Ce jeudi matin, il fait très chaud dans la zone d'activités de Brioude. Impossible d'accéder aux locaux de la société Sodiaal, complètement bouchée par plusieurs tracteurs, et quelques dizaines de pneus. En cause, un appel à la manifestation lancé par la FDSEA et les Jeunes Agriculteurs de la Haute-Loire. Parmi les leaders du mouvement, Eric Richard, le président de la section laitière de la FDSEA 42 et Julien Duplomb, responsable du groupe lait aux Jeunes Agriculteurs de Haute-Loire.
"Plusieurs dizaines d'établissements risquent la fermeture"
Cette mobilisation est motivée par un ras-le-bol de la filière laitière de Haute-Loire. Au total, c'est une centaine d'éleveurs laitiers, selon les organisateurs, qui sont réunis devant l'entrée de Sodiaal. "L'action aujourd'hui a deux objectifs : d'une part de dénoncer le prix du lait beaucoup trop bas par rapport à d'autres pays européens. Les 1000 litres sont à 550€ dans certains pays européens, il y a presque cent euros de différence avec le prix français. La deuxième chose, c'est la façon de construire le prix par la société Sodiaal, qui s'affranchit complètement de la loi EgaLim", explique Eric Richard.
Les manifestants déplorent le manque d'échanges constructifs avec les dirigeants de la coopérative qui regroupe plus de 17 000 producteurs de lait dans toute la France. Un ras-le-bol qui s'explique également par l'augmentation des prix des produits transformés en grande surface. "Sur les dernières négociations commerciales, une augmentation de 15 à 20% sur les prix des produits transformés dans les centrales d'achats sans que nous ayons touché un retour sur ses augmentations", déplore Julien Duplomb.
La crise ukrainienne a amplifié la situation délicate des producteurs laitiers
Si la centaine de manifestant revendique une juste rémunération de leurs produits, c'est aussi parce que le monde agricole fait face depuis peu à une nette augmentation des prix de la matière première. "C'est bien simple, le coût de la matière première augmente, nos coûts de production augmentent, mais le prix de nos produits, eux, stagnent. La colère monte cet été parce que Sodiaal sort de sa formule de prix avant d'avoir les retours des négociations commerciales. Les prix auquel on va être vendre nos produits ne prennent pas en compte ces hausses. Logiquement, on ne s'y retrouve plus et ce ne sera pas étonnant si certains établissements doivent fermer. Ce sera une catastrophe", explique Eric Richard.
"Les conséquences sont terribles sur les jeunes exploitations"
"Cette situation chez les jeunes agriculteurs amplifie le phénomène d'inflation. On dit souvent qu'une installation c'est avant tout un projet. Aujourd'hui avec la flambée des prix des matières premières, c'est quasiment impossible d'avoir un projet. Quand les coûts de production augmentent et que le prix du lait ne suit pas, c'est impossible", affirme Julien Duplomb. "A long terme, c'est la filière laitière qui risque de disparaître. S'il manque du lait, ce sont des entreprises qui seront amenées à disparaître et des emplois. A Brioude, cette usine représente 300 emplois", ajoute Eric Richard.
Un ras-le-bol combiné avec le phénomène de sécheresse
Si la situation constituait déjà un ras-le-bol chez les agriculteurs laitiers des alentours de Brioude, l'inflation et la sécheresse n'a fait qu'amplifier les conséquences. "On subit également une sécheresse jamais vue depuis plusieurs années. Certaines exploitations vont être obligées de commander du fourrage parce qu'elles n'ont pas pu en produire. La rareté va faire que les prix vont s'envoler et pour certains cela risque d'être invivable tout simplement", lâche Julien Duplomb.
Si les agriculteurs laitiers protestaient pour une juste rémunération de leurs produits, ils réclament l'application de la loi EgaLim. "Si Sodiaal respectait cette loi, on devrait être à 40 euros de plus sur les 1000L, minimum", déplore Eric Richard.
Romain Bruyas