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Les routes des Maliens vers l'Europe : une errance périlleuse

Par olivier@zoomdici.com , Mise à jour le 04/10/2021 à 14:25

L'affaire Madama Diawara agite depuis plusieurs mois le landernau politique et judiciaire altiligérien. Accusé de faux et usage de faux, menacé d'expulsion, son procès aura lieu ce mardi 5 octobre 2021 au Tribunal judiciaire du Puy-en-Velay.
Le couple qui a accueilli le jeune Malien a été placé en garde à vue le jeudi 16 septembre 2021 et leur domicile perquisitionné.

Tout ceci s'est passé dans une atmosphère politique très lourde et très engagée.
En marge de cette affaire, et sans présumer du cas de Madama Diawara, que sait-on au juste des filières migratoires venant du Mali ?
Un éclairage qui permettra de comprendre le contexte général de cette question.

Les filières de migration en provenance de la bande sahélo-sahélienne sont innombrables et en constante évolution. Quelques reporters sont allés sur place, beaucoup d'officiels en délégation et de multiples organisations non gouvernementales, occidentales, moyen-orientales ou asiatiques.

L'observation de ces phénomènes migratoires est constante et a donné lieu à de nombreux rapports parlementaires et colloques dans des organisations internationales.

Quelles sont les causes des migrations irrégulières?

On peut y retrouver quelques invariants. Tout d'abord, la pauvreté des familles rurales. Elles souffrent du manque d'emploi et de revenus insuffisants dans l'agriculture. L'exode rural, l'émigration internationale et la diversification des sources de revenus sont devenus partie intégrante de la stratégie de survie des familles, tant dans les villes que dans les campagnes.

Certains jeunes "tentent l'aventure" sans l'aval de leur aînés

Au Mali, toutes les exploitations agricoles pratiquent aujourd'hui plusieurs activités spécialisées à la fois : agriculture, élevage, pêche. Les membres d'une même famille se consacrent à l'une ou l'autre activité afin que les revenus se complètent. Ensuite les jeunes, hommes ou femmes, partent temporairement dans les grands centres urbains pour travailler. L'exode rural se prépare matériellement avec le soutien des décideurs de la famille, un aspect traditionnel qui garde toute son importance. Il est toutefois fréquent que certains jeunes "tentent l'aventure" sans l'aval de leurs aînés.

Les avantages espérés sont souvent des fantasmes

D'emblée, les défaillances administratives dans l'établissement des documents de voyage et la corruption généralisée au niveau des structures de contrôle et des forces de l'ordre ont pour conséquence de transformer les voyageurs en migrants irréguliers.

Ensuite, peu de migrants potentiels ont une idée claire de leur destination, de leur vie future. Les avantages espérés sont souvent des fantasmes (argent qui coule à flots en Europe, femmes faciles, lieux de fête, etc.) et la réalité des conditions de vie souvent masquées (travail, logement, climat). Les passeurs et leurs réseaux profitent de ce manque d'information pour élargir leur clientèle.

Légaux ou illégaux, tous les chemins mènent à Rome !

Dès lors, certains candidats au départ prennent le risque de voyager dans l'ignorance, volontaire et involontaire, des règles de droit. Ils peuvent aussi se servir de faux papiers pour l'obtention desquels des prestataires et organisations spécialisés existent. 

Autre incitant : les conditions de travail précaires et les mauvais salaires dans les grandes villes africaines, dont Bamako.

Enfin, le mirage du regroupement familial à terme. À cette occasion, les familles ne manquent pas d'ingéniosité pour parvenir à leurs fins y compris l'usage de faux papiers. Légaux ou illégaux, tous les chemins mènent à Rome !

