Lancé au Puy le 25 novembre 2019 avec 11 restaurants partenaires, Uber Eats en compte aujourd’hui plus d’une vingtaine. Un chiffre qui a donc doublé notamment sous l’effet confinement mais aussi en dehors de ces périodes. L’activité est certes dynamisée par l’épidémie de Covid-19 mais l’extension d’Uber Eats au Puy faisait partie de sa stratégie bien avant le déclenchement de la crise sanitaire (la plateforme est d’ailleurs présente dans des villes de plus petite taille que Le Puy). Pour répondre à la demande grandissante au Puy, Uber aimerait augmenter encore le nombre d’établissements partenaires et en diversifier les profils. A l’heure actuelle, au Puy, la plateforme compte des chaînes internationales comme Mc Donalds, Quick ou Subway, mais aussi des restaurants locaux indépendants et des boulangeries. La plateforme est aussi ouverte aux fromagers et charcutiers.
« Pour inviter de nouveaux restaurants à nous rejoindre, on a supprimé notre taux de commission sur toutes les commandes de ventes à emporter durant tout le second confinement jusqu’à fin décembre et on a supprimé les frais d’activation de 600 euros sur la plateforme », précise Guillain Borde, responsable de l’expansion d’Uber Eats en France qui ajoute qu’il n’y a pas de frais de désengagement s’ils veulent s’arrêter non plus. Le taux de commission standard sur le marché est de 30 % (il peut aller jusqu’à 36%) ce qui comprend la livraison, la plateforme utilisée par les clients et le matériel pour recevoir la commande au sein du restaurant.
Parallèlement, Uber Eats a prévu dans les prochains mois de s’étendre au-delà du centre-ville pour desservir les communes périphériques. Il s’agira d’un rayon de près de 7 km autour du centre avec un secteur qui s’étend beaucoup plus vers l’Est et le Sud-Est, c’est-à-dire les zones plus peuplées.
Et ailleurs en Haute-Loire ?
En dehors du bassin du Puy, Uber ne prévoit pas d’autre extension à court terme.
Besoin d'une quinzaine de livreurs supplémentaires au Puy
Pour accompagner cette extension, mais aussi mieux répondre à la demande actuelle, Uber Eats lance un appel à toute personne souhaitant devenir livreur. « Aujourd’hui on pense qu’il nous faudrait une quinzaine de livreurs supplémentaires au Puy », estime Guillain Borde. Ça ne serait pas de trop si l’on en croit Alexandre Obrier, de L’Impériale Pizza, la plus vieille pizzeria du Puy : « Parfois il faut les attendre longtemps, notamment en cas de mauvais temps, c’est arrivé pendant le premier confinement notamment. Ils livrent pour une vingtaine d’établissements du Puy alors forcément ils ne peuvent pas être partout. » Celui qui se décrit lui-même comme « le mauvais élève d’Uber » préfère faire appel à ses propres livreurs salariés « 80 % du temps ». Il en a trois le week-end et un, voire deux en semaine. D’autant qu’un livreur Uber lui coûte beaucoup plus cher. « Avec un commissionnement de plus de 30 % sur les commandes, ça peut représenter 600 à 800 euros par semaine. Par exemple, la première semaine du premier confinement, Uber a pris un peu plus de 800 euros ; jamais un livreur ne coûte autant par semaine ! » Mais le pizzaiolo a l’avantage de recevoir un gros volume de demandes de livraisons. Uber présente surtout un avantage pour les restaurants qui réalisent peu de livraisons, ne pouvant donc pas supporter le coût d’un livreur salarié.
Sami* fait partie des tout premiers livreurs Uber au Puy. Il émet une idée : « Ce qui me dérange avec Uber c’est que les petits patrons de restaurants se font vraiment taxés, ce serait bien s’ils pouvaient monter un système de livraisons locales organisé entre restaurants avec un pool de livreurs salariés, je pense qu’ils gagneraient au change. »
« Certains clients ne se soucient pas du prix et donc de la commission de 30 % à 36 % prise par Uber. Ils se font livrés par exemple pour un simple café ou une glace… pour moi c’est un caprice », confie Sami.
