"La Surprise du Chef" des enseignants-artistes du Conservatoire du Puy
La caravane du Tour, une Issoire d'amour
Nous avons pu vivre l'étape Vulcania-Issoire au cœur de la caravane du Tour de France (Invité par Krys). Populaire, intense, insensée, les qualificatifs ne manquent pas pour décrire cette aventure, hors du commun.
Que serait le Tour de France sans sa caravane ? C'est d'ailleurs la seule course cycliste du monde où pareille entreprise existe. 150 véhicules publicitaires, s'étendant sur plus de 10 kilomètres d'un cortège de musique, de cadeaux et de chars.
600 personnes qui s'emploient à mettre en avant leur enseigne, mais aussi à entretenir une relation toute particulière avec le public au bord des routes. Une joyeuse bande, qui en apparence ne pense qu'à faire la fête, partager des sourires et des coucous. En réalité, tout est parfaitement réglé, astucieusement ou militairement selon l'œil qui observe.
Une organisation carrée
Déjà pour les 600 caravaniers, c'est levé à six heures le matin de l'étape. En l'occurrence, au camping d'Issoire, pour cette étape qui relie Vulcania à l'abbaye Saint-Austremoine. Ensuite, après un rapide petit-déjeuner, c'est rendez-vous à Pontgibaud, pour l'arrière-salle. Car une telle machinerie ne se prépare pas à la va-vite. Il faut trouver un camp de base, le Parking Technique de la Caravane, comme il est fléché un peu partout. Douze kilomètres avant le départ réel de l'étape, et donc de la caravane, à Vulcania. Là, il faut astiquer les chars, pour qu'ils soient beaux comme neufs. Après déjà une semaine de course, il y en a des paquets géants de cafés à nettoyer, des paniers en osiers à récurer. L'objectif au fond, c'est de donner une belle image de la marque qu'on représente, ne l'oublions pas.
Une fois l'attractivité visuelle restaurée, il faut penser au merchandising. Les différentes équipes chargent dans leurs véhicules de parade les cadeaux ou goodies qui vont être lancés tout au long de l'étape jusqu'à Issoire. Casquettes, bobs, drapeaux, prospectus, petits cadeaux, boissons sans oublier...l'inévitable saucisson.
"Prends plusieurs bouteilles d'eau, va aux toilettes, et c'est parti"
Ensuite, il faut penser à soi. Pour relier Issoire, la météo annonce des températures proches des 40 degrés. Avec un soleil de plomb. Il faut alors se crémer abondamment, s'arroser, s'hydrater. Dans moins de deux heures, ils vont être perchés, en haut d'un toit de véhicule ou d'un char, attachés par des harnais de sécurité, exposés au soleil, que leur véhicule roule à 70 kilomètres par heure (le maximum), ou à 30 (le minimum). "Prends plusieurs bouteilles d'eau, va aux toilettes, et c'est parti", précise un organisateur.
Ceux qui ne se sont pas bien préparés vont le payer cher, le soleil a fait durement parler de lui, ce 11 juillet. En cas de malaises, des voitures de médecins sillonnent et passent entre les 150 véhicules de la caravane.
Une bande d'amis, plutôt festifs !
Puis, il est l'heure de se rapprocher un petit peu du grand départ. Quelques kilomètres jusqu'à Saint-Ours les Roches, pour se rassembler et se mettre en ordre de marche. Chaque véhicule à sa place, chaque marque à son rang.
Après l'ordre des enseignes, un char se place du côté gauche de la route et le suivant à droite, en quinconce, histoire de ne manquer aucun spectateur. Une dernière étape donc, vers 10 heures du matin, avant le grand départ. On prend le temps de boire un café, d'échanger avec les autres caravaniers. Dernière étape avant de se lancer. Le volume de la musique augmente et la plupart des caravaniers se rassemblent et dansent, frénétiquement. On pourrait croire un club de sport, mais non. Il faut se mettre dans l'ambiance, rigoler. "On s'éclate, et ça sert aussi d'échauffement", précise Marie, de l'équipe Tourtel.
