Cérémonie festive pour la promotion 2024 du lycée Emmanuel Chabrier
« Ce n'est pas un choc des savoirs, c'est une apocalypse »
Au sein de l'éducation nationale, les grèves se suivent...mais ne se ressemblent pas. Après les suppressions de postes et les rémunérations, voilà que le « choc des savoirs » voulu par le gouvernement fait débat.
Une « catastrophe », un « désastre », voire une « apocalypse », les mots des enseignants pour décrire ce que leur inspire le "choc des savoirs" annoncé par Gabriel Attal ne manquent pas de dramatisme. Et c'est représentatif des craintes qu'ils énoncent les unes après les autres ce 2 avril devant l'inspection académique du Puy-en-Velay.
Pour rappel, en bref, ce "choc des savoirs", c'est une division des classes de collège en fonction de leur niveau pour les cours de français et de mathématiques.
« Le gouvernement s'appuie sur des arguments totalement irrecevables. Ce système est discriminatoire, et inefficace. »
Première crainte des syndicats, soutenus par les enseignants et quelques parents d'élèves, la discrimination des élèves. En effet, Agnès Chichereau, membre du bureau de l'Union départementale FO souligne « Pour défendre son idée, le gouvernement s'appuie sur des arguments totalement irrecevables. Ce système est discriminatoire et inefficace. »
En effet, la militante FO ainsi que Louise Pommeret, co-secrétaire départementale FSU mettent en avant les études scientifiques réalisées sur le sujet : « On nous dit que grâce à ce fonctionnement, les meilleurs pourront s'envoler et progresser encore plus vite, et que les élèves en difficulté pourront être mieux accompagnés, et mieux progresser. Or toutes les études sur le sujet montrent le contraire, c'est-à-dire que les élèves les moins bons ont besoin d'être tirés vers le haut par ceux qui vont plus vite. »
Et Laurent Berne, secrétaire départemental du FNEC-FO (Fédération nationale de l’enseignement de la culture et de la formation professionnelle Force ouvrière), de s'indigner : « Cela va d'ailleurs à l'encontre du comportement que l'on nous demande d'adopter au quotidien. En tant que professeur, on ne doit pas traiter différemment les élèves, on ne doit pas différencier les exercices selon les niveaux, on ne doit pas créer de groupes, etc. »
Une réforme irréaliste
De son côté, Marie, enseignante de français au collège d'Aurec-sur-Loire déplore que « l'impact sur la psychologie des élèves est très important. Pour eux, ce ne sont pas des groupes de besoin, mais le groupe des nuls et celui des forts. Alors, ils craignent cette réforme. »
Elle souligne d'autant plus que, selon les premières pistes évoquées par le gouvernement, ces groupes, établis en fonction des notes des élèves, seront les mêmes dans les deux matières, or « c'est irréaliste de penser que les élèves en difficulté en maths sont les mêmes que ceux qui en ont en français. »
« Nous n'avons ni les moyens humains ni les moyens matériels pour mettre en place la réforme »
Outre la discrimination que cette réforme implique aux yeux des enseignants, c'est la mise en œuvre effective qui les interroge.
Selon eux, l'école ne dispose ni d'assez de professeurs, ni d'assez de classes. En effet, la division des classes par groupes de niveau sous-entend une répartition auprès de professeurs différents, dans des salles de classes différentes.
À quelques mois des élections, une réforme plus politique qu'éducative
Pour Louise Pommeret, représentante du syndicat FSU, cette réforme s'inscrit dans le cadre d'une campagne politique, à quelques semaines des élections européennes.
En effet, elle dénonce des mesures qui « se rapprochent des revendications de l'extrême droite », et qui sont « davantage politiques qu'éducatives ». En effet, elle s'étonne de voir que « les préoccupations du gouvernement sont très éloignées de celles de l'éducation », précisant « ce dont nous avons besoin, ce sont des moyens humains. Aujourd'hui, y compris en Haute-Loire, des élèves n'ont pas de cours de musique ou de sciences depuis des mois. »
Et de spécifier que ce manque de moyens concerne les enseignants, mais aussi l'ensemble des professions de l'éducation, parmi lesquelles les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH), les psychologues scolaires, etc.
De nouvelles mobilisations à venir... et pourquoi pas une opération "collèges morts"
Pour toutes ces raisons, les syndicats appellent à la mobilisation des enseignants, mais aussi des parents. Notamment avec le lancement d'une vaste campagne d'information, portée par les syndicats SNES-FSU, SNEP-FSU, FNEC FP FO, CGT Educ'action et Sud Éducation.
Et la volonté de créer un comité inter-établissements de Haute-Loire pour « s'opposer à la casse du service public, aux suppressions de poste et aux réformes Macron. »
Un comité qui permettrait de soumettre l'idée d'une opération "collèges morts" qui consiste clairement à ne pas faire de rentrée au retour des vacances de printemps.
