Sonia Lamouroux enfile ses ailes d'ange

Par CSe , Mise à jour le 25/11/2023 à 12:00

Alors que se tenait le 15 octobre la journée nationale de sensibilisation au deuil périnatal, Zoomdici est parti à la rencontre de Sonia Lamouroux, « maman ange » et présidente de l'association « Les ailes d'anges 43 ». Elle inaugure ce samedi 25 novembre son tout dernier projet : un espace de recueillement pour les familles touchées par le deuil périnatal. Portrait.

Le 13 mai 2011, Sonia Lamouroux, alors enceinte et déjà maman de deux enfants apprends que sa fille Fanny est touchée, avant même sa naissance, par une maladie handicapante, voir paralysante. 

« On s'attendait à tout, sauf à ça. »

Alors qu'elle porte son bébé depuis déjà plusieurs mois, Sonia tombe des nues. « Je me rappelle très précisément de ce moment. C'était un vendredi, à 17 heures. J'avais rendez-vous pour mon échographie du 7e mois et là, on m'a annoncé qu'il y avait un problème. On s'attendait à tout sauf à ça. »

Alors redirigée vers un spécialiste, Sonia doit attendre le lundi qui suit pour connaitre le sort du nourrisson. Une attente qui pour elle restera un traumatisme : « Aujourd'hui encore, je ne prends jamais de rendez-vous médicaux les vendredis soir. » Et ce ne sera pas le seul traumatisme qu'elle connaitra. 

« À ce moment, tout s'écroule. »

Sonia se souvient : « À la fin de l'entretien avec le spécialiste, on apprends que Fanny est atteinte de Spina bifida. À ce moment, tout s'écroule. »

Cette pathologie est une malformation survenant lors de la grossesse, généralement visible sur la colonne vertébrale du bébé et entrainant la plupart du temps d'importantes séquelles, notamment neurologiques, et une paralysie des membres inférieurs. 

Alors, les deux parents sont confrontés à un choix qui changera leur vie pour toujours.

La difficulté du choix

Dans le cas d'une de la découverte d'une maladie chez le nourisson, et si sa naissance ne met pas en danger la maman, le choix est donné aux famille de garder ou non le bébé. Le cas échéant, on appelle cette intervention l'interruption médicale de grossesse. Dans le cas de Sonia, Fanny avait seulement 5 % de chances de survie. 

« On ne m'a donné que dix jours pour prendre cette décision. Et durant ces dix jours, on rencontre des médecins, des psychologues, qui doivent nous aider dans notre prise de décision. Heureusement pour nous, tous étaient d'accord entre eux, ce qui nous a fortement aidé. Mais cette période, quelqu'en soit la durée, parait à la fois longue et très courte. »

En accord avec son mari, ils prennent alors tous les deux la décision de ne pas garder l'enfant. C'est donc en juin que Sonia accouche de Fanny, son troisième enfant.

« On se prépare à donner la vie, pas la mort. »

« Durant 7 mois, on se prépare à donner la vie, pas la mort. C'est toujours un traumatisme, quelque soit le contexte. » Dans cette épreuve, Sonia est accompagnée par son mari, et son « frère de coeur » mais à l'hôpital, malgré les bons conseils qu'elle reçoit, Sonia se sent seule, mal accompagnée. 

Face à la douleur, et alors qu'elle avait été rejetée par l'Église pour son acte, la maman se tourne vers une autre croyance : « J'ai beaucoup travaillé sur moi. Je me suis tournée vers la méditation et des croyances beaucoup plus spirituelles et tournées vers le bien-être intérieur. » 

En effet, elle estime qu'il est important, dans de telles situations, de se rattacher à une croyance, « quelle qu'elle soit. »

Le regret de ne pas l'avoir prise dans les bras

Malgré tout, Sonia affirme qu'elle ne regrette qu'une seule chose : ne pas l'avoir prise dans les bras. « À cause de sa malformation, je n'ai pas accepté de la prendre dans mes bras après l'accouchement. J'avais peur de lui faire mal étrangement. » C'est plusieurs années plus tard, alors que la famille changeait Fanny de caveau, que Sonia a eu l'occasion de la porter. 

