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Le projet de microcentrales sur la Dunière tombe à l'eau

Par Ombéline Empey… , Mise à jour le 10/03/2023 à 12:30

Retournement de situation. Le projet de microcentrales ne verra finalement (jamais) le jour. La Fédération de Pêche de la Haute-Loire et l'association AAPPMA, "Les Amis des deux eaux", avaient tiré la sonnette d'alarme le 18 février dernier lors de l'Assemblée générale de l'association.
Ils alertaient sur les conséquences de ce projet sur la Dunière pour ses pêcheurs, mais aussi toute sa faune et sa flore. Face à l'engouement et aux proportions que le projet prend, la société Éléments à Montpellier, en charge du projet a finalement abandonné le projet.

Porté par Éléments, une société d’investissement basée à Montpellier (Hérault), le projet qui posait problème projetait l'installation de deux centrales hydroélectriques sur un tronçon total de 7 km de la Dunière entre le pont de la Vache (posté entre Saint-Pal-de-Mons et Montfaucon) et le hameau de Laval (près de la chapelle Saint-Julien-de-Tourette). 

Le principe d’une centrale hydroélectrique est simple : exploiter la force de l’eau appelée énergie cinétique pour fabriquer de l’électricité. À l'aide du courant, l'énergie est alors transformée en énergie mécanique par une turbine hydraulique, puis en énergie électrique. Même principe pour une microcentrale, installée au fil de l’eau (au bord des fleuves et des rivières). Une microcentrale est souvent installée près ou à la place d’un ancien moulin-à-eau. À à la différence qu'elle peut produire une puissance comprise entre 20 kW et 500 kW (soit l'alimentation annuelle de 15 à 400 foyers environ).

Au niveau environnemental, dans la loi, ces microcentrales ont été créées pour produire une électricité propre et respectueuse de l’environnement. Les nouvelles générations de PCH seraient même équipées de "passes et d’échelles" pour ne pas gêner les poissons migrateurs et sont soumises de maintenir dans le cours d’eau un débit minimum biologique (DMB), dit « débit réservé », d'un dixième (1/10) du débit existant.

Une cinquantaine de microcentrales en Haute-Loire

La production hydroélectrique en France représentait 11,1 % de la production électrique totale en 2022, année de très faibles précipitations. En France, selon les chiffres d’EDF(2019), la France comptait 2 700 centrales hydroélectriques sur 250.000 km de cours d'eau dont plus de 90 % sont des petites centrales. Elle représente environ 10 % de la production électrique nationale.

Dans le département de la Haute-Loire, ce sont une cinquantaine de microcentrales (57 au total) déjà en service et représentent 20 % de la production hydroélectrique (et non pas de la consommation) du département.

Alors pourquoi cela posait problème ? 

La Fédération de Pêche nous l'expliquait : pour l'installation de ces microcentrales, il faudrait tout d'abord créer un barrage de prise d’eau et des conduites forcées à l'aide de tuyaux et tunnels (d'un diamètre de 1.5 mètres). Conséquences ? Cela impacterait selon l'association de pêche, le débit de l'eau sur un tronçon total de 7 km.

"On va passer d'un débit de 2000 litres/ secondes à 200 litres/secondes. Cela va complétement tuer la rivière !" AAPPMA

Pour respecter la réglementation du maintien d'un dixième du débit du cours d'eau décrite plus haut, ces centrales auraient donc détourné 90 % du débit des 7 km de la Dunière. Une aberration pour les membres de la Fédération de Pêche de la Haute-Loire et pour la société de pêche Les Amis des deux eaux.

Quand ce projet parle de détourner la majorité de l'eau, cela a tendance à inquiéter. Lionel Martin s'insurgeait de ce projet : "On va passer d'un débit de 2000 litres/ secondes à 200 litres/secondes". Un débit très largement réduit, qui est égal à celui retrouvé "quand la rivière souffre durant l'été lors des fortes chaleurs, sauf que là ce ne sera plus que 2 mois dans l'année, mais 12 !".

Cette parcelle de la rivière, cours d'eau d'ailleurs classé réservoir biologique, risque donc d'être complètement desséché pendant la haute saison. "Cela va complètement tuer la rivière, ça va dénaturer 7 km de vallée !", alarme Lionel Martin.

Illustration de la rivière de la Dunières Photo par Fédération de Pèche 43

Quel impact sur la rivière ?