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8 commentaires
Ce qu'il y a de bien avec l'école, c'est que comme tout le monde y est allé, tout le monde est compétent pour en parler. Il ne s'agit pas de faire des classes de niveau comme dans le temps, mais des groupes 1 ou 2 heures par semaine, comme on n'a pas les moyens de faire plus, et de regrouper les élèves le reste du temps : une usine à gaz où les élèves auraient 2 profs de maths et 2 profs de français, on ne voit guère comment cela pourrait être efficace. Quant aux métiers manuels, très peu d'élèves veulent en entendre parler, et très peu de familles. Ils préfèrent passer d'une classe à l'autre avec 5 de moyenne, et comme ils sont les seuls décisionnaires, ils restent longtemps dans le cursus général : les profs n'ont pas leur mot à dire, ni les chefs d'établissem
Pour les nostalgiques : les élèves que vous étiez n'ont pas grand chose à voir avec ceux d'aujourd'hui, du point de vue politesse, respect et même culture générale. Les profs et instits étaient respectés y compris par leur hiérarchie et aussi mieux payés... Les concours donnaient la priorité aux savoirs pas aux délires pédagogiques : qu'on ne s'étonne pas de la baisse de niveau des élèves et des profs. Ne parlons pas non plus du respect de la laïcité... Les profs ne se faisaient pas poignarder ou décapiter, il n'y avait pas d'attaques aux mortiers des établissements scolaires. L'état a tout laisser filer pour que tout le monde possède un diplôme bidon ! 60% des bacheliers d'aujourd'hui ont une mention...
Si les scientifiques ont raison et que nous vivons les prémices d'une dégradation brutale des conditions de vie sur Terre (la "grande accélération") avec toutes les pénuries qui iront avec, la priorité de l'Éducation Nationale ne devrait-elle pas être de prodiguer des enseignements véritablement utiles ? Apprendre à se nourrir (faire un potager, greffer et planter les arbres, connaître les plantes sauvages comestibles...), connaître et restaurer le Vivant autour de soi, acquérir un maximum de compétences manuelles (fabriquer soi-même des objets utiles, apprendre à tout réparer, à coudre, à souder, mettre à profit le moindre objet de récup', etc.), et bien d'autres choses encore... Bref, retour à la case "réel".
Donc si j'en crois les opinions syndicales des dernières années, les examens pressurisent, les notes stigmatisent, les groupes d'élèves discriminent et les exigences font élite ... J'en conclus donc qu'il faut garder tout le monde jusqu'au bout des études, ne pas trier, valoriser tous les efforts, tous les comportements et donner l'illusion à tous les parents qu'ils ont généré un as de culture plutôt que de reconnaître que certains ont des compétences plus concrètes à mettre en avant (manuelles ou artistiques). Mentir à tout le monde pour donner une illusion d'égalité de niveau c'est beau mais comment ça va permettre de faire ressortir du lot des chirurgiens, des médecins, des ingénieurs ou des profs pour demain ?
La dernière étude Pisa fait apparaître une situation éducative alarmante avec une « baisse inédite » du niveau scolaire (les résultats en France sont "parmi les plus bas jamais mesurés » avec notamment une dégringolade en mathématiques) et « moins d’élèves très performants et plus d’élèves en difficulté ». Jean Tirol, Prix Nobel, se dit préoccupé par le décrochage massif de nos compétences qui va affaiblir la France face au défi de l’innovation. Ancien du lycée Ch et A Dupuy dans une classe de niveau avec toujours plus de 30 élèves, moi, fils de paysan, ai eu l'opportunité de pouvoir bénéficier de l'ascenseur social pour devenir cadre dans une grande entreprise cotée au CAC 40. Une réforme radicale de l'éducation doit être une priorité !
Tout à fait je soutiens je il y a 50 ans nous avions aussi ce système de classe de niveau par matières au pensio, je ne penses pas que cela a nuit à notre génération qui a su former aussi bien des plombiers que des ingénieurs.
Aujourd’hui on ne veut que former des ingénieurs et des commerciaux et nous manquons de cols bleus partout : des plombiers, des électriciens, des maçons…..etc
En 6ème au lycée Ch et A Dupuy, je me souviens qu'il y avait au moins 3 niveaux de classe différents en français et mathématiques. Des passerelles existaient pour qu'en fin du premier trimestre certains élèves changent de niveau dans un sens ou dans l'autre. Personne ne trouvait cela scandaleux, tout le monde était bien conscient que tous les élèves ne pouvaient pas et surtout ne souhaitaient pas poursuivre de longues études. Tout n'était pas parfait mais chacun trouvait à peu près sa place à la fin de sa scolarité, et un plombier était autant respecté qu'un ingénieur. Aujourd'hui j'ai l'impression que la religion de l'égalitarisme fait baisser le niveau de tous en créant de grandes frustrations. J'ajoute que j'étais en 6ème dans une classe de 36 élèves.
On peut être pour ou contre les groupes de niveau mais ce qui est sûr c'est que les enseignants vont manquer pour assurer ce service. Alors je propose que soit réquisitionnés les anciens profs ou PSY EN en poste dans les inspections académiques car ils seront ravis de revenir sur le terrain. C'est une chance pour les élèves car bon nombre d'entre eux sont d'immenses pédagogues ! J'en veux pour preuve qu'ils ont souvent les palmes académiques, preuve de leur grande compétence.