Les migrants maliens

Les routes empruntées par les migrants maliens sont nombreuses et changent souvent. Les migrants peuvent commencer leurs déplacements dans des conditions tout à fait légales avant de se retrouver temporairement ou durablement en situation irrégulière. Certains optent dès le départ pour cette alternative. Ils se confient à des réseaux en place et combinent les déplacement légaux et clandestins empruntant des routes nationales, des pistes rurales, les itinéraires des trafiquants et autres contrebandiers puis les voies fluviales, maritimes ou aériennes. Enfin, les frontières sont très floues sur le terrain entre réseaux organisant les migrations irrégulières et ceux s'occupant d'autres types d'activités illicites : trafic de marchandises, de drogues, d'armes, prostitution, trafics d'enfants et bandes armées de toutes sortes souvent autoproclamées "djihadistes".

Leurs itinéraires

Les routes sont classiques. Le premier point de départ est bien entendu Bamako. Ceux qui sont les mieux renseignés s'y dotent des papiers nécessaires (passeport, carnet de vaccination et carte d'identité). Les autres ne prennent que leur carte d'identité.

Souvent, ils sont fortement rançonnés par les forces de l'ordre

Après Bamako, direction Gao. Souvent, ils y sont fortement rançonnés par les forces de l'ordre. Le prix à payer pour chacun est de 10000 Francs CFA (environ 15 euros). Les récalcitrants sont la cible de mauvais traitements. En outre les migrants sont parfois rançonnés par des bandits armés. Après Gao, ils arrivent à Bordj, sur le territoire algérien, où ils déboursent entre 10 000 et 50 000 CFA (de 15 à 76 euros environ). Dans cette ville algérienne, ils obtiennent un cachet d'entrée conditionné à la présentation du passeport, de la carte d'identité et du carnet de vaccination. Après Bordj, ils se dirigent vers Tamanrasset où ils forment deux groupes : celui du Maroc et celui de la Libye.

Les filières de passeurs sont nombreuses, bien organisées

D'autres itinéraires sont fonctionnels dont le principal est la route qui part de Nioro au Sahel et traverse la Mauritanie par Nouakchott et Nouadhibou. Certains, plus rarement, passent par le Sénégal ou par la Guinée. Ce n'est que lorsqu'un drame humain a lieu que l'opinion publique est attirée par ces itinéraires bis.

Reste ensuite à passer la Méditerranée. Là aussi les filières de passeurs sont nombreuses, bien organisées. Compter 2 à 3000 euros par personne selon les zones d'embarquement. Il suffit de lire les rapports de Frontex ou de s'embarquer à bord de l'un ou l'autre bâtiment de ses escadres pour mesurer les enjeux financiers engagés. Des vedettes rapides assurent souvent un passage presque certain dans les zones proches de Gibraltar. Parfois même avec la complicité des pouvoirs locaux.

Ceux qui ont la chance d'échapper à la réduction en quasi esclavage en Libye s'entassent dans des canots

Au large de la Libye il en va autrement. Ceux qui ont la chance d'échapper à la réduction en quasi esclavage près de la capitale Tripoli s'entassent dans des longs canots pneumatiques après avoir été rançonnés. Des associations européennes "d'aide aux migrants" sont de mèche. Les canots pourvus de faibles moteurs ne sont presque pas avitaillés et atteignent à peine les eaux internationales où ils sont "miraculeusement" pris en charge par des "ONG".

Ces dernières continueront leur rôle ou passeront le relais à d'autres organisations sur le sol européen pour la suite du voyage terrestre des migrants. 

Ampleur du phénomène

Le nombre et la répartition des Maliens à l'étranger varie selon les estimations. Parmi les 4 millions de Maliens recensés à l'étranger, plus de  300 000 vivent en France dont la moitié détient un titre de séjour. Mais ces chiffres sont peu fiables, variables et évidemment contestés.

Un contexte djihadiste croissant dans une période de croissance démographique galopante.

Selon la Direction Générale des Maliens à l'extérieur, il y aurait deux millions de Maliens en Côte d'Ivoire ; la diaspora malienne représentant le tiers de la population totale du pays. Toutes les régions du pays sont concernées par ces migrations volontaires. En outre, elle concerne surtout la jeunesse. Cette " fuite" migratoire préoccupe, bien entendu, l'Europe et tous les pays limitrophes de la région, dans un contexte djihadiste croissant et dans une période de croissance démographique galopante.

 

 

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