Souchal : Comment aimez-vous votre Saint-nectaire ?

Par Louis Boyer , Mise à jour le 19/09/2023 à 18:00

Jérôme et Gérald Souchal, basés à Saint-Babel, écument les marchés auvergnats depuis plus de vingt ans. Une clientèle fidèle se presse vers les camions blancs des deux frères fromagers, de Brioude à Riom. Quel est le secret de cette constance et de ce rapport intime qu'ils ont su créer avec les consommateurs de fromages ?

Imaginez... Vous vous baladez sur un marché du Puy-de-Dôme ou du nord de la Haute-Loire. Ou sur l'un des huit sites où sont présents chaque semaine les frères Souchal. Votre caddie bien harnaché, vos légumes locaux bien au chaud, le rôti pour dimanche calé sur le côté pour laisser de la place à la baguette qui occupe le flanc droit.

Soudain, le flash. Votre fromager habituel est fermé, retraite ou vacances. Cela fait des dizaines d'années que vous écumez votre marché local. Des dizaines d'années que vous observez cette file d'attente devant un camion blanc, signé Fromagerie Souchal. Prenant votre courage à deux mains, vous vous engagez dans la queue menant jusqu'au fromager. Il faut bien un saint-nectaire pour le repas dominical, parole d'Auvergnat. 

Habitués des marchés depuis plus de vingt ans

Après quelques minutes, vous arrivez devant l'un des deux frères, soit Jérôme, soit Gérald, en fonction de votre marché.  Le frère Souchal de votre choix, vous accueille avec le sourire, un trait commun aux deux frangins. "Bonjour, qu'est-ce que je peux faire pour vous ?", avance le fromager. Vous n'avez plus personne derrière, le marché est bientôt terminé. Ce curieux personnage, monolithe indissociable mais méconnu de vos souvenirs de marchés vous intrigue. 

- "Depuis quand êtes-vous fromager sur les marchés ?", demandez vous, comme pour vous rassurer.

- "Depuis la fin des années 90. Nous avons repris avec mon frère l'entreprise que nos parents ont rachetée. Une fromagerie non sédentaire qui faisait déjà les marchés de Clermont. Mais pas de date chez nous. On aime notre travail, on ne compte pas notre temps, regardez d'ailleurs, je n'ai même pas de montre", plaisante le fromager.

Un jeune homme brun, musclé, passe dans le camion. Il commence à ranger les plus de 50 références de fromages différentes. C'est Arnaud, le fils de Jérôme Souchal, qui a intégré l'entreprise depuis quatre jours, en alternance avec son école de commerce. "Il faut qu'il apprenne beaucoup de choses. Il faut du temps pour être prêt, être au contact des producteurs, puis de la clientèle ensuite. Notre travail demande de l'expérience, un coup d'œil", précise avec bienveillance le père du jeune homme.

La bannière Souchal se présente sur les marchés depuis presque 30 ans.
La bannière Souchal se présente sur les marchés depuis presque 30 ans. Photo par LB

La relation avec les producteurs

-"Pourquoi au contact des producteurs ? D'où vient votre fromage ?", interrogez vous curieux.

- "On sélectionne tous nos fromages. On achète rien les yeux fermés. C'est une partie essentielle de notre travail. Gérald se rend chaque début de semaine chez les différents producteurs de Saint-nectaire et choisit les meilleurs pièces. Notre personnalité, elle est là, dans la sélection du produit, puis dans l'affinage. Mais si le produit de base est moyen, on n'en fera rien. Quand la base est bonne, là notre touche personnelle peut agir. Pour cela, il faut bien connaître les producteurs. En profondeur. Parfois, on goûte un produit chez un paysan, on se dit qu'il est bon. Mais au bout de quelques mois, on voit que cela ne va pas le faire. On va chaque semaine chercher nos saint-nectaire, mais pour les autres produits, c'est pareil. On est allé plusieurs fois par an chez les producteurs, de Comté, d'Abondance ou autres, pour voir les produits vieillir sur place (obligatoire pour les IGP, production et affinage dans la zone géographique ndlr). Nos producteurs sont tous des passionnés, on a fait le tri sur ce critère-là aussi. Il y a des paysans qui travaillent mieux en été, d'autres mieux en hiver, on les connaît en profondeur. C'est ça, notre différence. D'ailleurs, ils acceptent surtout nos exigences, du coup on ne parle jamais de prix avec eux, on parle uniquement de qualité et de retour des clients", expliquent les deux frères.

