"Nous avions entendu parler du projet d'un méthaniseur sur la commune de Chalus. En réalité, ce serait sur le village de Gignat, juste en face. Nous nous sommes renseignés et on a rapidement eu des inquiétudes, notamment sur ce projet précis, nous avons donc crée une association", explique Michaël Lacherez, co-président de l'association Bien vivre en Lembronnais.
Un projet en contradiction avec un arrêté préfectoral
Qu'est-ce qu'un méthaniseur ?
La méthanisation est un processus naturel biologique de dégradation de la matière organique animale ou végétale, grâce à l'action de micro-organismes. Ce phénomène naturel peut être mis en œuvre volontairement dans des méthaniseurs. Ces derniers produisent deux sortes de composants : du biogaz, appelé biométhane, qui permet de remplacer le gaz traditionnel. Le digestat, un résidu organique qu'on peut séparer entre liquide et solide. Le liquide peut être utilisé comme engrais et le solide peut être appliqué sur le sol pour en améliorer les qualités physiques.
Depuis cette date, l'opposition au projet grandit. Une lettre de l'association, envoyée au préfet du Puy-de-Dôme, Philippe Chopin a été envoyée sur le sujet. Le collectif rappelle les raisons de son opposition. La principale se situe au niveau de la ressource en eau. "La qualité de l'eau dans le Lembron est, depuis plusieurs années, un enjeu préoccupant qui fait donc l'objet d'un traitement spécial par l'ARS et l'Agence de l'Eau", débute l'argumentaire de la lettre. Bien vivre en Lembronnais met ici en avant, un arrêté préfectoral prit le 6 décembre 2011 par la Direction départementale des territoires (DDT) qui vise à protéger le captage en eau du Broc.
"Le projet de méthaniseur se situe sur un site protégé par rapport au captage d'eau du Broc, qui alimente plus de 16 000 personnes, notamment la ville d'Issoire en cas de sécheresse. C'est l'un des quatre sites prioritaires du département, parce que c'est un site très pollué par rapport au nitrate et aux produits phytosanitaires", explique Michaël Lacherez. Dans la lettre au préfet, l'association joint des extraits de l'arrêté préfectoral de 2011 prouvant le caractère protégé des communes du bassin du Lembron : "L'aire d'alimentation du champ captant du Broc, comprend pour tout ou partie des communes d'Antoingt, Bergonne, Le-Breuil-sur-Couze, le Broc, Chalus, Dauzat-sur-Vodable, Gignat, Mareugheol, Saint-Germain-Lembron, Solignat, Ternant-les-Eaux, Villeneuve et Vodable". Methagri Bio Energie a de son côté, annoncé la création de bassins de rétentions d'eaux et des mesures de sécurité. Là encore, le collectif contre-attaque en mettant en avant des exemples de fuites sur des méthaniseurs ou d'erreurs entrainant la pollution des eaux, comme un incident sur une cuve de digestat, le 17 août 2020, à Châteaulin (Finistère). "Si il y a un soucis, la moindre erreur, c'est un captage d'eau capital qui sera contaminé", précise Michaël.
Un méthaniseur avec sa cuve de digestat.
Photo par Creative Commons
La question des véhicules
Autre inquiétude sur le projet, la multiplication du trafic. Le projet annonce une fréquentation du futur méthaniseur de plus de 3 000 engins par an. Chaque engin, conformément à la loi devra d'ailleurs être lavé, à l'eau potable, à chaque sortie du lieu, pour empêcher la propagation de certaines maladies, comme la salmonelle. Le projet devrait se situer au croisement de trois axes, la D720, la D909 et la D48.
Une étude a été menée par le bureau d'étude Solagro en octobre 2022. Ce dernier prévoit une augmentation maximale de 2,6% de poids lourds sur le secteur. "Bizarrement, il n'y a aucun chiffre sur l'augmentation du trafic de la D720, devant Gigant, alors que ce sera la section la plus empruntée. Dans le projet, ils parlent eux-mêmes de 3 000 véhicules, pour nous l'étude de Solagro n'est pas sérieuse, elle est orientée", réagit Michaël Lacherez.
Bien vivre en Lembronnais annonce de son côté, une augmentation du trafic des poids lourds de près de 30% sur la D720, "où le croisement est déjà difficile", avance la lettre au préfet. Baisse du tourisme, risques de collisions dans un virage déjà difficile, bruits des camions etc... de nombreux problèmes périphériques liés à la circulation sont alors mis en avant. "Le méthaniseur va être situé à 250 mètres des premières habitations, sur une route surplombant le village de Gignat. En manipulant 50 tonnes par jour, il ne faut pas faire croire que cela n'aura aucun désagrément", résume le co-président de l'association.
L'association émet des doutes sur l'efficacité du méthaniseur
"Ils vendent du gaz propre, un recyclage des déchets, sauf qu'aujourd'hui, ces derniers sont déjà valorisés par l'agriculteur traditionnel. Le méthaniseur est officiellement, un moyen de limiter l'effet de serre, mais cela est débattu dans la communauté scientifique. Au final, le bilan carbone d'une telle installation n'est pas très bon. Mais pour les statistiques, la France pourra avancer sa production de gaz bio", avance Michaël Lacherez. L'association critique également la pertinence d'installer ce méthaniseur à cet endroit dans sa lettre au préfet. "Comment accepter la proximité aberrante d'une centrale de méthanisation d'une commune rurale paisible qui de plus est bordée par des centaines d'hectares de terres agricoles, alors qu’il existe non loin des Z.A / Z.I destinées à concentrer les nuisances tout en étant raccordées à de nombreux réseaux (Gaz compris)".
La manifestation devant la sous-préfecture du 8 décembre 2022.
Photo par Facebook Bien vivre en Lembronnais
Et la démocratie ?
Loin de constituer une frange de la population hostile au projet, l'association Bien vivre en Lembronnais semble plutôt soutenue par les élus alentours. La mairie de Chalus a annoncé son opposition au projet, le conseil municipal de Gignat a voté contre majoritairement, même chose pour Saint-Germain-Lembron, Mareugheol, Le Breuil et Ternant-les-Eaux. Une pétition en opposition a été signée par 500 personnes, Bien vivre en Lembronnais a d'ailleurs organisé des manifestations statiques devant la sous-préfecture et une manifestation dans Issoire, samedi dernier. Un vote citoyen, a rejeté le méthaniseur à 90 % contre. Mais le projet est situé sur un terrain privé, donc le permis de construire déposé en mars a toutes les raisons d'aboutir à l'heure actuelle. Ce dernier a un délai de cinq mois pour être étudié, ensuite ...
