Exclusif : Balade sur les toits de la Cathédrale du Puy-en-Velay

Par Nicolas Defay , Mise à jour le 19/12/2023 à 06:00

Depuis quelques mois, un gigantesque échafaudage couvre une large partie de Notre-Dame-de-l'Annonciation du Puy-en-Velay. L'assistant technique et économique de l’architecte en chef des monuments historiques Etienne Barthélémy a servi de guide à Zoomdici sur l’incroyable structure métallique.

Beaucoup de photos en fin d'article

C'est un chantier de rénovation très important pour la DRAC (Direction régionale des affaires culturelles Auvergne-Rhône-Alpes), les architectes et les entreprises qui interviennent.
« Oui, c’est un monstre, assure l'assistant technique (qui a souhaité que ni son nom, ni son prénom n'apparaissent dans l'article). Cet échafaudage est un monstre technique dans le sens où il ne s’appuie sur aucun versant de la cathédrale ! Tout est suspendu. Il n’y a aucun appui, mis à part sur les angles du dôme ».

Il ajoute : « D’autre part, il nous a fallu prendre en compte le passage des forces de secours dans les rues qui entourent la cathédrale. Il a fallu réduire alors au maximum notre emprise au sol pour permettre cette circulation ».

Durant l’ascension sur les nombreux escaliers, on ne peut qu’être stupéfait par l’enchevêtrement de poutres, de poutrelles, de montants et de moyeux qui constituent l’incommensurable cage métallique de 150 tonnes.

« C'est une réflexion d'ingénierie très importante pour qu’un tel échafaudage se dresse ainsi. Sans oublier que nous sommes en hauteur, exposés au vent, à la pluie ou la neige. Seuls des calculs d'ingénieur extrêmement poussés et précis peuvent permettre ce genre d'installation. » L'assistant technique

Les charpentiers en train de changer les structures en bois des toitures.
Les charpentiers en train de changer les structures en bois des toitures. Photo par Nicolas Defay

« Une section de poids de 900 kilos »

À chaque niveau, des professionnels usent de leur spécialisation pour remettre un sacré coup de fraîcheur à cette grande dame millénaire.

Au premier étage, des couvreurs et des charpentiers s’occupent de retirer les tuiles de la précédente rénovation, ainsi que les voliges et les chevrons. « Le toit était mort et la structure pas en meilleur état, montre l'assistant technique. Les charpentiers enlèvent les pièces maîtresses comme les pannes faîtières ».

Il poursuit : « Le plus gros travail a été d’extraire ce qu’on appelle la noue. C’est une section de bois qui sert de raccord entre deux versants de toits et permet l’écoulement des eaux. Celle-ci pèse 900 kilos ! » Une fois l’ensemble mis à nu, les arases des murs sont repris pour que les nouvelles poutres soient installées avant la pose des tuiles « canal ».

« Les parapluies protègent les artisans mais aussi les fresques historiques, les décors peints qui sont là depuis le 15ème et 16ème siècle. Il y a la salle de l'Échiquier, la salle des griffons. On a même des vestiges d'un combat de chevaliers sur un des pignons extérieurs de la cathédrale. » L'assistant technique

La poutre centrale est la noue avoisinante une tonne sur la balance.
La poutre centrale est la noue avoisinant une tonne sur la balance. Photo par Nicolas Defay

105 tonnes de pierres de la carrière de Polignac

Un étage plus haut, Florian, tailleur de pierres aux Ateliers de Chanteloube, nous reçoit sous son atelier créé spécialement pour ce chantier. D’après son patron, la carrière de Flayac, à Polignac, a été réouverte pour alimenter en pierres la rénovation XXL. Ce sont alors 42 m³ de brèches volcaniques, soit 105 tonnes de pierres, qui seront taillées et mises en place.

À noter que si le chantier de la cathédrale est caractérisé d’exceptionnel de par son ampleur, l’église des Carmes a nécessité davantage de pierres encore (mais provenant de Turquie...)

Les dernières rénovations sur la cathédrale du Puy-en-Velay remontent à 1854 et 1930. D’après le panneau informatif du chantier, le coût de l’opération est de 2 335 516 euros et devrait courir toute l’année 2024.

Les pierres servant à la rénovation actuelle proviendraient de la même carrière de jadis.
Les pierres servant à la rénovation actuelle proviendraient de la même carrière de jadis. Photo par Nicolas Defay

« On se pose tout de même des questions sur le choix des anciens bâtisseurs »

« Apparemment, ce serait la carrière d’origine qui a servi à construire la cathédrale, explique Florian. Après, on se pose tout de même des questions sur le choix des anciens bâtisseurs. Car la brèche est une pierre fragile et friable. Alors que l’arkose de Blavozy est bien plus dense et solide ».

Il précise : « Cette carrière était sensiblement à la même distance que celle de Polignac. Donc, ils n’ont pas forcément choisi la brèche par commodité géographique. D’ailleurs, des pierres en arkose ont été utilisées pour faire des corniches, par exemple ».

« La pierre de Polignac contient de l’argile, truffée d’inclusions. Quand elle pompe l'eau, elle gonfle et quand il fait trop sec, elle se rétracte. Des fissures apparaissent immanquablement. » Florian

Les arases des murs sont totalement refaites par les artisans des Ateliers de Chanteloube.
Les arases des murs sont totalement refaites par les artisans des Ateliers de Chanteloube. Photo par Nicolas Defay

« Elles avaient tant pris la foudre qu’elles étaient littéralement en charpie »

Les escaliers s’additionnent, offrant une vue de plus en plus large de la cité anicienne. L'assistant technique nous propose alors de découvrir un lieu inespéré. Le dôme de la cathédrale. Là, évoluant sur l’échafaudage qui défie l’imagination tant les barres de métal se croisent et s’entrecroisent, la coupole se dévoile devant, à toucher de main.

« Les artisans ont refait la couche de plâtre sur le dôme, informe l’expert. Ensuite, ils le recouvriront de cuivre et de plomb. » Sur la pointe, la très vieille croix étire ses fines branches en fer. « Ils ont retiré ses extrémités en laiton car elles avaient tant pris la foudre qu’elles étaient littéralement en charpie », termine-il.

Et malgré son profil sombre et son aspect rouillé, cette effigie semble rayonner quelque chose. Comme une immersion tactile dans l’histoire des bâtisseurs, ces époques révolues où les échaudages étaient en bois et les poulies en corde. Comme pour rappeler qu’ici, se tiennent mille ans d’hommes et de femmes qui ont érigé l’incroyable monument avec de la pierre, et de la sueur.

La croix, l'épicentre du dôme la cathédrale du Puy-en-Velay.
La croix, l'épicentre du dôme la cathédrale du Puy-en-Velay. Photo par Nicolas Defay

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1 commentaire

lun 11/12/2023 - 09:40

comme toujours très bel article qui permet de se faire une idée de ce qui se passe sous la bâche. Merci

Je renseigne ma commune de préférence :

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