Zoomdici : « Corentin Sivy, quelques semaines après la tenue de la COP28, que peut-on en retenir, sur le thème des énergies éoliennes ? »
Corentin Sivy : « Une centaine de pays ont pris un engagement à tripler les énergies renouvelables. Malheureusement, cela reste une simple déclaration. En France, il n'y a pas eu de déclinaison particulière liée à la COP28. Ça s'est plutôt passé au niveau européen, avec le "Net-Zero Industry Act". La COP28 a surtout permis de présenter ces mesures comme des accélérations et de pousser les lois déjà en place à plus grande échelle. Mais cette accélération et ces différentes lois sont intervenues approximativement mi-2022. »
Zoomdici : « Dans quel contexte cette accélération a-t-elle donc eu lieu ? »
C. Sivy : « Jusqu'à présent, la mise en place de projets éolien a été fortement ralentie par la difficulté d’obtenir des autorisations. Pour cause, il y a eu une forte campagne contre l’éolien terrestre à partir de 2020, d’abord car la volonté du gouvernement était de relancer le nucléaire. Pour qu’il n’y ai pas de contestations dans l’opinion publique, il a alors fallu montrer qu'aucun autre choix n'était viable, notamment en discréditant les renouvelables.
« C'est un grand renversement. »
Lors du discours de Belfort en 2021, Emmanuel Macron se montrait favorable à une division par trois de l'éolien terrestre. Et puis les énergies renouvelables se sont présentées comme la principale réponse à l'invasion de l'Ukraine par la Russie. C'était alors un gros renversement puisqu'on est passé d'une division par trois à une multiplication d'autant, voire un peu plus. »
Zoomdici : « Pourquoi un tel revirement de situation ? »
C. Sivy : « Comme dit précédemment, le grand tournant aété la guerre en Ukraine, qui a entrainé un besoin important et urgent de produire, pour palier la sortie du gaz russe. Il a alors fallu appuyer sur tous les leviers qui étaient capables de faire quelquue chose rapidement. L'éolien a l'avantage de sa rapidité de construction : quelques mois pour un parc éolien, contre une quinzaine d'années pour une centrale nucléaire. Pour preuve, les prochaines centrales nucléaires sont prévues pour 2037. Il faut les concevoir, faire valider leur design, puis les construire. Et encore... cette échéance est optimiste.
C'est également une question de coûts. Ils ont explosé en 2022, avec des prix sur le marché spot à 200, 300, 400 euros, contre un éolien à 60, 80 euros. Il n'y a pas moins cher. En somme, ce qui a permis a l'éolien de revenir en grâces, c'est qu'il n'y a pas d'énergie neuve moins chère et déployable si rapidement. »
Zoomdici : « Considérez-vous que le développement de l'éolien en France est une urgence ? »
C. Sivy : « Effectivement, il s'agit d'une urgence. Chaque parc éolien qui ne se fait pas, c'est autant de gaz brûlé.
En France, la production nucléaire est vieillissante et donc moins efficace. Parallèlement, la consommation d'électricité augmente puisqu'on remplace les chaudières au fioul ou au gaz par des pompes à chaleurs, les voitures thermiques par les électriques, on électrifie les processus industriels. Pourtant, nous sommes déjà au maximum de nos capacités. Donc si on ne produit pas d'électricité grâce aux énergies renouvelables, les besoins sont comblés par du gaz importé.
Et il faut d'ailleurs rappeler que le gaz que l'on importe est deux à trois fois plus cher que l'éolien »
« Le gaz est mauvais pour notre indépendance énergétique, mauvais pour le climat, mauvais pour notre portefeuille. Il n'y a aucun intérêt. »
D'autant plus qu'il est importé des États-Unis d'une part, de Russie d'autre part, ou encore d'Algérie ou du Qatar. Nos importations financent donc des régimes qui posent pourtant problème et qui sont capables de faire du chantage. »
Zoomdici : « Avec ces engagements gouvernementaux, les prochains projets éoliens devraient-ils être facilités ? »
C. Sivy : « Là où ça bloque aujourd'hui, c'est au niveau préfectoral. Parce que pendant eux ou trois ans, ils ont eu la consigne de ne pas délivrer d'autorisations. Aujourd'hui, ce sont les même préfets qui doivent réaccélérer leur délivrance. Le problème est qu'ils ont mis en place des barrières artificielles, comme des critères parfois délirants et des principes de précaution, notamment sur des espèces qui ne sont même pas implantées par le sujet. Je parle notamment d'une espèce, l'outarde canetière, qui vit en Poitou-Charente, qui en 20 ans de cohabitation n'a été sujette à aucune mortalité, mais dont la présence est aujourd'hui rédhibitoire pour l'installation d'un parc. Elles ont surtout servi de parapluie pour bloquer les projets. »
« C'est pourquoi ça va sans doute mettre plusieurs années avant de pouvoir repartir. »
Zoomdici : « Qu'en est-il à l'échelle de la Région ? »
C. Sivy : « La plupart des Régions françaises ont compris l'intérêt du développement des énergies renouvelables, et notamment de l'éolien, à la fois pour le portefeuille commun, l'environnement, et l'autonomie énergétique du pays. Seulement deux Régions persistent à bloquer systématiquement les projets, l'Auvergne-Rhône-Alpes de Laurent Wauquiez (LR) et les Hauts-de-France, de Xavier Bertrand (LR). Malheureusement, on ne verra donc pas les effets de l’accélération dans ces deux régions.
C'est par ailleurs incompréhensible que le président de Région ne comprenne pas l'enjeu. Il parle de patriotisme économique, tout en finançant des recours contre des projets bénéfiques au portefeuille commun. »
Zoomdici : « Et à l'échelle du département ? »
« Malgré tout, le département accueillera très peu de projets éoliens. »
C. Sivy : « Le département de la Haute-Loire, malgré sa très bonne ressource en vent, n'est pas un territoire adapté. Malheureusement, très peu de projets seront réalisables, que ce soit pour des raisons paysagères, naturalistes ou militaires. Plus généralement sur les énergies renouvelables, un effort a été fait sur l'hydraulique, mais reste encore à faire sur le solaire. En revanche, le peu de parcs qu'il sera possible de faire devront donc l'être. Le département devra faire sa part, sans quoi il sera difficile de répondre à la demande croissante. »
« Le département devra faire sa part. »