Vous souvenez vous de cette journée du 11 septembre 2001?
Oui, bien sûr! c'est une tragédie que l'on ne vit qu'une fois dans sa vie.
Nous avons soudain pris conscience qu'un évènement énorme, historique, était en train de se produire.
Où étiez vous à ce moment là?
Je m'en souviens très bien. J'étais en tournage pour M6 dans des studios au nord de Paris. J'ai eu un appel de Thomas Valentin, actuel vice-président du directoire de M6, alors directeur des programmes de la chaîne. Il m'a dit: "Branche la télévision, il y a un avion qui s'est encastré dans une des tours du WTC à New York." J'allume la télévision et je vois effectivement les images d'un avion qui s'écrase sur une tour. Je réponds à Thomas Valentin: " ah oui, je vois. Ils repassent les images." Et là, j'ai un blanc à l'autre bout de la ligne: "...euh, non, me dit-il, je crois que c'est un deuxième avion qui vient d'entrer en collision avec une tour...". Nous avons soudain pris conscience qu'un évènement énorme, historique, était en train de se produire. Toutes les équipes de M6 ont été rameutées pour débuter un direct en milieu d'après-midi. J'ai immédiatement rejoint la rédaction de M6.
Les assaillants venaient d'Arabie saoudite et du Liban et n'étaient pas issus de milieux ouvriers. Ils émanaient de la classe moyenne et beaucoup avaient fait des études supérieures.
Avez-vous de suite pris la mesure de l'évènement?
Je me souviens qu'on redoutait à l'époque qu'il y ait toute une série d'attentats partout dans le monde. Que New-York ou les Etats-Unis ne soient pas la seule cible des terroristes. Je croyais personnellement que d'autres capitales ou grandes villes occidentales seraient visées. On s'est dit: "ces terroristes vont allumer le monde!"
Peu importe l'extraction sociale des terroristes, c'est leur idéologie qui les meut.
Et sur le plan de l'interprétation historique?
Je me suis toujours intéressé à la géopolitique. Depuis longtemps je dis que le monde est plus interpénétré qu'on le pense. A l'époque mon expression était : "on s'est déloftilisé!" en référence à l'émission "Le Loft" qui avait beaucoup de succès dans ces années-là. Il était évident que ce qui se passait en Afghanistan ou au Liban pouvait avoir des répercussions sur les grandes villes européennes ou occidentales.
Ce qui m'a paru clair c'est que cet attentat était un attentat low-cost. En outre, les assaillants venaient d'Arabie saoudite et du Liban et n'étaient pas issus de milieux ouvriers. Ils émanaient de la classe moyenne et beaucoup avaient fait des études supérieures. C'est pourquoi, -et c' est toujours vrai aujourd'hui-, il se dégage une certitude: c'est que le terrorisme est le produit d'une idéologie et pas de la guerre ni de la pauvreté.
On le voit maintenant encore avec le procès des attentats du 15 novembre 2015 qui vient de débuter à Paris. Peu importe l'extraction sociale des terroristes, c'est leur idéologie qui les meut.
L'échec de l'Occident, pour ne pas parler de l'Europe, est patent, comme le prouvent les situations de l'Afghanistan, de l'Irak et bientôt du Sahel. Nous allons en payer le prix.
Cet attentat était-il prévisible?
Dans son ampleur, non. Cependant quelques éléments importants avant cet attentat n'ont pas retenu l'attention qu'ils méritaient. Le Commandant Massoud qui est mort le 9 septembre 2011 , soit deux jours avant les attentats du WTC n'a pas été reçu ni entendu par les milieux officiels français à l'exception notable du Parlement européen, invité par Nicole Fontaine. Il savait ce qui se tramait. Pas en détails, bien sûr, mais il connaissait l'ampleur de la menace.
Depuis vingt ans on n'a jamais eu le courage politique de nommer les choses ni de s'attaquer à la racine du mal.
En a-t-on tiré des enseignements?
Bien évidemment, non! Je vous le disais tout à l'heure, tout s'interpénètre. Le Commandant Massoud a été tué par deux Belgo-Tunisiens endoctrinés dans des mosquées salafistes à Molenbeek en Belgique, pas chez les Wahhabites saoudiens ni chez les Talibans afghans. Depuis vingt ans on n'a jamais eu le courage politique de nommer les choses ni de s'attaquer à la racine du mal. On n'a pas réagi. L'islamisme a continué à se développer et à proliférer dans beaucoup de milieux. On a régressé dans nos analyses, par peur ou par conformisme. 20 ans après, on n'a pas évolué. L'échec de l'Occident, pour ne pas parler de l'Europe, est patent, comme le prouvent les situations de l'Afghanistan, de l'Irak et bientôt du Sahel. Nous allons en payer le prix.