Pour Alexandre Obrier, Uber Eats a légèrement augmenté son panier moyen car la très vaste majorité de ses ventes se faisaient déjà en livraison ou à emporter (l’espace restauration créé il y a trois ans ne compte que 15 places, quand il n’est pas ferme administrativement). Mais il a tout de même choisi d’adhérer à Uber Eats pour aller un peu plus vite. « Ça facilite énormément la prise de commandes par rapport au téléphone, explique-t-il, comme Just Eat qui est arrivé au Puy quelques mois avant Uber, au printemps 2019, mais qui ne fait pas la livraison. » En effet, tout est renseigné, sauf les coordonnées du client, regrette-t-il. « C’est mon petit bémol parce que parfois mes livreurs ont besoin de joindre les clients si jamais ils ne viennent pas à la porte chercher leur pizza. On n’a même pas les noms de famille pour choisir la bonne sonnette d’immeuble ; on n’a que des prénoms. Les plateformes le justifient par la protection de la vie privée des clients mais ce n’est pas pratique. »
Ce qui n’est pas pratique non plus, particulièrement au Puy, c’est la topographie de la ville. « Au début j’étais à vélo, même en électrique, et c’est pas possible, confie Sami, il y a les pavés en vieille-ville et l’épuisement s’il faut aller livrer en haut à Taulhac ». Il se souvient aussi de la galère en été quand certaines rues de la vieille-ville sont piétonnisées comme la rue Pannessac. « Mais la plupart des gens sont compréhensifs, ils se décalent », sourit-il derrière son masque. « En hiver, il vaut mieux ne pas circuler à scooter, poursuit-il. Moi-même je l’évite, je livre en voiture l’hiver [le règlement d’Uber Eats l’interdit pour ne pas engorger les abords des restaurants et pour des motifs écologiques, seuls les deux-roues, motorisés ou non, sont autorisés mais qui va vérifier ?, Ndlr]. Il faut juste éviter de bloquer la circulation dans les petites ruelles. Mais il vaut mieux ça que de se retrouver à l’hôpital. Je n’ai jamais été blessé en livraison ; je touche du bois. A ma connaissance, deux livreurs Uber du Puy ont des accidents mais heureusement c’était plus matériel que physique. » Quand un livreur Uber se blesse au travail, comme il est auto-entrepreneur il n’est pas couvert. C’est leur propre mutuelle qui joue. « Mais je pense pas que ma mutuelle me couvre si un jour j’avais un accident grave sur le long terme », remarque Sami.
Pas de contaminations au Covid jusqu'ici mais beaucoup d'anxiété
L’autre danger qui guette les livreurs Uber c’est celui d’attraper le virus en livrant aux particuliers. « C’est compliqué oui. J’évite d’entrer dans les immeubles comme la plupart des livreurs. Certains clients nous demandent de monter chez eux parce qu’ils sont cas contact et donc il y a encore plus d’appréhension. S’il y a un ascenseur, je vais déposer le colis dedans simplement par exemple. Parce qu’en Haute-Loire on connaît tous quelqu’un qui a eu le Covid ou qui en est décédé alors il faut être prudent. Surtout qu’on livre une quinzaine de personnes par soirée, parfois des groupes. Je ne connais aucun livreur qui a été contaminé mais beaucoup se sont faits tester parce qu’ils avaient un doute. » Des tests de leur propre chef. « Uber n’a jamais envoyé de gel hydroalcoolique ou de masques, note-t-il, par contre des procédures, ils en donnent tout le temps, mais rien n’est respecté puisqu’il n’y a personne pour vérifier. » Pourtant Guillain Borde indique qu’Uber a mis en place des remboursements de 25 euros par mois pour tous les coursiers pour qu’ils s’équipent en masques et en gel. Et depuis le premier confinement, la plateforme a rajouté sur la prise de commande une option « livraison sans contact ».
S'équiper à ses frais
Pour une veste Uber Eats, un livreur doit débourser 70€. Le sac à dos coûte 90€.
Les revenus des livreurs auto-entrepreneurs, eux, varient beaucoup. « En ce moment, avec la crise, si on fait 350 euros la semaine c’est bien, livre Sami. Sinon hors crise, ce serait 100 euros de plus. Pour une course au Puy même, on est rémunéré entre 3 à 3,60 euros. Si on sort en petite couronne, ça peut atteindre 5,50 euros. » Mais à cela il faut déduire les charges que les livreurs doivent payer à l’Urssaf. « Pour donner une idée, sur 1 000 euros, la cotisation coûtera presque 200 euros », estime Sami. Concernant la retraite, il cotise à l’Urssaf tous les trimestres. Pour ceux qui touche l'ACCRE (aide à la création d'une auto-entreprise), ils ne versent que 0,9 %. Après, sans l’ACCRE, la première année c’est 12 % et ça peut monter jusqu’à 18 %.
