Au mois de novembre 2023, le lac de Naussac n’est presque plus. Les gens arpentent son squelette de pierres et de souvenirs, empruntant les sentiers de jadis, ces chemins qui existaient avant 1983, avant que l’endroit ne soit inondé par des millions de litres d’eau.
Ici et là, les promeneurs croisent alors d’anciennes fondations et des bornes kilométriques un peu usées. Même immobiles, même érodées par les eaux, l’air et le temps, ces stèles de granit rayonnent pourtant de vie, comme des portes temporelles où se cachent derrière les mémoires du bourg de Naussac et de ses neuf hameaux voisins.
Et si cette immersion dans le temps et l’espace a été possible, c’est parce qu’il ne restait plus que 20 % de chair sur le squelette fatigué du lac, au mois de novembre dernier.
Quelques lambeaux d’eau s’accrochaient entre deux langues de terre. Quelques oasis résistaient entre deux dunes arides. Mais le géant se mourrait doucement, respirant à peine, suscitant même l’inquiétude des élus et des politiques.
De l’agonie aux premiers souffles
Et puis… Et puis les perfusions de toutes parts. La pluie. Les nuages et la neige. Et puis la rivière du Chapeauroux et celle du Donozeau. Au mois de mars 2024, son niveau frôle les 50 % de sa capacité.
« Si on compare aux quarante dernières années, le remplissage de mars 2024 est très bas pour la saison », explique malgré tout Benoît Rossignol, Directeur Ressource en eau de l’Établissement Public Loire. Il précise en ce sens : « En temps normal, nous devrions être sur un stock d’eau de 150 millions de m³ d’eau en mars (80%). C'est-à-dire qu’aujourd’hui, il manque 60 millions de m³ d’eau. Ce qui est très considérable ! »
Le concept du verre à moitié plein
A moité vide. Mais à moitié plein aussi. Et la météo n’aura de cesse de faire pencher la balance pour que l’optimisme s’empare des analyses. Au début du mois d’avril, sa rémission s’opère plus vite que tous les pronostics espérés. L’une de ses veines, le Chapeauroux, lui donne tout ce qu’elle a, lui offrant à chaque seconde 12 m³ de son précieux sang bleu.
Plus des 4/5ᵉ de sa capacité
Via son site d’observation, l’Établissement Public Loire, société qui gère le barrage de Naussac, indique en continu le taux de remplissage de la retenue. Aujourd’hui, en ce vendredi 26 avril, le graphique apparaît alors comme un œil bleu presque entièrement ouvert. 82 %. Le lac a dépassé les 4/5ᵉ de sa capacité. 152 millions de mètres cube d’eau ont remplumé sa silhouette, si famélique à peine deux mois auparavant.
Un colosse aux pieds d’argile
Si la retenue est perfusée abondamment, il est à préciser qu’aucun étiage n’a encore été déclenché. Les étiages de Naussac sont des lâchers d’eau qui servent principalement à remplir la rivière Allier. Cette dernière va alimenter en eaux potables des millions de personnes en aval et contribuer à refroidir les centrales nucléaires à partir de Belleville (Cher).
Comment sera alors la saison de l’été ou même celle de l’automne ? Est-ce qu’il sera nécessaire de puiser, comme en 2023, jusqu’à la dernière goutte dans la poche d’eau de Naussac pour nourrir l’Allier ?
Et si un jour, la météo ne s’avérait pas aussi généreuse qu’aujourd’hui ? Et si le lac disparaissait ? À qui serait la faute ?