Des éléments doivent être installés pour créer ces microcentrales. Lionel Martin rappelait l'impact des travaux en amont pour la construction, l'ouverture de piste pour faire rentrer les machines, faire tomber des arbres. "Ça va chasser complètement la faune locale et la tranquillité de la vallée".

Le président de la fédération le rappelle "La pêche ce n'est pas qu'attraper du poisson, c'est aussi être en harmonie avec le lieu, communiquer avec la nature, les animaux, le chant de la rivière. C'est toute une ambiance qui va être détruite". Car la Dunière, le président de l'AAPPMA le rappelle : "C'est un endroit magnifique, très beau et tranquille". Alors pour les 15.000 pêcheurs que compte la Haute-Loire : "ce sera foutu".

"Un risque pour la biodiversité locale"

La dernière pêche électrique d'inventaire réalisée en 2022 a permis de compter plus de 442 truites, 52 goujons, 75 loches franches et 228 vairons. "Une rivière très poissonneuse" décrite par la fédération.
Qui dit moins de débit d'eau dit aussi moins de quantité et de hauteur de rivière. " On va passer d'une rivière à un ruisseau", explique avec dépit le directeur de la Fédération.

Sans compter la hausse de la température de l'eau et le manque d'oxygène restant dans la rivière : "C'est toute la chaine alimentaire qui va être chamboulée : moins d'insectes dans la rivière, donc moins de poisson et moins de reproduction. Ce qui entraîne forcément moins d'oiseau, venus chasser, comme les martins-pêcheurs, les cincles plongeurs ou encore la loutre qui aime se rafraîchir dans la Dunière".

La Truite Fario dans la Dunière. Photo par Fédération de Pêche 43

Un projet qui a fait beaucoup parlé...

Le projet ne plaisait pas par ses conséquences sur l'environnement, mais aussi par ses démarches. En effet, les structures dénoncent un manque de communication et de transparence sur le projet. "Ils ont tout fait en sous-marin", expliquait Lionel Martin. Selon eux, personne n'a été mis au courant, pas même les élus des villes concernées.  "On a été informés par les propriétaires des maisons aux abords de la rivière qui ont été sollicités par l'entreprise pour signer des autorisations de travaux".

Les différentes associations et Fédérations ont donc fait appel aux médias pour soulever leurs inquiétudes. Une des raisons de l'abandon du projet par l'entreprise Éléments. 

"Un projet ne se fait pas sans les habitants". L'entreprise Eléments

"On ne veut pas aller à l'encontre des habitants, on a préféré laisser tomber ce projet"

Contactée, l'entreprise Éléments, vectrice du projet, nous a confié avoir abandonné l'idée du projet en vue de l'engouement et des proportions que le projet prend. " On ne veut pas aller à l'encontre des habitants, on a préféré laisser tomber ce projet, aucun projet ne naîtra sans l'avis des habitants".

Un projet qui, le décrit l'entreprise, était là pour aider les habitants à être plus autonome en énergie dans le respect de la biodiversité et de la nature. Mais l'entreprise "ne veut pas se battre" et se mettre à dos les protecteurs de la Dunière. En vue des nombreux articles de presse et des coups de gueule lancés par les associations, le projet ne devrait donc jamais avoir lieu. Sauf "si les habitants changent d'avis et veulent en discuter", le précise l'entreprise. 

"Si notre visite provoque des problématiques et suscite une vague d'inquiétude, on préfère arrêter". L'entreprise Eléments

"C'est une très très très bonne nouvelle ça !"

Cette nouvelle, dont la Fédération de pêche a eu vent par Zoomdici, a été un soulagement immédiat pour Florian Chopard, "C'est une très très très bonne nouvelle ça !", s'exclamait le directeur de la Fédération. "C'est la preuve que le travail et la mobilisation des pécheurs, riverains et amoureux de la nature ont porté leurs fruits." Les associations avaient en effet créé une pétition en ligne en plus d'alerter les pécheurs et les médias.

Il en plaisante même : "On devait faire un discours pour l'ouverture de la pêche à ce sujet, on va devoir changer un peu le texte". Il assure rester tout de même vigilant car il peine à croire que c'était une "simple visite de courtoisie", méfiance faisant écho aux demandes de signatures des riverains par l'entreprise Eléments. Soulagés, ils vont pouvoir "se concentrer sur d'autres choses et être plus sereins quant à l'avenir de la Dunière." 

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