Le juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté, le 24 février dernier, la demande de suspension en urgence du projet de déviation du Pertuis/Saint-Hostien demandé par les associations FNE (France Nature Environnement) Haute-Loire et Auvergne-Rhône-Alpes, SOS Loire Vivante et AUTA (Association des Usagers des Transports d’Auvergne) autorisant ainsi la poursuite des travaux.
« Quatre petites lignes »
Les associations avaient constitué, en guise d’argument, des mémoires et analyses totalisant 82 pages. « Quatre petites lignes ont suffi pour ordonner le rejet de notre demande », déplorent les quatre associations. « Un mémoire c’est des recherches, beaucoup d’analyses et énormément de temps et de compétences investis… C’est normal qu’on ne comprenne pas qu’une telle décision soit prise, sans plus de précisions », grince Colette Chambonnet de SOS Loire Vivante. Ces fameuses « quatre petites lignes » mettent en exergue l’absence de justification de la part du juge sur la décision prise. « Nous avons besoin d’une trace de réflexion du juge de cette décision mais nous ne l’avons pas », s’indigne Colette Chambonnet. « Il est normalement d'usage qu’un juge justifie sa décision par des arguments appuyés », Jean-Jacques Orfeuvre, vice-président de FNE 43 (France Nature Environnement).
> Lire le jugement complet :
Ordonnance du tribunal administratif sur le référé suspensif de la deviation RN 88.pdf
Des mesures compensatoires confuses
Colette Chambonnet montre par ailleurs du doigt les nombreuses confusions, surtout au niveau des mesures compensatoires.« En temps normal, pour, par exemple, une parcelle de 20 hectares de zones humides prises, 40 hectares d’autres parcelles doivent être mises en gestion zones humides, soit le double. Or, d’après les documents qu’on nous a remis, le compte n’y est pas et change entre deux documents. De plus, au sein d’un même document, entre deux tableaux différents, on remarque que pour une même parcelle compensatoire, la surface allouée change sans aucune raison et peut même aller du simple au double, s’étonne Colette Chambonnet. De plus, on nous alloue des zones de plantations d’épicéa qui auparavant étaient des zones humides que l’on a dû drainer pour permettre ces plantations, pour ensuite nous les redonner. Ça n’a pas de sens ».
Concernant la disparition de terres agricoles, Jean-Jacques Orfeuvre insiste sur le fait qu’aucune réserve foncière n’a été prévue pour compenser cette disparition. « Ce manquement est très rare dans ce genre de dossier, d’autant plus pour un projet qui date des années 1990 », précise le vice-président de la FNE Haute-Loire.
« Un budget colossal mal investi »
Selon la Région Auvergne Rhône-Alpes, qui a pris la maîtrise d’œuvre de ce chantier, le coût global du projet s’élève à 226 millions d’euros. « Ce budget colossal, qui va sûrement exploser au cours du chantier comme presque à chaque fois pour ce type de projet, est mal investi. Ce projet ne s’inscrit pas dans la réalité qui est celle de ce siècle », avance Pierre Pommarel, de l’association AUTA FNAUT. En effet, les quatre associations rappellent qu’elles ne sont pas contre des travaux de sécurisation, mais estiment qu’il y a d’autres alternatives, moins coûteuses et moins impactantes pour l’environnement. Par exemple, les associations proposent une déviation à 2x1 voies du bourg de Saint-Hostien, en concertation avec les habitants. « Le linéaire serait au maximum de 2 km. Même si un coût de 15 M€/ km était nécessaire pour une réalisation très qualitative, on resterait à moins de 30M€ pour 2 km », précise Pierre Pommarel.
Concernant la zone du Pertuis, les opposants au projet estiment que l’économie locale est dépendante de ce passage routier et qu’une traversée plus calme et mieux encadrée pourrait être une alternative viable. « Nous ne nous opposons pas à tout, notez d’ailleurs que nous ne nous opposons pas aux travaux engagés sur la portion d'Yssingeaux qui demande à être sécurisée », insiste Jean-Jacques Orfeuvre.
« Il est vraiment déplorable qu’en Haute-Loire, nous soyons ultra-dépendants à la voiture » Pierre Pommarel
« Une telle somme d’argent investie ici pourrait, et devrait, être investie ailleurs, dans le développement d’alternatives au transport routier. Par exemple entre Yssingeaux et Le Puy, il n’existe que deux bus par jour, aux horaires des scolaires. Sur une étude que nous avons menée, nous avons estimé qu’un bus toutes les heures sur cette zone coûterait 450 000 €/an. Nous demandons également l’amélioration des lignes ferroviaires, pour qu'elles soient notamment plus rapides, surtout entre Le Puy-St-Etienne-Lyon, avec l’ouverture d’une ligne directe. Ce coût devrait s’élever selon nos estimations à 3M€ par an. Il est vraiment déplorable qu’en Haute-Loire, nous soyons ultra-dépendants à la voiture. Le but est de proposer des alternatives qui soient compétitives en termes de temps de trajet avec la voiture. Si on propose aux gens une alternative aussi rapide que la voiture, plus écologique et surtout plus économique, ils s’en serviront, explique Michel Pommarel. Concernant les travaux et nos propositions d’alternatives, en comptant large, on pourrait rester à une dépense inférieure à 50 M€ pour les aménagements routiers et donc utiliser les 150M€ restants à développer les alternatives au tout routier en Haute-Loire. »
Appel aux dons : « Nos moyens financiers sont limités, pas ceux de l’État et de la Région AURA »
Déposer un recours auprès du Conseil d’État a un coût ; 6 000 € minimum pour un avocat agréé par le Conseil d’État, obligatoire ici. C’est pourquoi ces associations lancent un appel aux dons sur la plateforme Helloasso.