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Par peur de représailles, la Haute-Loire zappe le mois des Fiertés
Dans plus de 80 villes françaises, les personnes homosexuelles, bisexuelles, transgenre, queer ou autres (LGBTQ+) se réunissent à l'occasion d'une marche des fiertés, le plus souvent durant le mois de juin, aussi appelé mois des fiertés. Mais parmi elles, aucune ne se situe en Haute-Loire.
Initiée aux États-Unis en 1970, suite aux émeutes de Stonewall survenues un an plus tôt, la première Marche des fiertés, alors appelée la "Christopher Street liberation parade".
En Europe, il faudra attendre le 29 avril 1972, pour que la première « Gay pride » soit organisée à Münster, en Allemagne.
Depuis, ces évènements sont plutôt appelés les marches des fiertés LGBTI+ et se sont multipliés partout dans le monde et se sont pérennisés à tel point qu'en 2024, plus de 80 sont organisées (et déclarées) en France. L'objectif principal est de donner de la visibilité à ces communautés parfois méprisées et invisibilisées. Mais malgré le grand nombre de villes participantes, aucune de Haute-Loire n'apparait dans le programme.
Et en 2021, celle du Puy, organisée par le collectif « anarcha-féministe » OrtiEs, avait même été annulée par manque d'organisation.
Un contexte européen tendu
Pour comprendre un peu mieux les raisons de l'absence de marche des fiertés en Haute-Loire, nous avons interrogé Eugénia D'Angelo, juriste en droits humains au Puy-en-Velay et dirigeante de MundoSur, un « groupe de réflexion œuvrant à la transformation sociale et à la construction de sociétés plus démocratiques, justes et inclusives dans toute l'Amérique latine, à travers la promotion des droits humains ».
En préambule, elle tient à recontextualiser la situation locale, dans une dimension nationale, voire internationale : « La France a longtemps été considérée comme le pays des Droits de l'Homme, un pays pionner de l'égalité des genres. Mais comme certains autres pays, elle assiste à une montée des partis politiques d'extrême droite, qui portent atteinte et s'opposent à ces droits. Il y a aussi, en Europe, une montée des nationalismes et des conservatismes, qui s'inscrit dans le contexte d'une vague lâche, qui va à l'encontre des droits des femmes et de l'égalité des genres. Et quand on parle de ces thématiques, ça inclut également le droit des personnes de la communauté LGBTQ+. »
« Ces montées de l'extrême droite empêchent l'avancement des politiques publiques et des lois, et entrainent parfois même leur recul. »
À l'échelle européenne justement, l'ONG Ilga publiait au début du mois de juin sa « Rainbow Map », une carte qui permet de classer sur une échelle allant de 0 à 100 %, les lois et politiques des 49 pays, impactant les droits humains des personnes de la communauté LGBTI (lesbienne, gay, bisexuel.le, transgenre ou intersexe).
Sept catégories sont prises en compte dans l'évaluation : l'égalité et la non-discrimination, la famille, les crimes et discours haineux, la reconnaissance légale des genres, l'intégrité physique des personnes intersexes, l'espace de la société civile et l'asile.
Avec une moyenne de 62,31 %, la France perd six places par rapport à 2022 et se classe 13ᵉ. Le classement place Malte en 1er position (87,84 %), suivi de l'Islande (83,02 %) et de la Belgique (78,47 %). La Russie, l'Azerbaïdjan et la Turquie ferment la marche, avec respectivement 2 %, 2,25 % et 4,75 %.
La Haute-Loire terre de conservatisme
Pour ce qui est de la Haute-Loire, le département ne connait aucune association ni collectif dédié et ouvertement favorable à la cause, selon la juriste.
En tant que dirigeante du collectif MundoSur, elle affirme avoir cherché un homologue altiligérien, mais ne pas en avoir trouvé.
« En 2023, nous voulions organiser une marche des fiertés au Puy. Nous nous sommes regroupés donc avec plusieurs personnes individuelles, mais aucune organisation officielle n'était représentée. Nous nous sommes réunis à plusieurs reprises, mais nous nous sommes confrontés à plusieurs freins », explique-t-elle.
Pour l'avenir, elle a toujours ce souhait de porter un tel projet en Haute-Loire, mais redoute deux freins majeurs : les coûts... et surtout la peur.
Les menaces, les représailles, la peur
« On ne se sent pas suffisamment en sécurité. » Pour Eugénia D'Angelo, la principale difficulté à l'organisation d'une marche des fiertés sur le département est la peur, qu'elle, mais aussi que les autres membres de la communauté LGBTQ+ peuvent ressentir au quotidien.