Pas de prime à la rapidité mais des notes
La rémunération du livreur comprend un fixe avec une base kilométrique. À cela s’ajoute des chiffres d’affaires minimum garantis. Par exemple au Puy, un dimanche, Uber garantit 16 ou 17 euros de l’heure entre 19h et 22h si les courses réellement effectuées n’atteignent pas ce montant. Ensuite, il y a des primes. Sur des périodes de fortes activités, Uber ajoute un ou deux euros par course, par exemple lors de grosses opérations promotionnelles ou en période de grands événements sportifs qui génèrent beaucoup de demande. Enfin, une prime aux intempéries est prévue en cas de fortes précipitations par exemple. En revanche, il n’y a pas de prime à la rapidité, aucun délai n’est imposé. « Le but c’est de préserver la sécurité et par extension la santé des livreurs », souligne Guillain Borde. Mais les livreurs ont une pression ailleurs car ils sont notés par les clients. « Moi perso ça ne me dérange pas, répond Sami, mais malheureusement ça devient partout comme ça. En cas de mauvaises notes, les comptes des livreurs peuvent être bloqués. Ici c’est jamais arrivé à ma connaissance. » Les restaurateurs notent également les livreurs. Mais les livreurs peuvent aussi noter les restaurateurs. Restaurateurs également notés par les clients.
« La crise a augmenté les livraisons de repas au premier confinement ; au Puy c’était vraiment énorme, témoigne Sami. Mais le second confinement a handicapé vraiment tout le monde : le peu de restaurants encore ouverts et nous aussi, on travaille beaucoup moins. Parce que pour un restaurant, c’est pas rentable d’ouvrir seulement pour quelques commandes, surtout avec le commissionnement d’Uber. »
Ce que Sami apprécie dans cette activité c’est sa flexibilité : « Ça me convient parce que j’ai des enfants en bas âge donc j’ai du temps pour m’en occuper et avec mes revenus Uber j’aide mes enfants plus grands qui font des études. Pour l’instant c’est ma seule activité. A l’origine, j’ai un autre travail que je n’ai pas encore repris. » Contrairement un livreur salarié qui travaille à heures fixes, un livreur Uber peut décider de ne travailler que deux heures par-ci, trois heures par-là. Il peut se connecter quand et où il veut (même dans d’autres villes où Uber est présent). Certains ne le font que les soirs de week-ends, là il y a la plus forte activité. Ils n’informent pas Uber au préalable de leurs intentions ; il n’y a pas de planning prévisionnel donc Uber n’a aucune visibilité sur la disponibilité des livreurs.
Sami ne compte pas faire livreur Uber toute sa vie. En effet, Guillain Borde présente cette activité plutôt comme un revenu d’appoint mais pas une activité unique sur plusieurs années. « Après je pense qu’il y aura à l’avenir de plus en plus de métiers comme ça et de nos jours est-ce qu’on a vraiment le choix ? Tout est bon à prendre pour travailler », relativise Sami qui remarque que ça évite à certains jeunes de faire des bêtises pour gagner un peu d’argent. Mais tous les âges et toutes les classes sociales sont représentées parmi les livreurs : il y a des travailleurs en 2e métier, des chômeurs, des retraités (un retraité vient de Brioude jusqu’au Puy sur son deux-roues), des étudiants (dont le turnover est le plus élevé)…
Une "grève" de deux jours pour enfin parler à quelqu'un
« Tous ceux qui ont démarré en même temps que moi sont encore livreurs Uber, constate Sami. À l’origine on était huit. Aujourd’hui on est plus d’une trentaine ». Des auto-entrepreneurs qui se connaissent à force ; parfois ils attendent les commandes ensemble en discutant. Comme il y a du travail pour tout le monde, la bonne entente règne. Les livreurs s’entraident sur les petits soucis technologiques ou autres. « Par exemple, il y a eu un problème avec Uber il y a deux semaines, relate Sami, aucun livreur n’a travaillé pendant deux jours. Parce qu’on est vraiment tout seuls. Il y a des responsables mais ils changent très souvent et on n’a pas de numéros de contacts alors y a qu’en arrêtant de travailler qu’on arrive à les avoir. C’est un monde à part, c’est l’Uberisation. » D’ailleurs la création d’un statut pour les travailleurs des plateformes fait l'objet depuis ce vendredi 18 décembre d'une concertation entre le ministère du Travail et les partenaires sociaux.
*prénom d’emprunt