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Sécheresse et canicule : la pêche va t-elle finir par tomber à l'eau ?

Par . . , Mise à jour le 06/03/2023 à 06:00

Ce samedi 4 mars, les membres de l'Association agréée de pêche et de protection des milieux aquatiques (A.A.P.P.M.A) du Puy étaient convoqués par leur président, Sylvain Darbousset, à leur assemblée générale annuelle. L'occasion pour la rédaction de s'entretenir avec des passionnés ,qui comptent sans doute parmi les meilleurs témoins du réchauffement climatique et de ses conséquences : les pêcheurs. L'occasion également d'envisager l'avenir de leur  pratique dans un tel contexte. 

 

Sylvain Darbousset est le nouveau président de l'A.AP.P.M.A. Il ne se rappelle plus exactement du jour où il a tenu sa première canne mais évoque avec fierté les parties de pêche qu'il partageait naguère avec les anciens ainsi que son parcours halieutique : " C'est mon grand-père qui m'a transmis cette passion. Je partais avec lui, tout gamin, pêcher la friture. Et puis ça ne m'a plus jamais lâché. J'ai voulu en faire mon métier. J'ai fait des études dans le domaine de l'Aquaculture et j'ai rejoint de manière bénévole l'A.A.P.P.M.A avant d'en intégrer le bureau et d'en devenir finalement le Président. Notre association, qui compte pas moins de 2000 membres aujourd'hui, est chargée de la protection du milieu aquatique dans le domaine de gestion du Puy". 

Qui donc mieux que lui pouvait, sans "noyer le poisson", répondre à nos questions relatives à la sécheresse et à la hausse des températures, à leurs conséquences sur la faune aquatique et surtout à la question existentielle suivante : les adeptes du sport halieutique sont - ils susceptibles de "garder la pêche" en cette période de dérèglement climatique inédite ? 

Sylvain Darbousset devant la photo d'une partie du Bourbouilloux à sec Photo par jfp

 

Une sécheresse préoccupante qui perturbe profondément les milieux aquatiques

Hormis le très bref épisode de la semaine dernière, la France n'a pas connu de véritable épisode pluvieux depuis fin Janvier. Il s'agit là, selon Météo-France, de la plus longue sécheresse météorologique jamais enregistrée. Cette situation est d'autant plus inquiétante que cette sécheresse survient en plein hiver, période de recharge cruciale pour les nappes phréatiques et dans un contexte de déficit chronique des précipitations depuis l'été 2021.

" En matière de sécheresse et de changement climatique, nous sommes des sentinelles et c'est vrai que la situation est préoccupante : cours d'eau qui se tarissent, disparition de zones humides, surmortalité de poissons.."

Symboles de la situation dans la région AURA : certaines communes comme Arlanc ou le Bouchet-Saint-Nicolas doivent désormais puiser l'eau dans des lacs aux alentours ou être ravitaillées par camion-citerne. Cette situation préoccupante est-elle susceptible de remettre en cause l'avenir des activités de pêche de loisirs? 

" Nous, les pêcheurs, en matière de sécheresse et de changement climatique, nous sommes des sentinelles parce qu'on est toujours au bord de l'eau " nous explique Sylvain Darbousset. "Et c'est vrai qu'on a pu constater une situation préoccupante sur le terrain cet été " insiste-t-il : " De nombreux cours d'eau de notre zone de gestion étaient taris. C'était notamment le cas pour le Bourbouilloux qui coule à Saint-Paulien. C'est peut être le problème le plus visible, mais c'est certainement pas le seul problème auquel nous sommes confrontés".

