Déraillement d'un train entre Saint-Étienne et Le Puy
De Tchernobyl à l’invasion russe : itinéraires croisés entre Vals et l’Ukraine
VIDEO. Anastasia, habitante de Boutcha, connaît bien la ville de Vals-près-le-Puy. Enfant, c’est à l’air pur du Velay qu’elle passait ses étés, loin de sa région natale de Tchernobyl et de ses émissions radioactives. C’est aujourd’hui en tant que réfugiée de guerre qu’elle revient dans la cité altiligérienne, dix ans après son dernier séjour, accompagnée de sa fille et de deux concitoyennes ukrainiennes déracinées.
Anastasia, jeune Ukrainienne de 20 ans, ne pensait pas retrouver sa « deuxième famille de cœur » dans des circonstances aussi dramatiques.
C’est en 2007 qu’elle découvre pour la première fois le bassin ponot à l’occasion d’un séjour thérapeutique dans la ville de Vals près Le Puy. Enfant de la région de Tchernobyl, elle vient alors chercher en Velay une atmosphère plus saine que les effluves toxiques qui s’échappent de l’ancienne centrale soviétique. Elle reviendra régulièrement, les étés, dans cette petite banlieue ponote. Elle y apprendra le Français à l’école Saint-Louis, y rencontrera des amis et y trouvera une « seconde famille d’adoption » chez son hôte Bernadette.
Dix ans ont passé depuis le dernier séjour d’Anastasia. Mais en ce mois de février 2022, lorsque Bernadette découvre avec stupéfaction l’entrée des troupes russes en Ukraine, elle n’hésite pas à proposer son toit à son ancienne pensionnaire ukrainienne. Anastasia vit alors dans la ville de Boutcha, dans la région de Kiev, avec son mari et sa petite fille Kira. L’arrivée brutale de la guerre, et les bombardements de l’aviation russe, jettent cette petite famille sur les routes de l’exil.
« Un soldat tchétchène m’a déshabillée puis m’a caressée de force »
Débute alors un long chemin de croix avec comme objectif Vals-près-le-Puy. Réfugiée dans un premier temps dans un petit village au nord de Kiev, Anastasia croise sur sa route les combattants du dictateur Ramzan Kadyrov. C’est à notre journaliste qu’elle confiera avoir subi humiliations et attouchements par l’un de ces mercenaires tchétchènes.
Dans sa fuite vers la liberté, elle rencontre deux autres jeunes mères esseulées : Anna et son fils Timour et Victoria et son fils Kiril. Bernadette s’active alors, depuis Vals, pour trouver un logement à ces nouveaux réfugiés. C’est en contactant la mairie qu’elle entre en contact avec Béatrice, une voisine, toute disposée à accueillir ces exilés de guerre.
« Nous sommes partis sous les bombes, nos enfants dans les bras… »
Se poursuit alors la course infernale en direction de la Pologne toute proche. Sous les bombes russes, en suivant un couloir humanitaire d’évacuation de civils, les jeunes femmes et leurs enfants atteignent la frontière puis sont conduits jusqu’à Berlin par un volontaire polonais. De là, grâce aux dispositions de l’Union européenne, elles rejoignent gratuitement en train la ville de Lyon puis leur terminus du Puy-en-Velay.
« Les enfants m’appellent Babouchka – Baba – Grand-mère »
C’est désormais dans le cocon apaisé des familles de Bernadette et Béatrice que ces jeunes mères et leurs enfants doivent apprendre à se reconstruire. Loin des bombes, des armes et de la guerre, le moindre bruit suspect continue pourtant de troubler le sommeil de ces exilés traumatisés par leur départ forcé.
Béatrice, « la nouvelle Babouchka » de ces petits, s’efforce de leur rendre la vie aussi douce que possible. « On ne parle peut-être pas la même langue mais on communique par la nourriture ! ». Des effluves s’échappent en effet de la cuisine toute proche. L’horloge tourne et l’heure du repas s’approche. C’est le moment de dresser la table avec, comme depuis trois courtes semaines, quatre couverts de plus. Un nouveau moment de partage et d’humanité qui lie désormais Vals et Tchernobyl face à la belliqueuse tragédie qui se joue aux frontières de l’Europe.
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