Elle rapporte : « En effet, nous n'avons pas reçu de menaces à proprement parler sur l'organisation d'un tel évènement. Mais la crainte se fonde sur des remarques et des insultes que nous avons toutes et tous reçus, de manière individuelle et quotidienne. On sait que nous ne serions pas très nombreux, alors on a peur des représailles. »
Elle fait alors allusion à une violence, émise envers la communauté, y compris au Puy-en-Velay.
Nous vous en parlions ici :
« Si vous vous baladez au Puy, vous verrez rarement un couple homosexuel se tenir la main par exemple. Ce n'est pas le cas des personnes hétérosexuelles. Et pourtant, ce n'est pas parce qu'il n'y en a pas. »
Elle suppose ainsi la raison de ce malaise ressenti : « Peut-être qu'on peut expliquer cela par le fait que le Puy est une petite ville, plutôt conservatrice. Il y a aussi une librairie qui s'oppose ouvertement à la communauté LGBTQ+ et ses libertés, tout le monde le sait. »
Pierre-Marie Bonneau, tête de la liste nationaliste Fortresse Europe lors de sa visite dans la librarie des Arts Enracinnés : « Je ne suis pas favorable à cette politique qui dit qu'il existe 99 genres différents. Il n'en existe que deux. Un homme et une femme. Le reste ne sont que des gens souffrant de pathologies plus ou moins graves ».
« C'est une différence qu'on ne peut imposer au même titre qu'un couple normal »
À ce sujet, nous avions interrogé Pierre-Marie Bonneau lors de sa venue au Puy-en-Velay, dans cette fameuse librairie. Le candidat aux européennes de la liste Forteresse Europe déclarait : « Le mariage homosexuel, j'y suis opposé. Qu'il y ait des homosexuels qui font leurs "trucs" dans le secret de la chambre, je ne suis pas là pour faire la police des baguettes. Mais qu'ils prétendent fonder une famille et éduquer un enfant avec cette spécificité, ça ne me paraît pas acceptable. »
Et de poursuivre : « Je ne suis pas favorable à cette politique qui dit qu'il existe 99 genres différents. Il n'en existe que deux. Un homme et une femme. Le reste ne sont que des gens souffrant de pathologies plus ou moins graves. Pathologie ne signifie pas que je reproche quoi que ce soit à celui qui souffre de cette différence. Mais c'est une différence qu'on ne peut imposer au même titre qu'un couple normal. »
« On a deux choix : se taire ou de se battre. Par mon expérience, mon engagement et mon caractère, j'ai choisi de me battre pour nos droits. »
Outre l'organisation d'une marche des fiertés, Eugénia souhaite combler un vide et se mobiliser en Haute-Loire et au Puy-en-Velay pour la communauté LGBTQ+, de manière plus globale.
Le manque d'associations et de collectifs spécifiques dédiés, ou simplement ouvertement favorables à la cause, implique pour elle un manque d'accompagnement de ces personnes, que ce soit dans le cadre de démarches juridiques et administratives, médicales ou autres.
Elle termine enfin : « Jusqu'à présent, les marches des fiertés ponotes ont été annulées par manque d'organisation, de moyens financiers et humains, mais aussi parce que nous n'avions pas les épaules, pour supporter la haine et la violence que cela aurait pu déclencher. »
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2 commentaires
Une gay pride, marche des fiertés au Puy serait un symbole fort. Difficile à mettre en place mais en se faisant aidé par des assocs stéphanoises, lyonnaises, SOS Homophobie, les soeurs de l'éternelle indulgence, amnesty international etc etc why not ?
Penser homophobie = RN est une imbécilité. Je crois que malheureusement, il y a des homophobes et des non-homophobes dans tous les partis. D'ailleurs, si on en croit les statistiques, les agressions contre les LGBT sont omniprésentes dans le 93 et la couronne parisienne ou marseillaise où la plupart des gens votent pour l'extrême gauche (la plupart de ces zones ayant des maires communistes ou LFI). Le problème est donc plus complexe qu'on veut nous le faire croire : évincer le RN n'arrêtera pas l'intolérance. On peut même constater que, souvent, la gauche, en donnant du pouvoir social aux islamistes engendre la haine des homos en banlieue. Si vous étiez gay, vivriez vous mieux dans une commune de droite en Auvergne ou dans un bastion LFI à Bobigny ? Essayez !