Madama, la mobilisation continue sur fond d'inquiétude mais aussi d'espoir

Par T.Ch , Mise à jour le 21/02/2021 à 06:00

Le marché du samedi 20 février a été l’occasion pour le groupe de soutien à Madama et RESF 43 de démontrer que la mobilisation reste forte et qu’elle est populaire. Le repas partagé ensuite autour de la fontaine du Breuil a été pour nous, l’occasion de rencontrer plusieurs de ces jeunes mineurs qui se projettent eux-aussi dans la situation de Madama. Du parler-vrai.

Ce samedi, il y avait à nouveau un peu d'espoir chez les militants en faveur de Madama. Espoir dans la révision de sa décision par la préfecture qui a convoqué à nouveau le jeune homme jeudi 25 février pour un nouvel entretien. Il y avait aussi beaucoup d'inquiétude dans le regard des jeunes mineurs qui étaient venus se rassembler en nombre, mais sans bruit autour de la fontaine du Breuil pour un repas partagé.

Cette mobilisation feutrée tranchait un peu avec la surveillance rapprochée d'agents de police mobilisés pour l'occasion alors que dans le même temps, quatre ou cinq attroupements de dizaines de personnes s'aggloméraient sans inquiétude devant des bars improvisés autour de la place du plot.

Action en musique sur le marché, ce samedi 20 février

Véronique de Marconnay et d'autres ont parcouru les allées du marché pour faire signer une pétition de soutien au jeune Malien qu'elle héberge avec son compagnon depuis plus de deux ans. Devenu majeur celui-ci se voit opposer une Obligation de quitter la France (OQTF) que beaucoup considèrent comme injuste car il peut justifier d'un travail et d'une intégration. "Il n'y a pas d'animosité des gens envers notre action, au pire un peu d'indifférence chez certains, ou parfois de la discussion pour essayer de comprendre pourquoi on fait ça, mais en général, le regard des passants est plutôt bienveillant sur notre action. Beaucoup signent pour marquer leur soutien à Madama, c'est ce qu'on retient d'abord".

Véronique de Marconnay et eric Durupt, famille d'accueil de madama Photo par Th Chabanon

Cette mobilisation a aussi été soulignée en musique par un collectif de quatre ou cinq groupes de musiciens de la Haute-Loire qui ont improvisé ensemble un concert spontané sur la place du Clauzel. "Ils ont joué de la musique, euh, je ne sais pas comment dire, moi,... de la Haute-Loire", nous explique cette jeune femme qui avoue que n'étant pas originaire du pays, elle ne sait pas trop en quoi cela consiste. "Mais c'était vraiment sympa en tous cas. Les musiciens se sont retrouvés là sans s'être concertés dans une sorte de mouvement spontané, c'est ça qu'il faudra écrire".

35 000 soutiens, objectif dépassé

La pétition de soutien adressée au président Macron souhaitait recueillir au moins 35 000 signatures. L’objectif a été atteint en fin d’après-midi de ce samedi. Il y a 35 051 soutiens, bien plus que la population du Puy-en-Velay. Il faut dire que l'affaire devient d’intérêt national.

A l'écart, sur la place du Breuil, un groupe d'une trentaine de jeunes mineurs se sert autour de la fontaine.

Ils sont venus, eux-aussi, pour marquer leur soutien au jeune homme menacé d'expulsion. Ils sont jeunes, ils sont pour la plupart masqués, ils sont affables et polis et ils n'ont pas les yeux rivés sur leur téléphone portable. Peu à peu, il en arrive d'autres, chacun checke les poings de petits groupes déjà constitués. Ils sont heureux de se retrouver pour partager un moment ensemble et aussi peut-être parce qu'ils se sentent pour une fois un moins peu invisibles quand on leur demande de s'aligner pour poser pour des photos de presse, des photos souvenirs d'une époque. Ils montrent du bonheur mais, on sent qu'il y a au fond, de l'inquiétude dans les regards.

Content de poser pour ne plus être invisbles Photo par Th Chabanon

Une inquiétude dans le regard

Nous chercherons à nous la faire expliquer. Certains sont heureux de s'exprimer dans un Français qui, pour chacun, est excellent, bien qu’ils soient originaires de pays, certes sous ancienne domination française, mais où ils ont appris une autre langue maternelle. Ils n'arrivent pas à se projeter dans dix ans.

L'exemple de ce qui arrive à Madama leur dit que ce sera, peut-être, aussi ce qui va se passer pour eux.

Que peut-être dans un, deux ou trois ans, c'est leur propre vie et leurs projets qui seront potentiellement remis en question. "Pourtant, on fait beaucoup d'efforts, des efforts pour travailler et pour apprendre, des efforts pour parler le Français et pour progresser à l'école, On fait le maximum d'efforts pour s'intégrer", dit celui-ci. Je n'invente pas, je ne rajoute pas un mot. Ces formules construites, ce sont les siennes. Il est pourtant ici depuis moins de deux ans. Nous l'avons choisi au hasard. 
En insistant un peu, lui et son compagnon, qui vient du même pays, la Guinée-Conakry, finissent par raconter une histoire qui est un peu la même. Ils ne sont pas partis ensemble. "Quand tu pars, tu le fais seul. Tu ne le dis à personne, pas même à ta famille. Tu pars c'est tout. Ensuite, le chemin est long, il est dangereux. Tu n'as pas d'argent donc il faut que tu travailles. Parfois tu croises d'autres gars comme toi. Ils ont choisi de prendre un autre chemin. Tu arrives quelque part, tu es exploité. Tu travailles dans la construction ou dans les champs ou n'importe quoi. C'est dur, c'est dangereux. Et puis tu montes sur un zodiac en plastique. On est 80 dessus. Tu ne sais pas combien de temps ça va durer, ni si tu ne vas pas te noyer. Après, ça recommence. Il faut travailler, c'est très dur. Ici, on est en sécurité pour le moment, on a un projet, personne ne souhaite être renvoyé, ce serait trop injuste." Il continue : "le chemin qu'on a parcouru a été très long et très dangereux. Avec l'exemple de Madama, on se rend compte que tout ça peut être remis en question en une seconde. Chez nous, c'était impossible de survivre, on ne pouvait pas rester".

Et puis aussi la pétanque

Le geste est encore gauche à la pétanque Photo par Th Chabanon

Un peu à l'écart, des jeunes soutiens français ont amené un jeu de boules et lancent une partie de pétanque. Au début, il n'y en a qu'un pour jouer avec eux. Vingt minutes plus tard, la sauce a pris. Ils sont une dizaine à s'intéresser au jeu et ça rigole bien. On lance : "Et bien, voilà de futurs partenaires pour les anciens qui voient leurs rangs fondre de jour en jour... Jouer à la pétanque sur le Breuil, c'est déjà un signe d'intégration non?" "C'est sûr !" répond celui qui a amené le jeu en ramenant le bouchon jeté trop loin tout en tentant d'expliquer cette règle de la distance que personne n'a jamais comprise.

Jouer sur le breuil à la pétanque Photo par Th Chabanon

Les boules sont jetées, le jeu est serré. Il ne reste plus qu'une boule quand le dernier à jouer décide de tirer "à la raspaille" et embarque le bouchon. La décision de la partie vient de changer du tout au tout et il faut recompter les points.

T.C.

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