Lieu touristique ? Lieu de culte ? Lieu populaire ? La catégorisation de la statue Saint-Joseph de Bon Espoir peut paraître insignifiante, pourtant, c’est elle qui mène les débats sur la légitimité et la légalité de chaque collectivité à financer cette rénovation.
Une statue, définie à chacun son bon vouloir
Si l’on en prend la définition, un lieu de culte est un endroit où se pratiquent collectivement les rites d’une religion. « Ici, les croyants ne se réunissent pas dans la statue, mais dans le sanctuaire », explique Paulette Malartre, la secrétaire de l’association La Libre Pensée de Haute-Loire. Elle n’est pas la seule à le dire. Le père Ollu, recteur du sanctuaire, le confirme : « il n’y a pas de culte dans cette statue. »
Toutefois, la région, la communauté d’agglomération, et les autres corporations qui financent les travaux justifient leurs donations par la loi de 1905, retoquée en 1942, en lui attribuant une dimension cultuelle.
« C’est un détournement de la loi de 1905 »
La première loi, adoptée au début des années 1900 ordonne la séparation entre l’État et l'Église. De ce fait, elle interdit toute subvention du gouvernement aux structures religieuses. Mais la modification apportée à la loi par Pétain en 1942 apporte une nuance :
Dans l’article 19, article 2, est stipulé que : « Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux édifices affectés au culte public, qu’ils soient ou non classés monuments historiques. »
Mais alors si l’on ne parle pas de culte pour la statue, comment justifier le financement des collectivités ? Le père Ollu, membre du diocèse en est « incapable », et nous renvoie à la région, tout comme la mairie d’Espaly-Saint-Marcel. La communauté d’agglomération reste, quant à elle, muette et préfère ne pas donner suite à nos sollicitations.
Sur le site du Sénat est inscrit que « les collectivités territoriales peuvent financer l'entretien et la conservation des édifices cultuels dont elles sont propriétaires », mais il faut bien préciser qu’en plus de ne pas être associée au culte, « la statue appartient au site du diocèse », comme le précise le père Ollu.
Une question de laïcité
Guy Vallery, le président de l'association Libre Pensée Haute-Loire, estime que cette justification est « un détournement de la loi de 1905. ». Pour l’ensemble du collectif : « La laïcité est bafouée. C’est une volonté délibérée d’enfumer tout le monde. ». Cette incompréhension et cette colère découlent également du changement de position de la Région.
Laurent Wauquiez avait déclaré au micro de RCF en 2016, quand l’idée de la rénovation naissait, que « ce monument n'est ni classé, ni inscrit et s'il est un emblème de la commune d'Espaly-Saint-Marcel et du bassin du Puy, il ne s'agit pas d'une compétence du conseil régional, alors pourquoi se mobiliser pour cet édifice ? »
Finalement, quelques années plus tard, la Région finance le projet en donnant 600 000 euros. Aucune explication claire n'a été donnée. Renaud Daumas, membre de l’opposition au conseil régional explique que « la région a essayé de contourner la loi et a demandé de créer une association pour pouvoir offrir ses aides ».
Un édifice privé, rénové avec l’argent public
Pour ces travaux, le diocèse, qui finance la rénovation à hauteur de 230 000 euros, a aussi dû trouver d’autres partenaires. Le financement de ce gros projet s’élève à environ un million d’euros. Michel Joubert, le président de la Communauté d'agglomération du Puy-en-Velay s’était exprimé en novembre dernier lors de la présentation à la presse du projet de rénovation de la statue. « Il fallait trouver la bonne formule juridique pour pouvoir participer… sans que certains ne puissent nous reprocher d'être hors cadre », avait complété Laurent Duplomb, un sénateur de Haute-Loire.
Si ce reproche risquait d’être fait, c’est aussi et surtout parce que plus de 80 % de l’argent utilisé pour les travaux est de l’argent public. « C’est nous qui payons les impôts, ceux de la commune, ceux de l’agglo, du Département et de la Région. Ce sont nous qui payons la rénovation. » Les trois collectivités (Commune d’Espaly, Communauté d’Agglomération, Département.) participent à la rénovation de la statue chacune à hauteur de 50 000 euros. L'enveloppe est aussi complétée par les dons faits à la fondation du patrimoine.
Le diocèse reçoit également 200 000 euros du mécénat, et 50 000 euros d’aides européennes en lien avec le programme LEADER (Liaison entre les actions de développement de l’économie rurale). Les financements sont permis dans ce cadre-là uniquement lorsque les travaux s’inscrivent dans une dynamique de stratégies de développement du territoire. Ici, celle-ci pourrait s’expliquer par la dimension touristique de la statue qui vise à se développer.
Marie Gardès