La date du 22 mai reste gravée dans la mémoire des habitants de Lamothe. Un dramatique accident a eu lieu ce matin-là, entre une voiture et un homme à vélo. Le cycliste, âgé de 79 ans, a chuté et est décédé sur le coup, malgré les tentatives de réanimation des secours. Mais les causes restaient inconnues. Au lendemain des faits, les gendarmes communiquent aux médias un possible malaise du cycliste avant l'accident. Après l'accident, le parquet du Puy-en-Velay a demandé des analyses complémentaires à l’institut médico-légal de Clermont-Ferrand pour confirmer, ou non, un malaise avant le choc. Le doute est émis sur l'origine de sa mort.
Le rappel des faits par la juge
Lors de l'audience, avant d'interroger le prévenu, la juge rappelle toujours les faits et les circonstances pour que les juges, la procureure et le greffier puisse reconstituer la scène. Ce 22 mai 2022, tombe la Méridienne, une course de vélo organisée chaque année à Brioude. Par chance, il y a donc des témoins près de l'accident, notamment le Vice-président du club et son fils qui ont pu constater l'état préoccupant de la victime. " J'ai compris tout de suite que c'était très grave", pouvait-on lire dans le témoignage. "Il avait encore son casque sur la tête, mais la selle était détachée et s'était projetée sur la route, il ne bougeait plus". À l'arrivée des gendarmes, la scène n'est pas belle à voir. Ils constatent en effet un homme, allongé sur le bas coté, le vélo encastré sous la roue du véhicule. L'homme est en arrêt cardio-respiratoire. Malgré les tentatives de réanimations, le médecin du Samu déclare finalement le décès du cycliste. Sur place, secours, gendarmes, témoins ainsi que le Maire de la petite commune de 800 habitants qui reconnaît la victime.
Retraité de 79 ans, il habitait à Lamothe depuis de nombreuses années. " C'était un habitant de longue date, il était là depuis plus de 50 ans, je crois, je le connaissais bien" explique Alain Jarlier, le maire de la commune. Il était connu bien dans le secteur pour son implication au sein de structures sportives, notamment au sein du club de rugby du Sporting Club brivadois ou encore pour la création de la section rugby au lycée agricole de Bonnefont. "C'était quelqu'un qui marchait beaucoup, il venait juste de se remettre au vélo" .
"Qu'est-ce qui s'est véritablement passé ?"
La procureure s'interroge. Car oui, la question se pose. Est-ce dû à un malaise cardiaque ? Ou une faute de la part du conducteur ? Lors des interrogatoires du conducteur, il y explique avoir voulu aller promener son chien, comme habituellement, et avoir pris la route depuis son domicile à Brioude. Sur sa route, il raconte alors avoir vu le cycliste, après un virage, faire des écarts sur la route devant lui et zigzaguer sur la chaussée. Voyant les écarts du cycliste, il ralentit alors de 60 à 50 km/h, sur la RD16 dans le sens Lamothe- Auzon. Le voyant se rabattre sur la droite, sur le délaissé, il entame donc un dépassement. Mais durant la manœuvre, le vélo se serait finalement rabattu au dernier moment devant lui, ne pouvant pas éviter le choc. "J'ai voulu faire la manœuvre la plus sécurisante possible, j'avais ralenti, je n'ai pas compris comment j'ai pu le heurter", exprime avec émotion le conducteur de 82 ans, qui semble encore choqué de l'accident.
Des regrets d'un homme hanté
Le prévenu à la barre était un homme aux traits tirés. Un homme, âgé de 82 ans, qui a travaillé au Ministère et à la sous préfecture de Brioude. S'il n'a pas été blessé sur les lieux, il se disait très inquiet et choqué de l'accident et demandait régulièrement des nouvelles aux pompiers sur place. Devant les juges, la voix quelque peu tremblante, on pouvait distinguer sa peine et ses lourds regrets. "Je revois la scène tous les jours", évoque l'octogénaire quand la juge lui demande s'il se souvient de l'accident. "C'est un peu flou maintenant, car tout s'est passé très vite, mais j'y pense tout le temps". Un véritable traumatisme évoqué par son avocat. "Sa vie n'est plus la même, il ne s'en remettra véritablement jamais".
