C'est devant le congrès national de l'Association des maires ruraux de France (AMRF) que Laurent Wauquiez a fait cette annonce fracassante, applaudie par l'assemblée des édiles présents ce jour à l'Alpe d'Huez, en Isère.
« S'il ne respecte pas la loi, j'espère qu'effectivement il y aura des sanctions », Olivier Véran
Une décision qui fait couler de l'encre, mais qui a également fait réagir, jusqu'en haut lieu : « S’il ne respecte pas la loi, j’espère qu’effectivement, il y aura des sanctions », a déclaré le porte-parole du gouvernement Olivier Véran sur BFMTV, avant d'ajouter que le président de Région « aspire demain peut-être à être président de la République et qui vous dit "je ne vais pas respecter la loi parce qu'elle ne me plait pas. » « Formidable ! » a-t-il enfin ironisé.
« Un dispositif ruralicide » ?
Dans son discours, Laurent Wauquiez fustige le dispositif ZAN de « ruralicide ». Il souligne que « mettre sous cloche les décisions des permis de construire sur la ruralité, cela signifie qu’on s’interdit toute forme d’avenir (…) J’ai décidé que la région se retirait du processus. On le fait en lien avec les départements avec lesquels on a échangé dessus. »
Réelle intervention ou simple moyen de pression ?
« Il tente de mettre un coup de pied dans la fourmilière », Bernard Souvignet
« Quand on dit que Laurent Wauquiez se positionne contre la loi avec ses déclarations, moi je pense plutôt qu'il lance l'alerte, qu'il tente de donner un coup de pied dans la fourmilière » explique le président de l'AMF43, rappelant que le président de la Région a jusqu'en 2024 pour prendre une décision définitive et mettre au point son Sraddet (Schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire).
« Je pense que ce qu'il a voulu faire, c'est mettre en garde le gouvernement et dire que cette loi est mal appliquée, mal expliquée et réalisée sans suffisamment de consultations des élus locaux » ajoute le représentant des maires de Haute-Loire.
« Le séparatisme, c'est lui ! »
Les groupes écologistes de la région, du Sénat et de l'Assemblée se sont, eux, exprimés dans un communiqué de presse et dénoncent sur X (anciennement twitter) : « Le séparatisme, c'est lui ! »
Le document, co-signé de plusieurs sénateurs et députés de la région, stipule notamment : « La deuxième région de France et ses élu.es locaux ne peuvent se soustraire à la loi. Nous appelons le gouvernement et la Préfète de Région à réagir fermement pour empêcher les volontés séparatistes et "écocidaires" de Laurent Wauquiez. »
« L'objectif du ZAN a déjà connu de nombreux assouplissements. Y renoncer, ce n'est pas rendre service à ses habitant.es qui ont besoin de continuer à vivre sur une planète habitable avec une alimentation locale et accessible, des écosystèmes protégés, un climat supportable, une saine qualité de l'air, des espaces naturels protégés. »
Interrogé par Zoomdici, Renaud Daumas, conseiller régional du groupe écologiste Aura précise que au-delà du fond, ce qui lui « paraît fou, c'est la méthode. Pour quelqu'un qui parle toujours de droit et de devoir Républicain. »
« Nous sommes conscients que la loi doit encore évoluer », Renaud Daumas
Il tempère en revanche : « Nous avons pris conscience de la situation et du fait que la loi doit encore évoluer. Elle est d'ailleurs toujours en cours d'écriture. »
Puis il ajoute : « Peut-être qu'il faudra accorder plus de marge de manœuvre aux territoires ruraux, leur donner un peu plus de temps. Il faut réfléchir à ce genre d'adaptations, la loi ne peut pas être appliquée de la même manière à Lyon qu'à Retournac. »
Des adaptations, surtout
Des adaptations, c'est ce que demandent les maires. Le président du comité de Haute-Loire de l'Association des maires de France confirme cette position et apporte son soutien à Laurent Wauquiez.
« Il ne faut pas que cette loi soit une machine à broyer les élus locaux. Si elle s'applique en l'état, il faut s'attendre à la mort de nos communes, surtout les plus rurales » souligne-t-il.
Il concède cependant la nécessité d'une telle loi et de l'économie des terrains ou encore du développement des énergies renouvelables : « Je pense que sur la base, tous les élus sont d'accord sur le fait qu'un effort doit être fait. »
Une crise du logement inévitable ?
Interrogés par Zoomdici, Bernard Souvignet et Laurent Duplomb mettent en garde les élus et les citoyens : « Je pense que la population n'a pas du tout conscience des conséquences de cette loi » lance le premier, avant de préciser : « La suppression de terrains constructibles, la zéro artificialisation pour les communes rurales aggravera le problème du vieillissement de la population. Les jeunes qui venaient jusqu'à présent chercher des terrains pour construire leur maison avec de l'espace autour ne pourront plus le faire. Ils resteront donc dans des appartements, dans les communes plus importantes qui ont d'autres avantages.»
Le sénateur prévient, lui : « En plus de la loi sur les logements énergivores, ce dispositif va mener à une crise du logement énorme. Les gens qui vivent dans ce type de logements ne pourront plus le faire, ils n'auront pas les moyens de les rénover et nous n'aurons pas la capacité territoriale de construire de nouvelles habitations. »
Des institutions étrangement muettes
Étrangement, malgré de nombreuses sollicitations, les différentes institutions restent silencieuses face à nos questions. Tant la Préfecture de Région que celle de Haute-Loire et même la présidence du Département nous ont exprimé leur volonté de ne pas s'exprimer sur le sujet. Pourtant, Laurent Wauquiez soutenait que ses propos étaient tenus après consultation des autorités départementales.
Ce sujet est-il si nébuleux pour que tant d'institutions se ferment à la presse ?