« On avait prévu quelqu'un pour la changer de caveau, mais à l'instant T, je lui ai dit "Non, c'est moi qui fait". C'est inexplicable. Je voulais le faire » se rappelle-t-elle.

« L'envie de créer quelque chose, de se rendre utile. »

Après avoir vécu cette épreuve, et pour que les autres parents dans cette situation le vivent mieux qu'elle, Sonia a choisi en 2014 de créer l'association Les Ailes d'Ange 43. Depuis, Sonia Lamouroux a parcouru du chemin et enfile quotidiennement ses ailes d'ange pour accompagner les parents endeuillés dans leur propre cheminement. 

Elle propose ainsi des accompagnements personnalisés et des groupes de parole. « Il est important pour les familles de savoir et de se rendre compte qu'elles ne sont ni les premières ni les dernières (En France, 7 à 8 000 familles sont concernées, Ndlr). Qu'elles ne sont pas seules. Car malgré tout, même si nos proches son présents, on se dit toujours que ceux qui ne l'ont pas vécu ne peuvent pas comprendre ce que l'on vit. »

« Après une fausse couche tardive, un deuil périnatal, tout ce qui nous vient à l'esprit, c'est la question "pourquoi ?", explique-t-elle avant de poursuivre, mon rôle est aussi d'expliquer qu'en dehors de maladies génétiques, on n'a généralement aucune réponse » précise-t-elle.

Démonter les tabous

Parmi les objectifs de Sonia, démonter les tabous figure dans le haut de la liste. Au cours de son cheminement, elle, comme beaucoup des familles, elle s'est trouvée confrontée à beaucoup de maladresses, certainement dues au tabou qui tourne autour du deuil périnatal.

« Il y a déjà un tabou autour de la mort, alors autour de celle d'un bébé, c'est encore plus marqué » décrit la co-présidente de l'association avant de poursuivre : « "Il y a plus grave", "Il n'était pas viable", "Vous en aurez un autre", etc. Certaines personnes, y compris dans le monde médical, ont des paroles très difficiles à entendre quand on est endeuillés. »

« Un traumatisme qui peut être très grave. »

Pour Sonia, il est important d'accompagner les familles dans leur cheminement, après ce traumatisme dont les conséquences peuvent être variées mais parfois très graves. « Souvent, le deuil périnatal crée d'importantes tensions dans le couple, en raison de désaccords, ou parfois d'incompréhension entre les deux partenaires. Mais le plus grave est que parfois, en raison d'un déni par exemple, le traumatisme peut entrainer des comportements dangereux. Il est déjà arrivé par exemple que des parents ne veuillent pas faire de cérémonie et tentent de cacher le corps de l'enfant. »

Depuis 10 ans, l'accompagnatrice est confrontée à des témoignages parfois difficiles : « Ma mission, et j'y tiens, c'est de ne jamais juger, de toujours rester dans la bienveillance. »

Une reconversion pour aller encore plus loin

Suite à des problèmes de santé, Sonia a entamé une reconversion professionnelle radicale. Alors qu'elle était commerciale dans la grande distribution, elle a choisi de s'orienter vers quelque chose qu'elle connaissait déjà : l'accompagnement des familles endeuillées, mais cette fois, dès leur passage à l'hôpital. 

« L'idée est de renforcer l'équipe médicale, qui n'exerce pas toujours dans les conditions adéquates pour accompagner les familles au mieux. Je pourrais ainsi apporter cela, et de manière adaptée grâce à mon vécu. »

« Un lieu de recueillement pour ceux qui n'ont pas eu ma chance. »

Aujourd'hui, Sonia inaugure un projet sur lequel elle travaille en partenariat avec la mairie du Puy depuis plusieurs années : un espace de recueillement. « Malheureusement, j'ai des familles qui, par erreur médicale, n'ont pas pu récupérer les cendres de l'enfant. C'est pourquoi nous avons eu cette idée. »

En effet, elle tenait à accorder aux familles qu'elle accompagne, la possibilité de se recueillir, « pour ceux qui n'ont pas eu ma chance. »

Elle conclut d'ailleurs : « Aujourd'hui, je laisse partir ma Fanny. Mais je sais qu'elle est avec moi au quotidien, qu'elle m'accompagne et qu'elle met les bonnes personnes sur mon chemin. »

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