Effectivement : " Avec l'abaissement du niveau de la nappe phréatique, de nombreuses zones humides régressent voire disparaissent et il faut savoir que ce sont des zones de reproduction pour de nombreuses espèces piscicoles. Et puis surtout, précise-t-il, qui dit sécheresse dit forcément températures anormales et canicules. Les poissons qui ont besoin de froid, comme les truites par exemple, souffrent énormément en période de forte chaleur. Le réchauffement des températures de l'eau les prive de l'oxygène nécéssaire à leur respiration. A certains endroits, cet été, on a  pu constater une surmortalité piscicole. Le Bourbouilloux a perdu 75 % de sa population de poisson cet été, du fait de ce phénomène". Triste constat. Mais la situation est-elle vraiment critique en Haute-Loire?

Sylvain Darbousset devant l'image d'un poisson mort cet été dans le Bourbouilloux Photo par jfp

Les pêcheurs pourraient malgré tout garder espoir pour le moment

Face à cette situation, au  mois d'Août dernier, la Fédération de pêche de Haute-Loire, en association avec les trente associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique que compte le département, avait saisi les services de l'Etat afin que des mesures soient prises pour protéger les milieux aquatiques les plus fragiles. Cela s'était conclu par une fermeture prématurée de la pêche en première catégorie (salmonidés de rivières). La situation risque bien évidemment de se reproduire cette année, alors que l'ouverture générale de la pêche en première catégorie aura lieu le 11 mars prochain. 

"Il faut rester optimiste malgré tout, optimiste mais vigilant"

Mais Sylvain Darbousset refuse de perdre le sourire. La situation en Haute-Loire ne serait pas aussi critique qu'elle ne l'est dans d'autres départements métropolitains : " La Haute-Loire possède un réseau hydrographique hyper dense, on compte pas moins de 700 cours d'eau, on est privilégié, parce qu'on se trouve sur un bassin versant. Il faut donc rester optimiste malgré tout, optimiste mais vigilant" précise t'il. Le Président de l'A.A.P.P.M.A ose croire également en la résilience des milieux, même si l'accumulation, d'années en années, d'épisodes de sécheresse et de canicules rend cette résilience de plus en plus compliquée.

" Les pêcheurs participent à la protection des milieux naturels aquatiques : pêches de sauvegarde, repeuplement piscicole, nettoyage et entretien des cours d'eau et des berges"

Il croit aussi surtout en l'action des "alitiligériens" et tout spécialement en celle des quelque 15 000 pêcheurs recensés dans les trente A.A.P.P.M.A du territoire : " Les pêcheurs participent énormément à la protection des milieux naturels aquatiques. Face au niveau dramatique de certains tronçons de rivière cet été, nous avons multiplié les pêches de sauvegarde. Dans la Laussonne à Coubon, ou dans le Bourbouilloux à Saint-Paulien, nous avons extrait plus de 500 poissons que nous avons ensuite relâchés dans la Loire".

Les pêcheurs participent à la protection des milieux aquatiques naturels Photo par jfp

 

Et leur action ne s'arrête pas là : " Nous mettons également en place, en concertation avec la fédération de pêche et les services de l'Etat des plans de gestions départementaux pour gérer au plus près des besoins les réserves halieutiques. Nous venons par exemple de repeupler la Borne en truites et nous allons également repeupler la Loire en brochets, à hauteur de Brives-Charensac. Et puis rien que ce matin encore, en vue de l'ouverture prochaine de la pêche, nous avons nettoyé les rives de la Borne. Ça faisait quand même 500 kilos de déchets!"

 

"Les pêcheurs ont déjà pris leurs responsabilités, au reste de la société de s'y mettre maintenant"

Il n'est pas question, pour le Président de l'association, d'envisager des quotas en matière d'adhérents ou de mettre en place quelque autre solution du même acabit  :" Nous cherchons à mettre en place le maximum de choses en amont pour éviter d'en arriver là. Mais le problème de la gestion de l'eau, de l'accès à l'eau sera de plus en plus prégnant dans les années qui viennent. Les pêcheurs ont déjà pris leurs responsabilités. C'est au reste de la société de s'y mettre maintenant, il faudra moins gaspiller d'eau, c'est du ressort de chacun".

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