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[Interview] Michel Bussi, au Puy-en-Velay, confie sa vie d'écrivain et d'homme

Par emmanueldumas1975_1 , Mise à jour le 15/11/2024 à 12:00

Ce jeudi 14 novembre, l'incontournable écrivain Michel Bussi est venu à la rencontre des Ponots. Décrit comme l'un des auteurs préférés des Français, il a partagé sa passion pour l'écriture avec beaucoup de sourires, de convivialité et d'humour.

Zoomdici a eu le privilège de recueillir une longue interview du célèbre auteur

De son premier roman Code Lupin, en passant par Nymphéas noirs, ou encore le célèbre Un avion sans elle, Michel Bussi enchaine les succès. Plusieurs de ses romans ont été adaptés pour la télévision comme L'île prisonnière, d'autres en bande dessinée, comme Mourir sur Seine.

Il s'est également essayé à la littérature jeunesse avec la série à succès NEO, mais aussi des albums illustrés pour les plus jeunes.

Les assassins de l'Aube, son nouveau roman

Invité par l'équipe de la bibliothèque du Puy-en-Velay, sa venue coïncide avec la sortie de son nouveau roman Les assassins de l'aube, paru aux éditions Les presses de la Cité.

Nous allons suivre l'équipe du commandant Valéric Kancel qui doit résoudre l'assassinat de trois touristes. Une enquête qui nous emmène dans un voyage sur l'île de la Guadeloupe, ses mystères, son histoire, ses racines.

Le style est toujours haletant, emportant les lecteurs dans le rythme de l'enquête. Les décors sont plantés avec précision et les personnages analysés avec beaucoup de psychologie.

Michel Bussi avec l'équipe de la bibliothèque Photo par E.Dumas

Michel Bussi, cet après-midi, vous avez rencontré des lycéens qui ont travaillé sur vos livres. Est-ce un échange différent qu'avec votre public traditionnel ?

"J'ai écrit pour les ados aussi, une saga qui s'appelle NEO. Certains ados me connaissent par rapport à ça. Ils ont 14 ans, ils sont en seconde, il ont lu aussi des romans adultes. Ils sont beaucoup plus francs dans leur questionnement. C'est toujours assez amusant de voir comment ils réagissent par rapport à un auteur entre guillemets connu".

"Si on raconte une histoire à un enfant de 3 ans, on ne va pas la raconter avec les mêmes mots à un enfant de 15 ans. On va naturellement adapter, même si on raconte la même histoire".

Changer de public et de sujets : romans jeunesse, romans policiers, fantastiques... Est-ce un exercice difficile pour vous ?

"Non, je le fais assez naturellement, c'est l'histoire qui change, mais ma façon d'écrire, elle, ne change pas réellement. En tout cas, je ne me pose pas la question. C'est un petit peu comme quand on raconte une histoire à un enfant. Si on raconte une histoire à un enfant de 3 ans, on ne va pas la raconter avec les mêmes mots à un enfant de 15 ans. On va naturellement adapter, même si on raconte la même histoire. C'est vraiment instinctif, il n'y a pas de travail particulier là-dessus"

"Et quand ils ont, 14, 15, 16 ans, c'est un âge charnière où ils peuvent lire toute la littérature classique, polars. En plus, on a une génération d'enfants très mangas. Il leur en faut quand même beaucoup pour les impressionner."

"Mes grosses expériences de lectures, c'est Tolkien. C'est ce que j'ai lu quand j'avais 13, 14, 15 ans et qui m'ont bluffé. Les ados qui ont lu les quatre volumes (...) ça va marquer une partie de leur adolescence".

De nombreux admirateurs pour applaudir l'auteur Photo par E. Dumas

Qu'est-ce qui vous a motivé à toucher ce public ado ?

