Polignac : pour espérer voir le bout du tunnel

Par Nicolas Defay , Mise à jour le 29/08/2023 à 06:00

Dans un petit coin de paradis sur les coteaux de Polignac, trois propriétaires se battent depuis de nombreuses années pour accéder normalement à leurs maisons. L’unique passage pour ces riverains de la voie ferrée est l’aqueduc de la SNCF qui mesure seulement 2,02 mètres de large pour 40 mètres de long.

Le chemin de Rosine, à Polignac, se termine par une belle arche en pierre, porte d’un étroit tunnel (aqueduc) tout de calades vêtu. Ce dernier a été bâti au XIXème siècle en même temps que la voie ferroviaire qui traverse le département entre Brioude et le Puy-en-Velay.

« Il mesure deux mètres de large, rappelle Mauricette Schnetterle, propriétaire d’une des trois maisons situées derrière le chemin de fer. Le sol est parsemé de pierres sur toute sa longueur. Mes deux voisins et moi-même sommes obligés de passer par là pour rejoindre notre domicile ».

Cette dame aux 82 printemps déplore alors : « J’ai une Twingo. Même avec une si petite voiture, je suis obligée de rétracter les deux rétroviseurs pour traverser. Depuis un an, je me suis résignée à stationner avant le tunnel car je frottais à chaque fois les murs, malgré tout ».

La construction de cette voie ferrée a débuté en 1835 et s’est achevée en 1874. « Quant à nos maisons, elles ont toutes été construites bien avant, en 1800 », Mauricette Schnetterle.

L'accès sous la voie de chemin de fer est situé dans l'ombre à gauche.
L'accès sous la voie de chemin de fer est situé dans l'ombre à gauche. Photo par Nicolas Defay

82 ans et 140 mètres à parcourir à pied

Mauricette Schnetterle doit alors remonter à pied les 40 mètres du tunnel et parcourir ensuite la centaine de mètres qui sépare la sortie de l’ouvrage à sa maison. Ses voisins sont confrontés à ce même problème...de taille.

« J’ai une Mégane break et je me risque encore à passer, déclare Jean Ferreira. Je dois néanmoins rentrer les rétros. Et c’est vrai qu’ils comportent toutefois des marques de frottement ». Si la largeur est très réduite, les pavés n’arrangent pas l’opération. « Ils provoquent du ballant et empêchent tous gestes précis », complète Christian Haustete.

Des calades constituent le sol de l'aqueduc appartenant à la SNCF.
Des calades constituent le sol de l'aqueduc appartenant à la SNCF. Photo par Nicolas Defay

Concernant cet aspect du problème, la commune de Polignac leur avait proposé, via un courrier datant du 4 août 2023, de recouvrir les calades de goudron pour rendre plus fluide la circulation dans l’aqueduc. « C’est n’importe quoi ! », s’insurgent-ils d’une même voix. Mauricette Schnetterle de rajouter : « D’une part, cela ne réglera pas la largeur du tunnel. Et d’autre part, il semble improbable que la SNCF donne son autorisation pour toucher à son édifice ! ».

La rédaction de Zoomdici a joint la mairie de Polignac lundi 21 août par téléphone. Le maire Jean-Paul Vigouroux n’a pas souhaité communiquer sur le sujet

« À part nous faire peur, je ne vois pas l’objectif »

Deux autres possibilités ont également été ajoutées par la municipalité. La première est la création d’un chemin à l’emplacement de l’ancien chemin rural ou à travers des biens de section. Coût de l’opération pour la commune et les trois habitants ? 400 000 euros. « Comment peut-on proposer ce genre de solution sachant que c’est impossible financièrement ?, pose Christian Haustete. À part nous faire peur, je vois pas l’objectif ».

La seconde serait un accès par un chemin privé utilisé par trois autres propriétaires voisins. Mais cela nécessite un accord de circulation de tous et l’ouverture de droits de passage. « Cette solution est très bancale, se désole Mauricette Schnetterle. Car s’il y a un changement de propriétaires, tout peut être remis en jeu ».

« Quand les livreurs viennent nous déposer un objet, comme une machine à laver par exemple, ils ne s’aventurent pas dans le tunnel avec leur véhicule. Ils stationnent avant l’aqueduc. Pareil pour les artisans ». Mauricette Schnetterle

La Twingo noire de Mauricette Schnetterle, garée avant l'entrée du tunnel.
La Twingo noire de Mauricette Schnetterle, garée avant l'entrée du tunnel. Photo par Nicolas Defay

Un accès restreint pour les forces de secours

D’après un courrier de Mauricette Schnetterle, elle et les deux autres plaignants ont toqué à la porte des conseils municipaux successifs de Polignac plus de vingt ans durant. Sans effet.

Dans l’une des missives envoyée à la mairie en septembre 2017, elle décrit une scène tragique arrivée à son mari aujourd’hui décédé. Ce dernier, cardiaque à l’époque, a été victime d’une chute dans les escaliers de leur habitation.