Gérald Souchal observe son Saint-Nectaire pour déterminer comment le traiter.
Gérald Souchal observe son Saint-Nectaire pour déterminer comment le traiter. Photo par LB

L'affinage, tout un art

Pendant que le fromager explique où il trouve son produit de base, votre regard se perd au milieu des Brie de Meaux, du Bleu d'Auvergne ou des fromages venus du Pays Basque. Là, tout n'est que fromage et beauté, luxe, gourmandise et volupté. 

-"Mais alors, vous êtes seulement un sélectionneur ?", tentez vous pour vous sortir de votre rêverie coupable.

-"Justement non, après l'achat de la matière première, il y a l'affinage. C'est lui qui donne un goût au fromage. De par notre volonté. Si on ne l'affine pas correctement il n'évoluera pas dans le sens où on le souhaite. Nous, on a notre technique d'affinage, qui est personnelle, qu'on ne dévoilera pas", sourit le fromager.

"Elle n'est pas complexe en soit, mais cela demande du boulot et de l'amour. Notre technique de base est immuable, puis on essaye des petites variations. L'affinage c'est la vision, tu regardes le fromage, tu le retournes, tu dois savoir de quoi il a besoin pour obtenir le meilleur résultat. Pour le mettre en valeur. Le Saint-nectaire demande quatre semaines d'affinage (dans le cahier des charges), nous on l'affine neuf semaines. On ne veut pas rentrer des produits pas vendables. On pose des congés si on n'a pas la qualité à vendre. Mieux vaut ne pas vendre que vendre une qualité insuffisante. Le client n'est pas déçu", explique passionnément le professionnel. 

Cette fois, s'en est trop. Face à tant de passion, il vous faut acheter du fromage.

-"Je vais vous prendre un Saint-Nectaire, alors".

Là, les ennuis commencent. Jérôme ou Gérald, toujours à votre convenance, puisque les deux frères entretiennent la même relation avec leurs habitués, veulent d'abord connaître vos goûts.

Dans la cave de Saint-Babel, de nombreux Saint-Nectaire attendent la bonne heure.
Dans la cave de Saint-Babel, de nombreux Saint-Nectaire attendent la bonne heure. Photo par LB

S'adapter à chaque client

"Dans les deux camions, il y a les mêmes produits, la même qualité. Mais après, il faut prendre le temps de connaître et d'identifier ses clients. On adapte un petit peu, certains préfèrent le Saint-nectaire plus crémeux, plus sec, salé, moins salé, à croutage rouge ou grisâtre. On me demande souvent si j'ai une clientèle chiante. Je n'en ai pas. Chacun est particulier, a sa demande. J'ai beaucoup de clients exigeants, j'aime ça, je le suis avec moi-même", explique Jérôme.

"Si on est précis, c'est qu'on s'intéresse au produit, qu'on n'achète pas n'importe quoi. Notre travail est une quête constante de qualité, d'adaptation au client aussi. Nos ambassadeurs, nos juges et nos testeurs de produits, ce sont nos clients. S'il y a des critiques, on les prend, et on voit ce qu'on peut modifier avec les producteurs ou l'affinage".

Vous repartez avec votre saint-nectaire sous le bras, et quelques délices coupables acheté sur un coup de tête. Puis, au moment du plateau de fromages, vous repensez à cette conversation, pensez à votre prochaine réplique, sélectionnée ce qui vous a plu et déplut dans ce fromage. La semaine d'après, vous serez sur le marché, dans la queue pour aller discuter avec Gérald ou Jérôme Souchal, entre passionnés, entre amoureux du fromage et de la qualité.

Pour ceux-là, le camion est proche !
Pour ceux-là, le camion est proche ! Photo par LB

Les frères Souchal sont présents sur les marchés, les jeudis à Cébazat et Parentignat, ainsi qu'à Châteaugay de 17 à 19 heures. Les vendredis à Montferrand, les samedis à Riom, les dimanches à Brassac-les-Mines. À Issoire, sur le parking rond-point de Carrefour les jeudis et vendredi de 15 à 19 heures et le samedi de 16 à 19 heures. À Brioude, les vendredis et samedis de 8 à 19 heures. 

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