Un film de Franck Dubosc en avant-première au Ciné Dyke du Puy
"Lames en Table " à Saint-Vidal : un salon des plus aiguisés
Organisé par des professionnels implantés depuis plusieurs années dans le petit monde des artisans couteliers et par quelques amateurs de lames et de manches bien travaillés, le deuxième salon du couteau d'art et de tradition s'est tenu ce samedi 24 juin, sous le regard de la forteresse de saint-Vidal. L'occasion d'en savoir un peu plus sur les métiers de la coutellerie mais aussi de rencontrer quelques personnalités au caractère aiguisé et bien trempé...comme l'acier.
"A midi, on en est déjà à 200 entrées. C'est pas mal pour un petit salon, qui fête à peine sa deuxième année d'existence. L'hôtel d'à côté est complet et certains visiteurs ont même dormi dans leur voiture, devant la porte, pour pouvoir entrer les premiers et ne pas manquer le couteau de leurs rêves ".
Avec ses favoris qui lui mangent le visage, ses cheveux décoiffés et un anneau d'argent à chaque oreille, Mickael Moing a de faux airs de corsaire breton. Mais Mickael n'est pirate, ni breton. Avec son vieux pote, Benoit Maguin, bâti comme un viking à la barbe bien fournie, c'est l'un des seuls artisans couteliers à exercer en Haute-Loire.
Nom de code : cultelluphiliste
Leur nom ne vous dira peut être rien, mais ces deux forts en gueule sont pourtant bien connus dans le petit monde des cultelluphilistes, les amateurs de couteaux. Du haut d'une longue amitié, construite pour l'essentiel sur leur passion commune des lames et des manches et désireux de mettre en avant un savoir-faire et un art qui remontent à la nuit des temps, ils ont décidé, en 2022, de créer, à l'ombre de la forteresse de Saint-Vidal, un salon dédié tout entier à la coutellerie : " Lames en Table ". Forts en gueule, vous disait-on !
"La coutellerie c'est aussi une science de l'élégance"
Coutelier, un métier à cheval entre l'art et l'artisanat
"J'ai toujours eu un couteau dans la poche, mais je ne me destinais pas forcément à devenir coutelier", poursuit Mickael. Avant d'ajouter : "J'ai fait des études dans le domaine agricole, travaillé quelques années chez un agriculteur en Bretagne, puis je suis revenu en Haute-Loire pour y tenir un gite sur le chemin de Compostelle, du côté de Saint-Privat-d'Allier. En 1992, j'ai acheté une revue sur les couteaux et j'ai eu envie de fabriquer les miens."
"Dans mon atelier, qui ressemble à la grotte du Seigneur des Anneaux, je transforme la matière"
Il explique : "A l'époque c'était galère : il n'y avait pas encore internet. J'allais prendre conseil auprès de quelques vieux couteliers amateurs et je travaillais sur la chaudière à bois de mon père. Et ça m'a plus vraiment lâché, j'ai vingt ans de pratique aujourd'hui et j'ai trouvé ma marque. La coutellerie c'est de l'artisanat, certes, mais c'est aussi une science de l'élégance ! Dans mon atelier, qui ressemble à la grotte du Seigneur des Anneaux, je transforme la matière pour créer un outil qui soit harmonieux, c'est à dire utile et raffiné à la fois".
Des pièces nobles sélectionnées avec amour
Acier, bois précieux, ambre, corne ou métal (et bouse séchée), les couteliers se servent de matériaux bruts mais nobles et sélectionnés avec soin pour confectionner ces petits chefs d'œuvre de précision qui flattent la vue et le toucher.
" Le fondateur des forges Laguiole a fait part à mon père de sa difficulté à s'approvisionner en corne pour réaliser les manches de ses célèbre couteaux ". Pome Castanier, Directrice de Mercorne
L'alliance de la mer et de la corne
Pome Castanier, est la Directrice de l'Entreprise Mercorne, située à Langogne, l'un des leaders sur le marché français des matériaux précieux à destination des entreprises du Luxe. Son regard pétille, derrière ses lunettes de créateur, fabriquées rien que pour elle par l'un de ses clients, lunetier parisien.