Pompiers, gendarmes et l'ensemble de ceux qui participent au protocole n'hésitent pas à se joindre à cette valse enivrante (c'était plus du Sardou). C'est souvent la passion qui pousse ces caravaniers à rejoindre l'aventure. Stéphane, chauffeur Krys raconte : "Je suis venu pour le vélo. C'est ma passion, je suis dans un club de cyclisme vers chez moi. Et là, c'est le rêve pour ceux qui aiment le cyclisme". Pour d'autres, "c'est le côté festif qui m'a donné envie de venir faire la caravane".
Les Auvergnats, au rendez-vous
Cette fois, ils sont prêts. Précédant le peloton de deux heures, ils vont réaliser l'étape de 167,2 kilomètres entre Vulcania et Issoire, comme toutes les étapes du Tour pendant trois semaines. Les sonos montent le volume, les animateurs dansent, les lanceurs de cadeaux sont prêts à répéter le même geste des milliers de fois. Car oui, ils sont des milliers.
Dès le départ à Vulcania, ils sont déjà nombreux. Tout au long de la journée, l'affluence ne faiblira pas. Que ce soit dans les bourgs du Mont-Dore, de La Bourboule, de Besse ou de Perrier, ou dans le Cézallier, dans les plaines et les forêts. Ils étaient des centaines à La Godivelle (le village compte 16 habitants), venant de la maison du coin ou de Nouvelle-Zélande. Ils ont 2,5,7,20,35,50,75,90 ans, ils crient tous au passage du char, demande des bobs, font des grands signes, dansent, chantent, dans un tourbillon ininterrompu de visages et de sons. Pendant près de six heures, la caravane va se déplacer à travers l'Auvergne, comme une discothèque géante filante.
La caravane, plus populaire que le sport
Et là tout change. Oui, l'argent domine tout. Oui, il faut donner une bonne image. "On ne doit pas trop nous voir manger ou boire, on se cache. Ne parlons même pas de fumer", explique Stéphane, qui conduit un char. Pourtant, ils ne manquent ni d'eau, ni de sacs de nourritures pour se sustenter. Mais voilà, la souffrance, l'attente, les trois semaines à 200 %, ne pèsent plus très lourd au premier sourire d'un enfant.
Il est impossible et impensable de dénombrer les supporters tout au long de la route. Mais les proportions font perdre la tête. Grâce à cette caravane, à la gratuité d'accès aussi à un événement sportif et au fait qu'il passe dans les territoires. Mais ce n'est pas le sportif qui fait une telle image au Tour. "Certains viennent que pour la caravane, et partent ensuite, on nous le dit vraiment !" explique Stéphane. De nombreux messages sur la route en effet ne soutiennent ni Pogacar ni Vingegaard ou un coureur français. Les panneaux défilent, "Merci la caravane, Vive la caravane, Visez ici pour les cadeaux.."
Le long de la route vers Issoire, des milliers de familles se sont rassemblées, on porte les plus jeunes dans les bras, tandis que les plus vieux s'agitent pour demander un bob, Cochonou la plupart du temps qui reste indétrônable. Les enfants sont partout, pendant les trois semaines du Tour, la caravane distribuera 10 millions de cadeaux au cours des trois semaines. 10 millions de produits merchandisings, 10 millions de sourires.
Vos commentaires
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2 commentaires
Merci va pour votre humour. Dans un premier temps cet article m'avait atterré. Comment ,on en est encore là, ce consumérisme stupide fait encore recette ? Je suis trop premier degré parfois...
C’est une part essentielle de la magie qui fait l’essence de la Grande boucle mais dont on connaît mal les rouages ! Merci pour ce superbe reportage qui nous montre ses coulisses !