Le majestueux appel de la forêt

Il est 19h30 et la nuit commence à s’emparer doucement du ciel de Langeac, parsemant déjà ici ou là quelques timides étoiles. Sur la terre, une cinquantaine de personnes chuchote entre eux. Ils avancent lentement dans les sous-bois d’Arlet, menés par Hugues Giraud, technicien à la fédération de chasse de la Haute-Loire. Tout autour, les criquets, les grillons et d’innombrables cousins musiciens s’en donnent à cœur joie pour accompagner leur progression.

Si certains visiteurs lèvent leur téléphone bien haut, enregistreur aux aguets, d’autres restent immobiles, regard fiché dans les recoins d’ombre de la forêt d’Arlet. L’ensemble de ces chasseurs d’émotions se tiennent cois, prêts à se faire surprendre par cette voix d’outre-tombe qui hante actuellement tous les bois de France et d’ailleurs. Le brame du cerf.

Les sombres vocalises ci-dessous ont été enregistrées la veille et lors de la Nuit du brame à Arlet par Hugues Giraud ▼

Il arrive parfois que deux cerfs meurent de fatigue, leur bois emmêlés lors d’une bataille, vidés d’énergie pour se dégager. Durant la période des amours, les cervidés mâles se dépensent tellement qu’ils peuvent perdre jusqu’à 20 % de leur poids

Parfois blessé à mort

Le brame du cerf est à la fois un cri d’amour pour attirer les femelles et un cri d’intimidation pour les mâles à proximité. Quand deux prétendants s’affrontent, le chant d’amour se transforme alors en véritables chocs de guerre, les heurts assourdissants des bois contre bois, jusqu’à ce que le vaincu se résigne et quitte le territoire, parfois blessé à mort.

Une journée. C’est la durée de la fertilité de la biche. Les mâles ne disposent ainsi qu’un temps très bref pour s’accoupler

« Nous n'attendions pas autant de personnes sur place »

Organisée par l’Observatoire Cerf Massif Central, la Nuit du Brame invite à s’immerger dans un concert de basse unique qui se déroule de la mi-septembre au début octobre. « Nous n'attendions pas autant de personnes sur place, se félicite Hugues Giraud. C'était un public de tout âge, provenant de la Haute-Loire et même de la Loire ».

Si l'animal est resté invisible, attendant l'obscurité pour narguer les visiteurs, son chant a hanté le territoire d'Arlet. « Les mâles se sont fait attendre un peu et ne se sont manifestés qu'à la nuit tombée, précise Hugues Giraud. Si nous n'en avons pas pu en observer, nous avons tous assisté à leur magnifique brame ! »

« L’écouter tout seul dans le noir d’une forêt, le brame pourrait faire sacrément peur. Mais c’est si beau aussi »

« C’est dans ces moments-là qu’on se rappelle que la forêt ne nous appartient pas »

« C’est un truc qui va me rester à vie, partage l’un des participants à Arlet. C’est tellement étrange d’entendre ça en pleine forêt, la nuit. C’est très puissant et on se sent tout petit dans la pénombre ».

Il ajoute : « L’écouter tout seul dans le noir d’une forêt, le brame pourrait faire sacrément peur. Mais c’est si beau aussi. C’est dans ces moments-là qu’on se rappelle que la forêt ne nous appartient pas, que la nature est pour tous, humains et animaux ».

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