C'est elle qui fournit la majorité des couteliers professionnels désireux d'habiller le manche de leurs couteaux. L'histoire de son entreprise mérite d'être connue : "Mon père, Pierre Castanier, était instituteur coopérant en Afrique. Au début des années 1990, à l'occasion d'une partie de golf qu'il faisait avec le fondateur des forges de Laguiole, ce dernier lui a fait part de sa difficulté à s'approvisionner en corne pour réaliser les manches de ses célèbres couteaux".
Le métier d'enseignant pouvant être parfois usant, Pierre décide de s'associer avec son frère, qui travaille dans le transport maritime, pour créer la SARL Mercorne (mot valise formé à partir de mer et de corne) et importer des cornes de zébu. L'affaire démarre sur les chapeaux de roue et la société élargit son offre en proposant aujourd'hui une gamme infinie de matériaux qui fait le bonheur des couteliers.
"Je m'inspire beaucoup de la coutellerie traditionnelle française et anglaise". Mathieu Herrero, coutelier dans le Cantal
Des couteaux fidèles à la tradition
Mathieu Herrero, ancien luthier, s'est tourné vers la coutellerie pour pouvoir travailler d'autres matériaux que le seul bois. C'est un passionné de coutellerie traditionnelle. Sa formation initiale et son expérience en lutherie l'ont naturellement conduit vers une recherche du travail "à l'ancienne".
Les couteaux qu'il expose au salon, ont un manche en ivoire de mammouth incrusté de garnitures en argent : "Je m'inspire beaucoup de la coutellerie traditionnelle française et anglaise du XVIIe siècle, c'est ce qui fait ma renommée sur le marché du couteau", nous précise-t-il. Certaines de ses plus belles pièces peuvent atteindre les 4 000 euros sur le marché.
"J'ai voulu briser tous les codes, désacraliser l'objet voire même le déviriliser un petit peu". Nicolas Couderc, meilleur ouvrier de France
"Le monde de la coutellerie est hyper conservateur"
Nicolas Couderc, quant à lui, a reçu la distinction de coutelier Meilleur Ouvrier de France en 2019. Ce jeune trentenaire, à l'esprit ouvert, passionné de peinture, de graffiti et de cinéma, a passé deux années sur les bancs de la Fac à Toulouse, histoire de s'initier aux arts plastiques et aux arts appliqués avant d'oser franchir le pas.
Un parcours original et audacieux, dont ses couteaux portent la trace : utilisation de matériaux atypiques pour la réalisation de ses manches (circuit imprimé, fibre de verre, plastique et porcelaine), design épuré et graphique, univers décalé. "Le monde de la coutellerie est hyper conservateur, s'apitoie-t-il. Un couteau en fait, c'est juste un manche et une lame, on tourne autour du pot tout le temps. A un moment, ça peut devenir un peu lourd. Du coup, en ce qui me concerne, j'ai voulu briser tous les codes, désacraliser l'objet voir même le déviriliser un petit peu". Sur l'un des manches de ses couteaux, Nicolas a gravé une licorne rose fluo.
Des passionnés venus de toute la France et au-delà
Les trois parkings qui entourent la forteresse de Saint-Vidal sont déjà pleins en ce samedi matin. Les voitures sont immatriculées d'un peu partout en France. Certaines à l'étranger. A croire que la coutellerie compte de nombreux aficionados. Aux dires de Mickael Moing, "il y a de nombreux collectionneurs, qui marchent à l'adrénaline et sont prêts à traverser la France pour trouver la perle rare". Les plus belles pièces du salon avaient déjà été vendues une heure seulement après l'ouverture.
"J'ai trouvé ce que je voulais, mais ma femme m'a freiné"
Patrick vient de Firminy. Il travaille chez " Blaise Frères", le fabricant de lames d'escrime haut de gamme : "Je suis venu pour compléter ma collection de couteaux pliants à ouverture particulière. J'ai trouvé ce que je voulais, mais ma femme m'a freiné". Il ne repartira qu'avec un seul couteau. Sans doute un peu frustré.
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