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Léandre Marcon, un baroudeur "into the wild"

Par . . , Mise à jour le 16/04/2024 à 06:00

"Tout est conforme à ce que j'attendais : la météo est rude, le vent souffle fort, il pleut et les températures sont négatives la nuit, je suis totalement dans mon élément". C'est le premier témoignage reçu par la rédaction depuis le départ de Léandre Marcon sur les chemins de Saint-Jacques, il y a une semaine. Amoureux des espaces sauvages et pèlerin de l'extrême, le jeune baroudeur espère rejoindre l'extrémité de la Galice à l'issue d'un périple en solitaire. Dans des conditions particulières. 

Relier les plateaux granitiques du Velay aux plages sauvages des confins de la Galice. Enchaîner d'une seule traite la Via Podiensi, le Camino Francès et celui de Fisterra. Parcourir 1800 kilomètres en 75 jours. Traverser les crêtes volcaniques vellaves, les landes de Margeride, les prairies, les lacs et les ruisseaux de l'Aubrac. Le Quercy rocailleux, la verte vallée du Lot. Goûter aux premières effluves méditerranéennes. Partir à l'assaut des Pyrénnées et du col de Roncevaux. Atterrir en Espagne. Traverser Pampelune. Parcourir la Galice... dominer Santiago et finir peut être par brûler ses vêtements, comme le veut la tradition, sur "La Costa da Morte" tout au bout de l'Europe, du côté de Fisterra.

C'est le pari que s'est fixé Léandre, jeune baroudeur de 24 ans parti début avril, comme d'autres pèlerins, à l'assaut du GR 65. Mais à sa manière. Sans concessions. Portrait ensauvagé d'un jeune baroudeur. 

"Un jour, je me suis demandé si la vie c'était être condamné à vivre tous les jours la même chose."

Léandre Marcon a fini ses études il y a quelques années déjà. Un CAP. Option cuisine : "Avec un nom comme ça, j'étais sans doute prédestiné", plaisante-t-il, avant de préciser qu'il n'a rien à voir avec le grand chef étoilé, même s'il ajoute qu'il a été formé chez les meilleurs, histoire de rendre un hommage ému au personnel du lycée Jean Monnet auquel il prétend devoir beaucoup. 

Sa vie professionnelle démarre sur les chapeaux de roue. Un passage à "la Distillerie", un autre du côté de "Comme à la maison". En tant que cuisinier. Mais les premiers doutes arrivent : "Un jour, je me suis demandé si la vie, c'était être condamné à vivre tous les jours la même chose, à faire éternellement les mêmes gestes, à vider sa boite aux lettres tous les soirs". Cette question tout le monde se l'est posée, au moins une fois dans sa vie. Mais pour Léandre, elle est existentielle. 

N'allez pas croire pour autant que le jeune homme est à côté de ses pompes. Bien au contraire. Léandre a la tête sur ses épaules. Il est droit dans ses bottes. Équilibré et avenant. Mais avec certaines choses en plus : un petit grain de folie et un penchant bien aiguisé pour la liberté, la nature et le sauvage.

Un penchant bien aiguisé pour la liberté, la nature et le sauvage Photo par Léandre Marcon

"Le kayak m'a permis d'établir un tout nouveau lien avec la nature."

Au lycée, comme pour pas mal d'ados, le sport, ça lui "prenait la tête". En plus de cela, Léandre souffre à l'époque d'une forme d'asthme assez sévère. Mais un jour, on l'invite à faire une virée en kayak. C'est la révélation : "Le kayak m'a totalement retourné la tête. Ça m'a réconcilié avec mon entourage et mon environnement proche. Ça m'a permis d'établir un lien très particulier avec la nature, de découvrir des paysages totalement inédits, de changer de perspective tout en glissant sur l'eau. C'est comme ça que j'ai appris ce que c'était, la vraie liberté". 

C'est le début de sa mue. L'adolescent un peu "flemmard et mollasson" s'endurcit puis se transforme en jeune adulte accro aux défis en "pleine nature", aux endorphines et au vertige des grands espaces. Son asthme se stabilise et finit par disparaître. Son corps s'endurcit et son mental se forge. 

"Ce que j'aime plus que tout c'est l'aventure, affronter les éléments naturels.

Mais Léandre, de son propre aveu, n'est pas un sportif comme un autre : le collectif, la compétition, ce n'est pas ça qui le fait vibrer. Sa passion pour le sport relève de l'intime. Il hésite à se définir comme "un baroudeur solitaire " ou "un solitaire baroudeur" : "Ce que j'aime plus que tout, c'est l'aventure, affronter les éléments naturels tout seul comme un grand, aller au bout de moi-même en ne comptant que sur moi-même". 

Au début du mois de mars dernier, lorsque la Haute-Loire était placée en vigilance météo pour le vent, les pluies et les crues durant tout un week-end, que beaucoup de ses amis étaient restés chez eux devant la dernière saison de leur série fétiche, Léandre, lui, a planté sa tente au bord de l'Allier pour y passer deux nuits, bercé par les bourrasques de la tempête et menacé par la montée des eaux : "Être confronté ainsi aux peurs ancestrales de l'espèce humaine face aux éléments en délire, c'est le kiff total pour moi, un shoot d'adrénaline auquel je suis totalement accro."

Car le jeune homme ne se reconnait pas forcément dans les préoccupations des autres de son âge. Encore moins dans la société actuelle qu'il juge "trop technologique, trop confortable et beaucoup trop connectée". Il regrette que ses contemporains se soient  "en grande majorité trop éloignés du contact réel avec la nature et tout ce qui est sauvage". Lui refuse catégoriquement, pour le moment, de faire trop de concessions.

Partir sur les chemins pour retrouver cet instinct primitif et sauvage Photo par Léandre Marcon

"Je pars sur les chemins pour retrouver cet instinct primitif et sauvage.

Pour son nouveau défi, sur les chemins de Compostelle, il ne veut dépendre et ne rendre de compte à personne. Son projet, il l'a financé lui-même, en travaillant plusieurs mois dans l'industrie chimique du côté de Saugues. Il n'a réservé aucun gîte. Aucune voiture balais. Ne dispose pas de grands moyens, ni d'un équipement dernier cri. Ne compte sur aucun groupe pour le soutenir. Ou alors sur les quelques rencontres qu'il fera, au hasard de la route.

L'idée de ne pouvoir compter que sur lui-même, c'est ça qui le motive. Et rien que ça : "La marche, l'orientation, la résistance, on a tout ça ancré en nous. Le monde moderne et son confort nous en a éloigné, moi, je pars aujourd'hui pour retrouver cet instinct primitif et sauvage". 

Trente kilomètres de marche quotidienne donc, et les nuits "à la fraiche, sous la toile et les arbres, histoire de se reconnecter à l'essentiel : la nature et les éléments naturels". Une parenthèse ouverte dans sa vie, dont Léandre ignore encore quand elle se refermera. Dès l'automne, le baroudeur ponot, s'envolera pour le Népal, direction le camp de base de l'Everest. 

Vous pouvez suivre ses aventures en vous abonnant à son compte Instagram : https://www.instagram.com/leandremarcon/?hl=fr

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