L'histoire commence à durer. Elle débute en juin dernier lorsque le Géant Casino de Vals annonce qu'il va être cédé. Puis en septembre, on découvre le nom des nouveaux propriétaires et c'est en octobre qu'il réouvre officiellement ses portes sous l'enseigne Les Mousquetaires (Intermarché).
Mais tout cela parait trop simple. En décembre, voilà que à seulement quelques semaines du changement de propriétaire, l'Autorité de la Concurrence constate un problème de concurrence des enseignes sur une même zone géographique.
Dans cette histoire, les irréductibles sont les salariés, mal informés, mais toujours présents, pour l'instant.
Nos articles sur ce sujet :
Pourquoi le magasin a-t-il été vendu avant la décision ?
Dans son communiqué, l'Autorité de la concurrence explique qu'elle avait octroyé une « dérogation à l’effet suspensif » à Intermarché.
Celle-ci peut en effet être accordée dans des cas rares et particuliers : « Si la réalisation effective d'une opération de concentration ne peut intervenir qu'après l'accord de l'Autorité de la concurrence, dans certaines circonstances exceptionnelles, dûment motivées par les parties, l'Autorité peut octroyer une dérogation leur permettant de procéder à la réalisation effective de tout ou partie de l'opération sans attendre la décision d'autorisation et ce afin de permettre la poursuite de l’activité. »
Mais en ce 11 janvier, nouveau rebondissement dans l'affaire Casino, ou Intermarché, appelez-là comme vous le voulez. L'Autorité de la concurrence a rendu sa décision, et elle n'est pas très réjouissante pour le magasin de Vals-près-le-Puy qui a pourtant ouvert ses portes il y a seulement quelques semaines.
En effet, le magasin figure parmi les trois cités par l'organisme, qui présente un risque « d’entraver la concurrence dans les zones de chalandise entourant les magasins cibles ».
L'Autorité explique d'ailleurs dans un communiqué qu'elle considère que « dans ces zones où Intermarché renforcerait significativement son pouvoir de marché à l’issue de l’opération, il ne demeurerait pas d’alternatives crédibles et suffisantes à Intermarché. Cette situation risquait d’entraîner des hausses de prix ainsi qu’un appauvrissement de la diversité de l’offre au détriment des consommateurs dans les zones concernées ».
Encore une petite lueur d'espoir...
Pour autant, le sort du magasin de Vals n'est pas encore scellé. En effet, pour remédier à ce risque d'atteinte à la concurrence, Intermarché s'est, selon l'Autorité de la concurrence, « engagé à céder à un ou plusieurs concurrents les anciens magasins Casino de Lons-le-Saunier (39), Plouaret (22) et Vals-près-le-Puy (43). Ces engagements permettront de garantir le maintien d’une concurrence suffisante et de protéger les intérêts des consommateurs sur les marchés concernés ».
En effet, le groupement d'indépendants se trouve, selon le propriétaire actuel Rémy Valette, « puisque refuser de se plier à la décision de l'Autorité pourrait empêcher les 61 magasins d'être cédés. »
Pour autant, une toute petite lueur d'espoir reste percevable, élus locaux, salariés, syndicats et gérants s'unissent, pour faire pression.
« Élus, clients, partenaires, etc. Beaucoup de monde nous soutient, et ça fait chaud au cœur. »
Dans leur combat, les syndicats ont déjà fait appel aux clients de l'hypermarché, lors d'une pétition lancée il y a déjà plusieurs semaines. Et face à son succès, 4 000 signatures en dix jours, les représentants des salariés le confirment : « On a le soutien des clients. C'est près de 10 % de la population du bassin ponot qui nous a apporté son soutien. Élus, clients, partenaires, etc. Beaucoup de monde nous soutient, et ça fait chaud au cœur. »
Le propriétaire du commerce, Rémy Valette, souligne lui le soutien reçu de la part des partenaires et des producteurs locaux : « Nous en avons fait rentrer une vingtaine parmi nos fournisseurs. Et ils nous remercient en soutenant notre projet, qui jusque là fonctionne très bien. »
Des lettres de soutien
Olivier Cigolotti, Isabelle Valentin, Laurent Duplomb et Jean-Pierre Vigier sont les quatre signataires d'une lettre, adressée à l'Autorité de la concurrence suite à sa décision. « Nous ne comprenons pas une telle décision, étant donnée la recrudescence que la réouverture de l'hyper de Vals-près-le-Puy a provoquée dans toutes les enseignes du bassin ponot » y lit-on.
Avant de retrouver un peu plus loin les mots suivants : « Même si le volet humain n'est pas le prisme par lequel vous abordez ce dossier, il n'en est pas de même pour nous [...] La souffrance psychologique à laquelle ils (les salariés et leur famille) pourraient être à nouveau confrontés ne serait pas sans laisser de séquelles. »
Parallèlement, ce sont également Laurent Bernard, Michel Chapuis, Antoine Wassner qui ont signé une lettre similaire.
« Nous vous demandons de bien considérer tous ces éléments avant de prendre votre décision qui pourrait être lourde de conséquences tant économiques qu'humaines sur notre territoire » concluent ainsi les deux courriers.
« La concurrence belle et bien présente »
Tous soulignent d'ailleurs leur grande surprise quant à cette décision, surprise partagée par les dirigeants et les trois syndicats : CFDT, FO et CGT. « La concurrence est belle et bien présente » s'accordent-ils à dire. Rémy Valette précise en outre : « Au contraire, notre arrivée a stimulé la concurrence. Depuis que nous sommes arrivés, les autres magasins ont effectué des campagnes promotionnelles qu'ils n'auraient peut-être pas menées. »
Ainsi face à cette incompréhension, Jean-Pierre Vigier répète : « Il est nécessaire que nous déterminions pourquoi cette décision a été rendue. Je pense que cet organisme, aussi indépendant soit-il, ne prend pas en compte les réalités territoriales que nous voyons. » Et Christophe Romeuf, représentant syndical, d'ajouter : « C'est une décision unilatérale, prise par des bureaucrates qui ne tiennent pas compte des enjeux humains de ce dossier. »
Cigolotti, Valentin, Vigier et Duplomb comptent d'ailleurs bien défendre le projet au sommet de l'État, puisque le premier déclarait à Rémy Valette et aux représentants du personnel : « Dès mardi, je prendrais rendez-vous avec le ministre Bruno Le Maire, pour parler de cette décision que nous trouvons injuste, en espérant qu'il puisse faire quelque chose. »
Le recours de la dernière chance
Comme le veut la loi, deux mois sont accordés à quiconque voudrait déposer un recours contre cette décision, et l'intersyndicale compte bien s'y atteler. « Nous allons faire appel à des avocats, pour déposer un recours. C'est notre seule solution. »
Parallèlement, dans le cas où ce recours ne porterait pas ses fruits, le couple Valette a pour obligation de trouver un repreneur dans les 8 prochains mois.
Affaire à suivre donc...