L'autopsie révèle la triste vérité
Alors le cycliste a-t-il était victime d'un malaise cardiaque qui a provoqué sa chute sur la voiture ? Et bien selon l'autopsie, non. L'homme serait en fait décédé à la suite d'un polytraumatisme, une rupture de la moelle épinière, des liaisons abrasives, et de multiples fractures aux cotes. Selon la reconstitution de la scène, la roue aurait percuté le capot avant droit, puis le dos et la tête du cycliste ont à leur tour heurté, violemment, le capot et provoqué ces blessures, puis sa mort. Le constat est clair : la mort est bien due à une erreur d'inattention et à la mauvaise conduite du conducteur, qui ne serait pas assez déporté pour dépasser le cycliste.
Quelques centimètres auraient pu tout changer
Au vu des conclusions de l'autopsie, la juge demande s'il reconnaît sa faute. "Vous admettez avoir commis une faute de conduite ce jour-là ?", "Je ne me suis pas assez déporté, c'est sûr, j'aurai dû le faire davantage, ça, c'est évident". Une réponse sincère qui semble convaincre la juge, lui rappelant tout même la distance obligatoire d'un mètre cinquante hors agglomération. Ce qui a aussi pu jouer ce jour-là, c'est que l'homme ne connaissait pas vraiment le gabarit de son nouveau véhicule. Un Suzuki, 4x4, qu'il venait d'acheter deux semaines auparavant, qui a été saisi depuis l'accident. Alors depuis ce tragique jour, l'ancien fonctionnaire jure ne plus avoir pris le volant. "Je ne conduis plus depuis ce jour, la conduite, c'est terminé pour moi".
La juge est reconnaissante de la franchise du conducteur, qui semble véritablement culpabiliser de ses actes ce jour-là. "Vous êtes l'exemple de l'honnête homme par excellence. Je vous crois quand vous me dites que vous ne conduisez plus". En effet, son parcours semble exemplaire, rien au casier judiciaire, marié, père, et même grand-père et étant connu pour être un homme droit dans son travail.
La procureure aussi, devant un homme qui semble hanté par cette tragédie, semble compatissante. "Comme beaucoup d'homicide involontaire, ce sont des accidents du quotidien, qui arrivent malheureusement trop souvent sur nos routes, notamment en Haute-Loire."
Une route très accidentogène
Contacté, le Département n'a, pour l'heure, pas réagi au propos du maire de la commune.
Pour le maire de la commune, ce n'est pas la première fois que cela arrive. "On dit qu'il faut attendre un mort pour que les choses changent, pourtant, il n'y a toujours rien de fait et il y a un mort tous les ans". Maire depuis 2023, il a connu trois accidents avec des vélos sur cette parcelle de route. Alors, il a déjà fait la demande auprès du Département pour créer une piste cyclable sur la RD16. Malgré ses sollicitations, le Département lui expliquerait que la route n'est pas assez empruntée, avec moins de 1 000 voitures par jour y circulant, loin des 2000 voitures nécessaires pour envisager une piste cyclable. "J'aimerais vraiment que le Département fasse quelque chose, il n'y pas eu de mort cette année, et je touche du bois, mais si on continue à ne rien faire, ça continuera".
Au vu de la situation et du comportement à la barre du prévenu, elle a donc requis une peine, plus d'avertissement que de sanction, en requérant 10 mois de prison avec sursis simple et une annulation du permis de conduire. Le parquet a décidé d'être légèrement plus clément et l'a condamné à huit mois avec sursis simple, une annulation du permis et l'interdiction de le repasser pendant un an. Il est aussi condamné à verser 400 euros d'amende pour les deux infractions dont il était accusé, soit le dépassement d'un usager sans respecter les distances de sécurité et la non maitrise de sa vitesse. Pour les dommages et intérêts à la compagne de la victime, l'audience sur intérêt civile a été portée au 22 novembre 2023.