"Quand j'étais adolescent, j'étais déjà un grand lecteur. J'ai trouvé que la littérature adolescente, les Sagas, c'était vraiment quelque chose d'assez incroyable comme expérience de lecture. Mes grosses expériences de lectures, c'est Tolkien, c'est ce que j'ai lu quand j'avais 13, 14, 15 ans et qui m'ont bluffé. Les ados qui ont lu les quatre volumes, parfois plusieurs fois, on peut dire qu'ils ont découvert cette saga qui a occupé des mois de leur temps. Ça va marquer une partie de leur adolescence. Quand on est ado, ça prend une autre dimension".

Vous venez présenter votre roman Les assassins de l'aube. Pouvez-vous nous en parler ?

"Ce roman est un thriller, avec des enquêteurs qui vont essayer de traquer un tueur qui sévit en Guadeloupe. L'histoire se passe en Guadeloupe. Cette enquête s'inspire du passé colonial de l'ile. C'est à la fois une promesse de voyage, une promesse d'intrigue policière forte et une promesse d'apprendre des choses sur cette île".

"À un moment donné, les choses vous hantent. C'est à ce moment-là que les personnages demandent à sortir de votre tête"

Vous faites quelques infidélités à votre région, la Normandie... Pourquoi la Guadeloupe aujourd'hui ?

"J'étais allé en Guadeloupe. Pendant et après le séjour, tout s'est mis en place. C'est-à-dire que j'avais une intrigue et je trouvais que l'intrigue pouvait parfaitement fonctionner en Guadeloupe. J'ai inventé les personnages, visité les lieux. À un moment donné, les choses vous hantent. C'est à ce moment-là que les personnages demandent à sortir de votre tête.

On sent dans votre roman, la précision des mots, surement due à votre passé de géographe Êtes-vous resté longtemps sur place ?

"Assez peu, 2 fois 3 semaines, et c'était en touriste. J'avais en tête de faire ce roman, mais ce n'était pas du temps de travail pur. Après, c'est beaucoup de travail de lecture, de compilations de documents. J'aime bien mélanger l'observation, discuter avec les gens. On s'enrichit aussi beaucoup, ce que ne font peut-être pas tous les écrivains, de lire parfois des choses assez ardues sur la sociologie de l'île, sur les rapports économiques entre les communautés"

"Les gens dans la rue ne sont pas forcements capables d'analyser en l'esclavage l'impacte sur les relations entre les communauté"

"Il y a évidemment beaucoup de choses écrites par des chercheurs. Les gens dans la rue ne sont pas forcements capables d'analyser en l'esclavage l'impacte sur les relations entre les communautés. Par contre, quand vous prenez des bouquins qui ont traité de ça, cela vous enseigne d'innombrables choses. Il y a un long travail de récupération, de digestion".

"Il faut se mettre dans la position d'essayer de comprendre les nuances propres à ce morceau de terre, son histoire et ses habitants"

Ce roman est, certes, un roman de distraction pure, mais qui j'espère tombe juste. Car j'ai l'impression d'avoir beaucoup travaillé pour connaitre toutes les particularités. La Guadeloupe est une île complexe. C'est une île qui a un passé particulier, avec des rapports de communautés particuliers"

"Il y a beaucoup de fonctionnaires, je pense, qui arrivent de l'Hexagone sans forcément prendre le temps de comprendre les enjeux. Il faut se mettre dans la position d'essayer de comprendre les nuances propres à ce morceau de terre, son histoire et ses habitants.

De nombreux admirateurs pour la dédicace Photo par E. Dumas

Vous traitez aussi des sujets concernant la personnalité des inspecteurs, qui ont chacun leurs problématiques personnelles

"Oui ce qui fait aussi le charme d'un roman, c'est qu'on peut faire passer des thèmes à travers les personnages. Un de mes inspecteurs est homosexuel. L'homophobie est un enjeu fort en Guadeloupe. On a encore des réflexes homophobes qui sont forts. Je me suis dit qu'à travers cet enquêteur, ça va me permettre de parler de l'homosexualité sans caricaturer".

