Le rapport Sauvé, mis à la connaissance du public en octobre 2021, a retenti comme une bombe atomique au sein de l’institution ecclésiastique. 216 000 victimes d’abus sexuels perpétrés par des milliers de membres du clergé en France depuis 1950. Face à ce constat accablant, les Évêques de France créent l’Inirr (Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation), officiellement lancée le 8 novembre 2021. En parallèle, le Fond Selam (Fonds de solidarité et de lutte contre les agressions sexuelles sur mineurs) s’ajoute au dispositif pour amasser une somme d’argent destinée aux victimes.
« Certains ne veulent plus rien à voir affaire avec l’Église »
À mille lieux des 216 000 victimes inscrites dans le rapport Sauvé et l’enquête de la Ciase (Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église), « seul » 1 500 personnes environ ont sollicité les services de l’Inirr pour réclamer une réparation financière.
« Cette différence est expliquée par le fait que le Rapport Sauvé a fait une extrapolation par rapport à un sondage, d’où ce nombre si important, souligne l’Évêque du Puy-en-Velay, Yves Baumgarten. D’autre part, beaucoup ne vont pas se signaler car ils sont trop âgés maintenant. D’autres ne veulent pas que leur nom apparaisse quelque part. Enfin, certains ne veulent plus rien à voir affaire avec l’Église ».
« Un viol unique vaut cinq points sur dix »
20 millions d’euros est la somme que l’Inirr a décidé d’atteindre pour les victimes. Un système de cotation en trois axes et avec une échelle de 1 à 10 caractérisent la gravité des actes pédophiles pour attribuer telle ou telle somme (avec un maximum de 60 000 euros) aux enfants abusés. À titre d’exemple, la gravité des violences sexuelles va de l’exhibition sexuelle aux viols multiples pendant plus de 5 ans.
Une appréciation subjective choquante pour l’ancien président de l’association de La Parole Libérée, François Devaux : « Un viol unique vaut cinq points sur dix. Quand on sait qu’un garçon ou une fille qui a été violé a en général sa vie flinguée, cinq points ce n’est pas beaucoup. Ça me heurte et ça me met même en colère ».
15 victimes de prêtres pédophiles en Haute-Loire
En Haute-Loire, Yves Baumgarten annonce le chiffre de 15 victimes dans le diocèse du Puy-en-Velay depuis les années 1950. Deux de plus se sont faites connaître à l’Inirr en 2022. « Nous n’avons pas le nombre exact de victimes, admet Yves Baumgarten. Car elles peuvent interpeller l’Inirr sans que nous en soyons au courant. C’est seulement lorsque l’Inirr a besoin d’éclaircissements sur un cas que nous savons qu’il y a eu un signalement. »
L’Évêque mentionne que les mis en cause en Haute-Loire sont tous des prêtres dont beaucoup sont aujourd’hui décédés. Les deux dernières victimes altiligériennes enregistrées sont deux femmes de plus de 50 ans.
« Nous avons utilisé les dons des prêtres mis en cause pour alimenter l’enveloppe général de l’Inirr »
D’où vient l’argent ? L’Église de France assure qu’aucun centime ne provient de fonds publics et donc de la poche des citoyens lambda. Ni du don des fidèles. L’Église aurait surtout encouragé les évêques de chaque diocèse à se dessaisir de biens immobiliers et mobiliers. « De notre côté, nous avons procédé différemment, indique Yves Baumgarten. En général, à la mort d’un prêtre, il fait don de tout ce qu’il a à son diocèse. Nous avons ainsi utilisé les dons des prêtres mis en cause pour alimenter l’enveloppe général de l’Inirr. »
Chaque diocèse doit alors participer au prorata de son importance. À la question de savoir quel montant a été engrangé par le diocèse du Puy, l’Évêque répond : « Je ne souhaite pas communiquer de chiffres. Néanmoins, nous avons réussi à accumuler une somme trois fois supérieure à ce que le diocèse du Puy se doit de verser à l’Inirr ».