rien, la Haute-Loire va perdre la moitié de ses éleveurs dans les années à venir". Une forme de  " plan de licenciement caché qui met en péril notre souveraineté alimentaire". Les responsables de cette situation étant, d'après l'éleveur, " les promoteurs de l'agro-industrie et certains syndicats agricoles qui cautionnent cette politique depuis bien trop longtemps". 

"Il faut arrêter les négociations de tous les accords de libre-échange"

Pour les membres de la Confédération paysanne réunis sur la ferme de Nicolas,  il est urgent de mettre un terme à la logique du "toujours plus et du toujours moins cher" ainsi qu'à "la mise en concurrence des paysans sur l'ensemble de la planète". Cela passera obligatoirement, d'après Olivier Vacheron, par " l'arrêt des négociations de tous les accords de libre échange " et notamment celui du Mercosur suite auquel " on pourrait voir les importations d'Amérique du Sud inonder le marché européen et déstructurer encore plus de nombreuses filières déjà fragiles comme l'élevage". 

Bien au contraire, l'éleveur ovin, tout en s'appuyant sur l'expérience de Nicolas Portal, plaide pour une relocalisation maximale de la production de viande dans les campagnes françaises  " en aidant la filière allaitante à engraisser localement son cheptel". Parce - que la viande n'est pas une marchandise comme une autre et qu'il en va de notre souveraineté alimentaire.

Olivier Vacheron est membre du bureau de la Confédération paysanne Photo par jfp

" Les aides de la PAC devraient être progressives et plafonnées

Tout le monde connait dorénavant le nom d'Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA. Ce que l'on sait peut-être moins c'est que ce dernier est à la tête, avec son épouse, d'une exploitation de 700 hectares (soit dix fois la moyenne française) qui produit essentiellement des oléagineux et des céréales. Il bénéficie pour cela de 173 000 euros par an d'aides de la PAC, soit presque six fois le montant moyen alloué aux exploitations agricoles françaises . Une gabegie pour Olivier Vacheron et son syndicat pour qui " ces aides devraient être dégressives et plafonnées "  afin de pouvoir affecter davantage de budget aux petites fermes " en revalorisant les premiers hectares et les premiers animaux" ainsi qu'aux pratiques innovantes en matière d'écologie. 

L'annonce de la mise en place des prix planchers accueillie très favorablement

Depuis le Salon de l'Agriculture (le vrai, avec des animaux qui brillent) et à l'occasion d'un débat plus ou moins improvisé avec certains syndicats agricoles, Emmanuel Macron s'est dit favorable à la  mise en place de prix planchers pour protéger les revenus des agriculteurs. Une annonce accueillie très favorablement par Olivier vacheron et la Confédération paysanne qui saluent "une réelle avancée " sans se priver de rappeler toutefois qu'ils réclament "ce dispositif depuis des années" et qu'il faudra l'accompagner " d'outils de régulation des marchés".

Une bonne nouvelle pour Nicolas Portal et tous ces jeunes agriculteurs qui ne cherchent  "qu'à pouvoir vivre de leur travail " et " ont besoin de pouvoir se projeter sereinement dans leur métier ". 

 

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