"On touche ainsi des réalités sociales qui donnent de la profondeur aux personnages"

"Avec Valeric, c'est plus le thème des violences conjugales qui est abordé. Dans les Antilles, l'alcool étant très présent, ce problème n'est pas anecdotique. On touche ainsi des réalités sociales qui donnent de la profondeur aux personnages. Une nouvelle fois, l'enjeu n'est pas de faire un cours sur les violences conjugales en Guadeloupe. C'est une émotion par rapport au personnage et par rapport aussi à l'intrigue policière". 

La grande force de vos romans est les rebondissements. Est-ce qu'il vous arrive de ne pas savoir les derniers rebondissements ?

"J'essaye d'imaginer au maximum mes rebondissements à l'avance. Je pense que c'est nécessaire si on veut que le roman soit rythmé. Par exemple, sur Les assassins de l'aube, j'avais ma fin. Et surtout, j'avais des étapes importantes avec des scènes clefs, celles des meurtres évidemment, mais aussi des passages qui allaient rythmer le roman, le relancer un peu comme dans une série".

"Je voulais que ce soit un roman spectaculaire"

"Je voulais que ce soit un roman spectaculaire, avec quelques scènes d'action. Je savais que je devais arriver à cette scène. C'est comme un réalisateur qui va avoir quelques images très fortes de son film. Il sait que ces images vont lui prendre beaucoup de temps à tourner, mais c'est ça qui va faire la patte du film".

"La scène de la techno partie sur la plage de la perle, de grandes manifestions de jeunes, qui viennent danser, je l'ai vue. On imagine bien ces images du soleil et de fêtes. De se dire, on va mettre au petit matin un criminel, l'évacuation en urgence de la fête. C'est une scène que j'avais envie d'écrire, car on a envie de la voir. On a quelque chose qui doit être spectaculaire, comme une grande scène d'action. C'est aussi ce qui ponctue le roman, cette envie d'avoir de temps en temps des morceaux de bravoure".

"On a que les mots pour faire sortir la peur, la chaleur, la tension. Mais si la scène est bien construite, si la tension est là, tout parait fluide. Pour l'écrivain et pour le lecteur"

Est-ce que vous diriez que l'action est toujours présente dans votre façon d'écrire, avec un récit toujours dynamique ?

"Oui, ça, c'est clair ! Généralement, quand une scène est bonne, c'est qu'on l'écrit facilement. Un chapitre que je n'arrive pas à écrire est qu'il est mal conçu dans ma tête. C'est du boulot d'écrire ! On a que les mots pour faire sortir la peur, la chaleur, la tension. Mais si la scène est bien construite, si la tension est là, tout parait fluide. Pour l'écrivain et pour le lecteur". 

"Je ne pense pas que l'on puisse rattraper une scène qui n'est pas bonne ou qui ne fonctionne pas, ou qui n'a pas d'intérêt ou qui est plate. Un style est au service de l'histoire et pas l'inverse"

Moment d'échange avec les lecteurs Photo par E. Dumas

Vous sortez un roman par an. Êtes-vous déjà sur un nouveau projet ? 

"Oui, j'ai un peu d'avance. J'ai tendance à écrire un peu plus vite que je publie. Cela permet de murir les romans, de bien les préparer, de bien les relire. Je ne saurai pas travailler dans l'urgence et savoir que je dois publier un livre dans un mois et que j'ai toujours trois derniers chapitres en attente. J'ai toujours travaillé avec de l'avance."

Est-ce que l'on peut dire que vous avez toujours cette fraicheur du jeune écrivain ?

"Oui, je crois. Comme j'ai été publié à quarante ans à peu près, j'avais beaucoup d'histoires en tête, de rêves, de trucs que j'avais envie d'écrire. Du coup, quand je suis devenu écrivain, j'avais la possibilité de les écrire"

"Il y a cette idée de dire que l'on peu réaliser des rêves. Et ça, c'est incroyable. Pouvoir écrire des histoires avec lesquelles je vis parfois des décennies, pouvoir les écrire... que ça va devenir des livres".

L'auteur présente son livre Photo par E. Dumas

 

 

 

 

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