Depuis que le programme a été publié par la mairie d'Aurec-sur-Loire, une chose a marqué les journalistes de Zoomdici : alors que chaque année depuis la création de l'évènement en 2019, la liste des graffeurs présents n'était modifiée qu'en partie, cette année, aucun n'a reconduit l'expérience.
Parmi les artistes habitués, Doudou Style, Dan 23 et Dege, avaient, jusqu'à présent participé à 3 des 4 éditions.
Volonté de l'organisation de renouveler ses invités ou désengagement des artistes, quelles sont les raisons de ces modifications de programme ? Voici quelques éléments de réponse.
« Ce qui est sûr, c'est que je ne participerai plus à ce festival » Dege, graffeur ponot ayant participé aux éditions 2021, 2022, 2023
En 2023, alors qu'il graffait sur le pilier d'un pont, Dege a décidé d'arrêter son œuvre, et d'écourter sa participation au festival. Il était pourtant déjà bien initié à l'évènement puisqu'il avait participé en 2021 et 2022. Mais cette fois, « c'était la goutte d'eau qui a fait déborder le vase ».
En effet, installé en contrebas du pont, l'artiste utilisait une nacelle, pour donner de la hauteur à sa fresque, lorsqu'il s'est aperçu que celle-ci n'était pas sécurisée. Malgré ses demandes répétées auprès des organisateurs, il n'est pas parvenu à obtenir gain de cause, et a décidé de mettre fin à l'expérience. « S'il n'y avait pas eu le pilier du pont devant moi, je serais tombé dans la Loire », lance-t-il.
Plusieurs mois plus tard, tandis que les organisateurs de l'évènement commencent à programmer l'édition 2024, le ponot append par le biais d'une connaissance qu'il ne sera pas sélectionné à nouveau.
L'œuvre ne sera donc jamais terminée, et Dege l'assure :« Ce qui est sûr, c'est que je ne participerai plus à ce festival. Ça me fait mal au cœur de ne pas terminer ma peinture, mais si je ne peux pas le faire en sécurité, alors je ne le fais pas. »
« C'est très bien comme ça », le maire de la commune, Claude Vial
Contacté à l'occasion d'un article de présentation du festival de la teinturerie, Zoomdici avait évoqué le sujet auprès du maire de la commune, Claude Vial, qui n'y voyait pas d'inconvénient : « La fresque va rester en l'état. Elle est monochrome, ce n'était pas l'inspiration de départ, mais il y a eu des problèmes d'ordre technique, d'accessibilité et de sécurité, qui ont interrompu l'artiste. Moi, elle me va bien comme elle est, on peut considérer qu'elle est à la fois achevée et inachevée. »
Il précise que « le mur à peindre est situé en contrebas, sur un pilier du pont d'Aurec. Il a donc fallu faire passer la nacelle sur un chemin de terre, glissant et instable, impossible donc pour l'artiste de terminer son œuvre »... certainement jusqu'à ce que le temps, ou un graffeur téméraire ne vienne s'y aventurer.
Outre ces petites mésaventures, plusieurs graffeurs dénoncent des pratiques peu conventionnelles de la part de la mairie d'Aurec.
« Ce n'est pas un festival, ce sont des commandes déguisées », Dege
Dege, dénonce aussi les pratiques du maire de la commune : « Compte tenu du travail à faire, ça nous en coûte au moins 10 fois le prix. Nous avons fait la remarque plusieurs fois. On le fait une fois, deux fois, mais au bout d'un moment, rien ne bouge malgré nos sollicitations à ce sujet, alors on en a marre. »
Ce cachet en lui-même est approximativement le cachet habituel déboursé lors de festivals de ce type. En revanche, ce qui pose un problème ici, c'est plutôt la liberté d'expression, qui semble être mise à mal.
Le maire Claude Vial explique à ce sujet : « Les artistes sont toujours assez libres de leur production. C'est moins des commandes que des thèmes. On leur demande souvent de travailler sur des thématiques un peu universelles, plutôt humanistes, bienveillantes, engagées pour l'écologie. »
« Par exemple, un artiste venu de Grèce cette année travaille sur le thème du réchauffement de la planète, à travers le regard d'enfants. Il y a aussi un second artiste, venu du Pays-basque. Sa fresque se trouve à côté d'une école et d'une librairie associative, alors on lui a donné ce thème-là. C'est son interprétation du voyage immobile d'un jeune à travers la lecture. »
« S'ils prennent des axes qui ne nous conviennent pas, on ne les prends pas. »
Alors justement, comme précisé plus haut, une chose nous a sauté aux yeux cette année : hormis l'Aurécois Amer, aucun artiste venu lors des précédentes éditions n'est revenu pour cette 5e édition. Pourtant, jusqu'à présent, une partie des graffeurs revenait d'année en année.
« Les gens sont contents de venir à Aurec. On a donc maintenant un certain nombre de street artistes qui s'adressent directement à nous. Et nous restons attentifs toute l'année à ce qui se crée ailleurs. C'est la combinaison de ces deux choses qui fait que nous re-sollicitons quelques artistes. Il y en a d'ailleurs qui sont venus plusieurs années de suite, parce que leur expression collait bien. Et puis il y a le souci… Enfin cette année, ils sont tous nouveaux », s'interrompt le maire.
Et de justifier : « Il y en a qui reviendront sans doute dans les années à venir, mais vous voyez, cette année il y en a une partie qui peint avec de l'acrylique. Il y a désormais des techniques différentes de la bombe. Il y en a un qui travaille davantage sur l'anamorphose, qui exploite beaucoup la 3D. C'est intéressant d'avoir des artistes qui ont des techniques différentes. »
Enfin il termine ainsi : « On est sensible ou non à leur art, mais ce sont en tout cas des gens qui ont un haut niveau technique. Ils se sont tous déjà fait remarquer dans de nombreux festivals, soit à l'international, soit en France. Et puis ce sont des gens qui, vu la notoriété d'Aurec, répondent assez spontanément à nos sollicitations. »