Il fallait montrer patte blanche en ce de début de week-end pour avoir la chance de pouvoir fouler de ses pieds l'élégant tapis rouge menant à l'entrée de l'espace réception de la première champignonnière altiligérienne.
Son inauguration, placée sous la présidence de Laurent Wauquiez Président de Région ainsi que d'Eric Etienne, Préfet de Haute-Loire est l'aboutissement d'un travail d'équipe acharné entre les élus altiligériens et le triumvirat aux commandes de la société d'origine bretonne.
Une succes-story familiale
Emmanuelle et Fabrice Chapuzet se sont rencontrés chez un important acteur du champignon en France. Forts de leur expertise respective (Emmanuelle est spécialisée dans le domaine du marketing et Fabrice est agronome) ils décident rapidement de développer leur propre marque de légumes frais. Il faut dire que l'époque s'y prête : en 2007, le gouvernement français vient de lancer sa célèbre campagne de sensibilisation visant à inciter les français à consommer "Cinq fruits et légumes par jour". Le jeune couple décide donc d'y participer en lançant sa propre affaire. La marque "Lou" voit le jour en 2009. Le frère d'Emmanuelle, Benoit Roze, les rejoint rapidement apportant son expertise en matière de finance.
Dans ces années -là, la production française de champignons est quasi inexistante. Le trio décide donc de construire son propre site de production, dans leur région natale, à Poilley, aux portes de la Bretagne. En un an, leur première champignonnière passe de 4 à 150 salariés et produit aujourd'hui jusqu'à 4000 tonnes de champignons par an.
En 2021, "Lou" passe à la vitesse supérieure en rachetant le site de production de la coopérative "France Champignon" basée à Ternay, dans le Val de Loire avant d'ouvrir leur deuxième champignonnière à Landivy dans les Pays-de-la-Loire. Leur aventure se poursuit aujourd'hui avec l'ouverture de leur quatrième site dans la zone de Combe à Chaspuzac et l'ambition de devenir un jour le numéro un français du champignon frais.
Un investissement de 14 millions d'euros
D'une surface de 12 000 m2, la champignonnière de Chaspuzac comporte 22 salles de production .Elle a nécessité un investissement de 14 millions d'euros largement pris en charge par les différentes collectivités.
L'objectif affiché est d'atteindre annuellement une production de 4 500 tonnes. Les champignons, produits sans aucun pesticide, sont également transformés et conditionnés sur place. Ils sont distribués en grande surface ainsi que dans certaines enseignes bio. L'enseigne importe également des champignons de Pologne afin d’achalander certaines enseignes discount.
"un projet ambitieux et une formule risquée pour la collectivité" Michel Joubert, Maire de Chaspuzac et Président de la Communauté d'agglomération du Puy-en-Velay
D'après Michel Joubert, Maire de la commune et Président de la Communauté d'agglomération, "ce projet ambitieux, qui constitue une magnifique vitrine pour le commerce locale a nécessité un investissement total de 14 millions d'euros". L'Etat, la Région et le Département ont contribué à son financement, à hauteur d'un million pour la Région, de 225 000 euros pour l'Etat et de 250 000 euros pour le Département.
L'investissement immobilier de 12 millions, concernant la partie immobilière du projet, a été avancé par la Communauté d'agglomération et le remboursement se fera sous la forme d'un contrat de crédit-bail immobilier. L'entreprise ne deviendra propriétaire des lieux qu'au terme du contrat " une formule risquée pour la collectivité" reconnait l'élu. Sans doute le prix à payer pour placer l'agglomération ponote dans le secteur désormais stratégique de l'agro-alimentaire "et conforter durablement le bassin économique du Puy.
C'est quoi un crédit-bail ?
Le crédit-bail est un contrat de financement pour l'acquisition d'un bien mobilier ou immobilier. Son principe est simple : une entreprise acquiert un bien en payant une redevance. Au terme du contrat, elle dispose de la faculté soit d'acquérir définitivement le bien, soit de ne pas l'acquérir . Dans ce cas, le loueur reste propriétaire du bien. Quand vous achetez une voiture en "leasing" vous souscrivez un crédit-bail.
Et les emplois dans tout ça?
Damien est entré dans l'Entreprise le 24 juin dernier, après avoir perdu son emploi de chauffeur routier : "J'ai appris qu'ils recrutaient par le bouches à oreilles. On fonctionne en deux services de sept heures. Si on est du matin, on commence à 5h30, si on est de l'après-midi, on commence à 13h30. Je suis polyvalent. La plupart du temps, je suis cueilleur mais je fais aussi parfois de la manutention. Le temps passe vite, on le voit pas passer !".
Visite des lieux avec Gilles Fayet, responsable de la production...(Cliquez sur la croix pour dérouler l'info)
" Il y a 22 portes à l'extérieur. Elles correspondent aux 22 chambres de culture. Chacune fait 640 m2. On y entre le compost composé de fumier de cheval, de paille et de fiente de poule. On le dépose ensuite sur les étagères de production. On y insère les grains et on rajoute de la tourbe dessus. Pour le moment, on ne fait pas nous même notre compost, mais on ambitionne de le faire. Pour créer ensuite les conditions de culture, on contrôle par ordinateur le taux d'humidité et de CO2. Il faut faire monter le taux de CO2 pour faire croire au champignon qu'il va mourir, ça le booste. Dès qu'on remet de l'oxygène, ça se met à pousser et le mycélium se répand et se diffuse sur les lits de culture. Au bout d'une dizaine de jours, les cueilleurs peuvent entrer en action. Ils doivent avoir un bon regard sur les lits de culture, afin de cueillir le bon calibre. Une fois cueillis, nos champignons sont placés en chambre froide. On refroidit leur coeur, comme ça ils se conserveront plus longtemps. Ils sont ensuite conditionnés sur deux chaines de conditionnement avant d'être livrés à nos clients"
25 tonnes de champignons par semaine. Objectif : atteindre un rendement de 60 tonnes
Damien fait partie des 80 personnes qui travaillent déjà sur le site, une cinquantaine de cueilleurs, une quinzaine au conditionnement et une autre quinzaine à l'expédition. Les cueilleurs ont suivi une formation de trois mois en interne. La cueillette est un métier. N'en déplaise aux cueilleurs du Dimanche. Leur rendement est contrôlé : chacun doit cueillir un minimum de 21 kilos de champignons par heure. Il sort actuellement de la champignonnière 25 tonnes de champignons par semaine. L'ambition de l'entreprise est d'en produire 60 tonnes.
L'objectif affiché par les entrepreneurs et les élus est d'atteindre les 150 recrutements d'ici peu. Une priorité pour Laurent Wauquiez, Président de la Région, qui s'est exprimé dans une vidéo lors de l'inauguration : " Il faut ramener l'emploi chez nous, car la meilleure manière de faire du social en Haute-Loire et ailleurs, c'est de favoriser le travail". Mais la situation sur le front de l'emploi est tendue en ce moment.
" Nous avons beaucoup de mal à recruter pour le moment"
Emmanuelle Chapuzet et Benoit Pouyadou, le directeur du site de Chaspuzac le reconnaissent d'une seule voix : " Nous avons énormément de mal à recruter pour le moment, pourtant nous avons fait une belle campagne de recrutement. Nous sommes même allés sur le marché du Puy".
L'entreprise semble pour le moment être obligée d'avoir recours en partie à une main d'oeuvre essentiellement polonaise.