Les habitants de Saint-Julien Chapteuil et des alentours n’ont eu qu’une journée pour profiter de la campagne de tests Covid proposée par la Région Auvergne Rhône-Alpes qui s’étalait du 16 au 23 décembre derniers. Bien sûr, les Capitoliens ont pu se faire tester dans une autre commune un autre jour. Samedi 19 décembre, une centaine de personnes ont tout de même rejoint le bus de la Région. Là, ils n’ont pas été accueillis par leurs professionnels de santé habituels. Car les cinq infirmiers, cinq kiné, trois médecins et le pharmacien de la commune ont décliné la proposition, renonçant ainsi aux 300€ par jour de gratification. Trois semaines auparavant, sur la base d'un courrier de la Région, la municipalité les a conviés à une réunion et leur a proposé de fournir des locaux, du matériel informatique, etc. Mais d’un commun accord, la réponse a été négative. Certes, il aurait fallu se rendre disponible, chose qui n’est pas aisée, mais la raison est moins logistique que médicale.
Tests antigéniques : 40 % de faux négatifs
Le pharmacien Aurélien Fourcade liste les arguments soulevés. « Tout d’abord, pour véritablement casser les chaînes de contamination il aurait fallu que les dépistages soient réellement massifs. » Il convient bien que la France ce n’est pas la Chine ou la Corée du Nord, mais en laissant les tests à la bonne volonté de chacun, la campagne perd, pour lui, beaucoup de son intérêt. Et de comparer la centaine de personnes testées par le bus de la Région samedi dernier à la population totale de Saint-Julien Chapteuil, soit près de 2 000 habitants, sans compter les villages environnants. « Que voulez-vous faire avec 5 % de la population testés ? » interroge-t-il.
Les faux positifs, un vrai mystère
Les faux positifs n’existent pas en théorie avec des tests validés par la Haute Autorité de Santé. Or, il y en a eu, y compris à Saint-Julien Chapteuil. « Sur huit personnes au résultat positif en test antigénique, six étaient en réalité négative après un test PCR et deux ne nous ont pas rappelés pour nous donner leurs résultats », nous informe Emmanuel Picolot, infirmier capitolien.
Deuxième argument, les quelque 40 % de faux négatifs par la technique des tests antigéniques parmi les personnes asymptomatiques. « Il faut savoir que les tests antigéniques sont efficaces au moins à 80 % entre 0 et 4 jours après l’apparition des symptômes, précise le pharmacien, en dehors de ça, leur fiabilité chute drastiquement. Alors allez expliquer à quelqu’un qui a un test négatif qu’il est peut-être positif ! »
Troisième argument : entre samedi 19 décembre ou même mercredi 23, dernier jour de la campagne régionale, les personnes testées négatives ont largement le temps de s’infecter d’ici leurs rassemblements familiaux. Il lui aurait semblé plus judicieux d’organiser des dépistages massifs 15 jours après Noël pour casser les chaînes de contamination « parce que le virus va forcément se propager pendant les Fêtes, même si les gens sont attentifs, qu’ils ne sont que six adultes à table, ils ne vont pas remettre le masque entre chaque bouchée ! »
Autre aspect ayant froissé les professionnels de santé capitolien, c’est le terme « gratuit » affiché en gros par la campagne de la Région. Or, si la personnes testée ne débourse rien, la Sécurité sociale, elle, le fait, sachant que la réputation du « trou de la Sécu » n’est plus à faire. En fin de compte, ce sont tous les contribuables qui paient.
À quel prix ?
Selon Laurent Wauquiez, la Région a dépensé un peu plus de 13M€ pour l'achat des tests, 5M€ pour le matériel de protection et 1M€ pour l'organisation. Des sommes entièrement financées, selon lui, par les économies réalisées au cours de ces quatre dernières années de mandat et non pas par de la dette ou de l'augmentation d'impôts.
Les pharmacies qui pratiquent les tests antigéniques font, quant à elles, une belle marge. Pour un test acheté près de 5 euros, elles facturent 35 euros à la Sécu pour le prélèvement et la recherche de résultat. De là à penser que certaines n’acceptent de tester les personnes sans symptômes que dans un but mercantile, ce n’est pas dit. Les propriétaires de ces officines peuvent être convaincus de l’intérêt de ces tests en termes de santé publique. « Encore une fois nous n’avons pas la science infuse », relativise Aurélien Fourcade qui n’a accepté de réaliser qu’une trentaine de tests antigéniques depuis que les pharmacies y sont autorisées (depuis le 17 octobre). « Tous les jours, des gens m’appellent pour passer des tests antigéniques sans symptômes, témoigne-t-il, je ne le fais pas, à moins que ce soit une demande d’un médecin de ville avant une opération ou d’une compagnie aérienne par exemple ». En tout état de cause, les professionnels de santé de Saint-Julien Chapteuil ne prétendent pas détenir la vérité dans cette crise sanitaire ô combien confuse. Ils ont simplement pris une décision en conscience et ont accepté de l’expliquer pour les lecteurs de Zoomdici.