« Dans l’impossibilité d’accéder à notre domicile, les secours ont été obligés d’immobiliser leurs véhicules sur la voie publique, écrit-elle. Ils se sont trouvés dans l’obligation d’entreprendre, à pied, plusieurs allers et retours de la route à mon domicile afin d’acheminer tout le matériel de secours ». Elle continue : « La progression sur civière de mon époux a pris presque 45 minutes. La durée de cette intervention lui a causé des séquelles et n’a fait qu’aggraver son étant de santé ».

D'après le site de légifrance, l'article 4 du 18 août 1986 indique que :

Les voies d'accès sont définies comme suit :

  • A. - Voie utilisable par les engins des services de secours et de lutte contre l'incendie (voie engins). La voie engins est une voie dont la chaussée répond aux caractéristiques suivantes quel que soit le sens de la circulation suivant lequel elle est abordée à partir de la voie publique : Largeur : 3 mètres, bandes réservées au stationnement exclues
    • Hauteur libre autorisant le passage d'un véhicule de 3,30 mètres de hauteur majorée d'une marge de sécurité de 0,20 mètre.
  • B. - Voie utilisable pour la mise en station des échelles (voies échelles). La " voie échelles " est une partie de la " voie engins " dont les caractéristiques sont complétées et modifiées comme suit : La longueur minimale est de 10 mètres. La largeur, bandes réservées au stationnement exclues, est portée à 4 mètres.

"La loi ne peut être appliquée sur des constructions antérieures à la loi"

Mais, comme le rappelle la mairie de Polignac dans un courrier d'octobre 2017 destinée à Mauricette Schnetterle, "le Conseil d'Etat en 1948 a érigé le principe de non-rétroactivité des actes administratifs en principe général du droit. Une décision administrative ne peut entrer en vigueur qu'à compter de sa date de publication. Donc la loi ne peut être appliquée sur des constructions antérieures à la loi (....) La construction de votre habitation étant antérieure à la création de l'article R111-5 du code de l'urbanisme n'oblige en rien la commune à intervenir à ce sujet". 

« Il existe une quatrième option »

Les trois propriétaires balaient unanimement les trois solutions municipales. « Mais il existe une quatrième option, termine Christian Haustete. La SNCF, lors de la construction de son réseau ferré, prévoyait toujours un chemin de terre en bordure du chemin de fer pour fournir les rails, les traverses et tous les matériaux nécessaires. Ce chemin existe toujours. En l’aménageant correctement, nous pourrions alors le greffer à une voie accessible ».

« Le chemin historique, situé en amont de la partie rétablie, n’appartient pas à SNCF RESEAU mais à la Commune de Polignac. Le problème soulevé par les riverains est un problème de sécurité publique qui ne relève pas du périmètre de responsabilité de SNCF Réseau ». SNCF

« Ces maisons étaient alors desservies par un chemin d’exploitation raccordé au nord sur le chemin de Polignac aux Estreys »

Zoomdici a joint l'entreprise ferroviaire qui apparait bien consciente du problème. Mais elle, la balle et la volonté de faire quelque chose sont dans le camps de la municipalité. « En 1874 (date d’ouverture de ligne St Georges d’Aurac – St Etienne), il n’existait pas de chemin reliant directement la route des Estreys aux maisons des riverains, précise la société de transport. Ces maisons étaient alors desservies par un chemin d’exploitation raccordé au nord sur le chemin de Polignac aux Estreys ».

En rouge, l'aqueduc. En noir, les 3 maisons. En jaune, l'ancien chemin pré-réseau SNCF.
En rouge, l'aqueduc. En noir, les 3 maisons. En jaune, l'ancien chemin pré-réseau SNCF. Photo par SNCF

Elle continue : « Lors de l’établissement de la ligne ferroviaire, la partie de ce chemin située sous l’emprise de la voie ferrée a été rétablie par la compagnie sur son propre domaine (en vert du l'image cadastrale). La problématique d’enclavement a donc été prise en compte et traitée lors de la construction de la ligne. L’ouvrage dont nous sommes propriétaires n’est pas un tunnel mais un aqueduc, dont le rôle est d’assurer les écoulements hydrauliques sous le remblai ferroviaire. Il n’est pas adapté aux circulations automobiles du fait de sa longueur et de son étroitesse ».

La commune de Polignac, seule clé pour mettre fin au problème

La SNCF termine ainsi : « Par ailleurs, le tronçon du chemin rétabli par la compagnie lors de la construction de la ligne dispose d’un gabarit suffisant pour la circulation des véhicules actuels. Seul ce tronçon rétabli est situé sur les emprises SNCF Réseau

« Le chemin historique (en jaune sur l'image cadastrale), situé en amont de la partie rétablie, n’appartient pas à SNCF RESEAU mais à la Commune de Polignac. Le problème soulevé par les riverains est un problème de sécurité publique qui ne relève pas du périmètre de responsabilité de SNCF Réseau ».

Les dimensions de l'ouvrage n'invitent pas à s'y aventurer en voiture.
Les dimensions de l'ouvrage n'invitent pas à s'y aventurer en voiture. Photo par Nicolas Defay

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