J'ai testé pour vous : une immersion dans une eau à 4 degrés
Benoit Maguin, coutelier dans l'âme
À 50 ans, Benoit Maguin est un artisan et un artiste comblé. Ebéniste et armurier de formation, c'est dans la coutellerie d'art et dans la fabrication de couteaux artisanaux qu'il excelle désormais. Il vient d'ouvrir sa boutique au Puy, après s'être fait un nom et avoir imposé son style dans le petit monde des initiés. Rencontre avec un coutelier dans l'âme.
Il a le verbe haut, le caractère aiguisé et la poignée de main franche. Une tignasse à la Voulzy et une barbe de vieux sage. Porte des "lunettes de prof " qui lui donnent l'air sérieux. Sa petite boutique de la rue Raphaël, devant les vitrines de laquelle de nombreux passants s'arrêtent est tout à son image : authentique et originale. Le genre qui mérite qu'on y entre.
Formé chez les meilleurs
Benoit est issu d'une longue dynastie d'artisans stéphanois : les Maguin, arquebusiers puis armuriers de père en fils depuis le XVI siècle, dans le quartier du Furan. Après avoir obtenu un premier CAP d'ébéniste, tradition familiale oblige, il décide de poursuivre sa formation à "Benoit Fourneyron", lycée stéphanois qui possède en son sein la seule école d'armurerie française, l'une des plus réputées en Europe.
Autant vous dire que les places y sont chères. À " Fourneyron", on sélectionne sur dossier et sur entretien. Mais Benoit a de la personnalité. De la compétence. Du savoir-faire et puis un nom : Maguin. Une référence dans le petit monde des armuriers stéphanois. Son dossier est retenu : il intègre la prestigieuse école. Travaille le métal et le bois. Fabrique ou répare des armes. Ajuste, assemble, règle, polit et soigne ses finitions. Puis se lasse : "Les gestes étaient trop répétitifs, tout était très standardisé, j'en avais assez de devoir mettre ma créativité en veille."
"J'avais acquis la précision du geste et j'étais un artiste dans l'âme."
Un formateur de l'école finit par repérer l'artiste et lui propose un jour de fabriquer un couteau dans un coin de l'atelier. Une révélation pour Benoit qui décide d'en faire son métier : "C'était le bon compromis. J'avais acquis à l'école la précision du geste et le savoir faire des armuriers et j'étais un artiste dans l'âme, prêt à donner libre cours à mon imagination en créant des petits bijoux bien aiguisés. Je savais également travailler le bois, il me manquait juste une expérience dans la forge".
Il termine donc son cursus à Fourneyron, puis s'en va se former en coutellerie-forgerie, du côté de Tournon-sur-Rhône, chez Jean-Jacques Astier, un artiste, comme lui. À ses côtés, il apprend à dompter la matière en fusion, à l'attiser avec son propre feu intérieur, à insuffler de sa personnalité dans l'acier pour en créer des pièces uniques. Des couteaux qui portent sa marque.
Tournon-sur-Rhône, c'est déjà un peu le Sud. Mais pas assez encore, aux yeux de Benoit. Agé de trente ans, il décide de suivre sa compagne pour s'installer en Corse. Pari réussi.
"C'est là que j'ai vraiment fait mes armes."
La Corse. Terre de traditions et de ... couteaux : " Là-bas, précise-t-il, il y a une vraie culture du couteau. C'est un super marché pour les couteliers. Chaque touriste qui visite l'île repart avec son saucisson, son huile d'olive et son couteau de berger. C'est là que j'ai vraiment fait mes armes en tant que coutelier. Des couteaux de bergers, j'ai du en faire un bon millier à l'époque. Ça partait comme des petits-pains. Une vraie opportunité pour un coutelier qui voulait se faire la main."
"J'avais besoin de souffler"
Mais le "pays" commence à lui manquer. Au bout de quatre ans, Benoit, dont la famille avait une petite maison au pied du château de Chalencon, décide de s'installer en Haute-Loire, du côté de Vergezac et d'ouvrir une boutique - atelier, place du Marché-Couvert au Puy, avec Philippe Jourget, un autre virtuose de l'acier. L'expérience dure deux ans, jusqu'à l'arrivée des ses enfants.
Horaires à rallonge et responsabilités de chef d'entreprise sont difficilement compatibles avec la vie de jeune papa : "J'avais besoin de souffler." Il met entre parenthèse sa vie de coutelier pour faire valoir auprès de Pierre-Yves Rochette, qui vient d'ouvrir une armurerie à Sansac-l'Église, sa formation d'armurier. C'est le début d'une nouvelle vie, plus confortable, avec des heures et un salaire fixe. Et plus de couteau. Son matériel d'avant prend la poussière dans l'atelier de Vergezac.
Une référence pour les initiés qui a désormais pignon sur rue au Puy
Le Vellave de Benoit Maguin
Il s'agit d'un petit couteau artisanal "néo - régional" élaboré il y a 16 ans. Repliable et à cran forcé, il se veut simple et fonctionnel " à l'image des habitants du Velay" qui devraient tous l'avoir plié dans leur poche. Il est entièrement démontable et personnalisable. Le best-seller de Benoit Maguin.
Au bout de huit ans de salariat, et un peu en avance (il a 45 ans), la crise de la cinquantaine s'empare de lui. Benoit a peur de regretter un jour d'avoir laissé son art de côté. Ça le ronge. Il décide de s'y remettre. À son compte. Mais les temps ont changé : "On ne me connaissait plus dans ce milieu, après ma pause de huit ans." Il doit se refaire un nom. Travailler d'arrache pied. Parcourir les salons spécialisés, se mettre à la vente en ligne et imposer son style : son petit couteau, "le Vellave", désormais connu de tous les initiés et qui s'arrache sur les salons.
"Je trouvais dommage qu'il n'y ait plus de vraie coutellerie au Puy"
À cinquante ans, c'est un homme comblé. Sa petite entreprise ne connait pas la crise. Il vient de se lancer un nouveau défi, l'ouverture d'une boutique, rue Raphaël au Puy : "Je trouvais dommage qu'il n'y ait plus de vraie coutellerie au Puy, et puis j'avais envie de m'ouvrir un autre marché, plus large que celui des seuls initiés." Ses premières impressions sont plutôt bonnes : "Cette rue est très touristique et très fréquentée depuis que la Mairie a décidé de la spécialiser en rue des arts et des artisans. Je vends beaucoup de couteaux aux touristes, aux randonneurs et à certains restaurateurs. Et puis mon service de gravure sur lame et d'affûtage marche plutôt bien également."
De la noblesse et puis du style
Benoit ne travaille qu'avec des matériaux nobles. Il le revendique : "Ici, on cherche à mettre en valeur les belles matières". Ses manches de couteau sont en ivoire de mammouth ou de phacochère, sculptés dans les bois les plus nobles, loupe d'amboine, cocobolo, ébène. En matière de lames, l'artisan avoue avoir un faible pour l'acier Damas et ses motifs arabisants : "C'est un acier composé de plusieurs couches qu'on forge ensemble. Grâce à toutes ces couches, vous avez au final une lame hyper résistante et qui va durer dans le temps. Un Damas c'est un couteau qu'on garde toute sa vie." Un concentré d'art, de savoir-faire, de patience et de passion.
Vos commentaires
Se connecter ou s'inscrire pour poster un commentaire