« Moi, je suis encore peut-être jeune, mais je suis sur la pente descendante. Méline, c’est toute la vie qui l’attendait devant elle quand elle a reçu la greffe en 2021. Donc, bien entendu que je n’ai eu aucune hésitation à donner une partie de moi-même. Faire en sorte que sa fille vive, le plus longtemps possible, le mieux possible. N’importe quel parent ferait cela sans réfléchir ».
Il n’est pas bavard. Il reste droit. Solide. Mais quand il souffle ces quelques mots, Maxime Mathieu baisse le regard ou l’accroche quelque part, dans ses souvenirs ou un coin du salon. Peut-être pour garder consistance et ne rien laisser paraître. Pourtant, il est aisé de voir cette espèce de lueur brillante qui enrobe ses pupilles, ce voile humide, fragile. Celui qui se pose juste avant les larmes.
Elle, elle est bavarde. À la fois sombre et pétillante. À la fois solide et diaphane comme un courant d'air. Quand Méline parle de tous les chemins de traverse qu'elle a dû emprunter pour arriver en vie aujourd'hui, elle soutient le regard. Elle emploie des mots que seul un médecin comprendrait. Elle emploie aussi des phrases belles, toutes simples, de celles qui font serrer les dents et qui imposent un silence.
« La contamination de mon organisme par la bactérie E. Coli »
Maxime et Méline. Papa et fille. Deux vies, une histoire. « À l'âge d'un an et demi, j'ai été victime d'un SHU qui signifie Syndrome Hémolytique et Urémique, partage Méline Mathieu. La cause de ce mal est la contamination de mon organisme par la bactérie E. Coli. »
Elle continue doucement : « On ne sait pas précisément quel aliment m'a empoisonné, mais cela a eu comme conséquence la destruction fonctionnelle de mes reins. Jusqu'à mes trois ans, j'ai donc été mise en dialyse. Et c'est à cet-âge là que j'ai subi ma première greffe de rein ».
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Retour à la case départ
L'année 2008. Le donneur est anonyme. Pendant une dizaine d'année, tout se passe bien. Et rien ne préfigure le retour d'un cauchemar. « Et puis en 2018, j'ai commencé à avoir des signes étranges indiquant probablement le rejet du greffon, confie Méline. Pas de véritables douleurs. Mais des œdèmes, des jambes lourdes et anormalement gonflées ». Le diagnostic tombe. Le SHU est revenu. Retour à la case départ.
12 heures par semaine branchée à des machines
En 2020, l'état de santé de Méline se dégrade. Il faut rapidement trouver un autre rein. En attendant, les dialyses à l’hôpital Emile-Roux ponctuent son existence. Des séances de 4 heures, trois fois par semaine.
« J'ai 15 ans à cette époque, rappelle-t-elle. J'étais sur mon année de première au lycée Lafayette à Brioude. Finalement, je ne loupais qu'une heure de cours le lundi après-midi, le reste des séances de dialyse étant le mercredi et le samedi ».
« Je voulais tellement vivre comme les autres. »
Huit mois. Huit mois de dialyse. Huit mois d'attente, de fatigue, d'espoir et de désillusion. « J'ai honte de dire ça maintenant, mais je regardais souvent les faits divers pour savoir s'il y avait eu des morts sur la route, des accidents de ski, des drames qui auraient pu me sauver, moi, livre Méline. Je sais, c'est étrange de penser ça. Mais j'ai traversé des instants dévastateurs. Je voulais tellement vivre comme les autres, comme mes amis et ma famille ».
« On espère tellement être greffé à tout moment. Ces instants sont baignés de haut et de bas, d'espoir et de désespoir. Notre état physique est malmené, mais notre moral encore plus ». Méline Mathieu
« Jamais je n'ai eu une seconde de regret. »
Et c'est là qu'entre en scène le père de l'adolescente. « Mes deux parents se sont positionnés pour me donner l'un de leur rein, sourit Méline. Ma maman n'était pas compatible à cause d'un problème HLA (cellules qui permettent l'identification par le système immunitaire, Ndlr). Mon papa, par contre, l'était à 100 % ! »
Analyses biologiques. Échographie du cœur, des dents, du greffon. Passage devant l'ARS (Agence Régional de Santé) et le Tribunal judiciaire pour bien certifier un volontariat total et éclairé du donneur, des risques et des conséquences. Maxime franchit toutes les étapes au rythme des longs protocoles. « Pour ses enfants, on donnerait sa vie sans réfléchir !, lance-t-il. À aucun moment, je n'ai souhaité faire marche arrière. Jamais je n'ai eu une seconde de regret ».
Renaître une troisième fois
Février 2021. Deux hôpitaux lyonnais séparés de quelques kilomètres. Dans l'un deux, un papa se fait ôter une partie de lui-même. Dans le second, sa fille attend, endormie. À son réveil, elle renaît pour la troisième fois. Des complications s'imposent malheureusement les mois suivants, notamment à cause d'un uretère qui se nécrose. En novembre 2022, Méline passe de nouveau sous les scalpels d'un professeur lyonnais. L'intervention se révélera être un succès.
« Un amour infini »
Aujourd'hui, ils sont côte à côte à dérouler leur histoire pas comme les autres. Ils ne se regardent pas beaucoup à mesure que les mots s'écoulent. Juste des coups d'œil furtifs, pudiques, complices. « Je vis normalement grâce à mon papa, vibre Méline. Je suis heureuse. Je suis fière. C'est beau tout ça. Ce qu'il m'a donné n'est pas qu'un organe. C'est un amour sans condition. Un amour infini ».