Un revenu décent. C'est la revendication principale de la Confédération paysanne et de nombre d'agriculteurs qui se sont rendus dans les rues depuis plusieurs jours en Haute-Loire, voire plusieurs semaines en France.
Une colère due en grande partie aux conditions de travail des paysans qu'il s'agisse de manque de reconnaissance financière ou sociale.
Alors parmi les leviers évoqués par le syndicat, figure l'interdiction de la vente à perte. En effet, le porte-parole du syndicat en Haute-Loire, Adria Gomez, dénonce : « Il est inadmissible que les agriculteurs vendent à perte aujourd'hui. Il faut que la vente à des prix inférieurs aux coûts de production soit interdite. »
Et Hervé Chamard, éleveur laitier et hôte du jour, de préciser : « Aujourd'hui, on vend notre lait à 420 euros les 1 000 litres. Or on a un coût de production qui tourne autour des 550/560 euros pour le même volume. À la fin de l'année, pour une exploitation qui produit 200 000 litres, le différentiel se fait ressentir. C'est 15 000 à 20 000 euros. »
Alors pour compenser, Hervé et son frère David, également son associé, tentent de réduire leurs charges au maximum, de faire appel à des aides... et réduisent leurs salaires. Pourtant, ils travaillent près de 60 heures par semaine.
« Ils nous paient à des prix en dessous des coûts de production, et se permettent de vendre à des prix que le consommateur a du mal à suivre », Olivier Vacheron
Une solution que Olivier Vacheron, membre du bureau de la Confédération paysanne, développe : « Il existe aujourd'hui des possibilités pour notre gouvernement de mettre en place des leviers. Ce qu'on voudrait, c'est réduire la marge des industriels qui amassent énormément d'argent sur notre dos et qui ne la répartissent pas. C'est à dire qu'ils nous paient à des prix en dessous des coûts de production, et se permettent de vendre à des prix que le consommateur a du mal à suivre. »
Il ajoute d'ailleurs sur ce sujet : « On avait beaucoup travaillé sur la loi Egalim et d'autres, qui n'ont jamais été appliquées. Le gouvernement est amplement capable d'imposer ces choses là, mais il faut le vouloir. »
Le libre échange, destructeur de paysan ?
Une autre demande de la Confédération paysanne, pour un meilleur avenir de l'agriculture française, c'est la fin des accords de libre échange et de leurs négociations, notamment le Mercosur.
Olivier Vacheron développe ainsi : « Il faut absolument stopper ces accords de libre échange. L'accord Mercosur avec l'Amérique du sud va encore faire baisser nos prix, à cause d'une importation en grande quantité de veaux, d'agneaux, de bœufs, de lait, à bas prix. »
Pour lui, prendre cette décision, c'est d'abord se poser certaines questions : "Est-ce qu'il est nécessaire de faire transiter de la viande ou du lait sur des centaines voire des milliers de kilomètres pour être consommés ? Est-ce qu'on ne pourrait pas plutôt pousser nos agriculteurs à engraisser localement leurs animaux ? "
En effet, pour lui, « c'est une logique qui peut donner un revenu aux éleveurs, et donner des produits accessibles aux consommateurs. C'est ce qui permettra aussi aux jeunes de s'installer dans un métier performant et rémunérateur. » Mais il tient à préciser la volonté derrière ce combat : « On ne se bat pas contre les agriculteurs étrangers, mais on veut au moins vivre décemment. On ne sera jamais concurrentiels dans ce système là. Alors il faut que l'État cesse les négociations. »
Rendre l'agriculture attractive avant l'hécatombe
Ces demandes des agriculteurs, sont en somme déterminantes pour l'avenir d'une profession qui peine aujourd'hui à être transmise. Pour le syndicat, il s'agit d'un enjeu majeur : « Si on parvient à vivre de ce métier, à avoir un revenu à la hauteur de notre travail, c'est ça qui permettra à nos jeunes de reprendre les exploitations. Personnellement, si ma fille me dit qu'elle veut reprendre ma ferme, j'essaierai de l'orienter vers autre chose. »
En France, selon Olivier Vacheron, près de la moitié des éleveurs atteindront les cinquante ans d'ici dix à quinze ans. Pour lui, « c'est la moitié d'entre nous qui allons disparaître ». Il dénonce alors « un grand plan de licenciement silencieux ».
Alors il poursuit, et explique : « Il faut que les choses changent, pour que les jeunes puissent se dire "j'ai envie de me lancer dans ce métier, d'être paysan, d'avoir des vaches. Mais comme tout le monde, j'ai envie d'avoir un revenu et une vie". » Avant de conclure que l'agriculture n'est pas un sous-métier.