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Inscription du droit à l'IVG dans la Constitution : céder ou protéger ?

Par Clara Serrano , Mise à jour le 04/03/2024 à 06:00

Les deux sénateurs de Haute-Loire n'ont pas voté "comme un seul homme" : Olivier Cigolotti "pour", Laurent Duplomb "contre". Le 29 février, le Sénat a approuvé l'inscription du droit à l'interruption volontaire de grossesse dans la Constitution. Une décision qui a permis au Président de convoquer l'ensemble des parlementaires en Congrès ce lundi 4 mars. Une date historique, à quelques jours de la journée internationale des droits des femmes.

Ce lundi 4 mars, Emmanuel Macron a convoqué l'ensemble des parlementaires (députés et sénateurs) pour un Congrès historique, durant lequel ils devront à nouveau voter pour ou contre l'inscription du droit à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution. À quelques jours de la journée internationale du droit des femmes (8 mars), ce jour peut-être qualifié d'historique pour le pays et pour ses femmes, si le vote s'avère positif. Mais pour cela, le texte doit être approuvé aux 3/5e minimum. 

Le 30 janvier, ce sont les députés qui ont voté "pour" à l'Assemblée Nationale.Le 29 février dernier (jeudi), les sénateurs ont approuvé cette décision à 267 votes pour et 50 votes contre, sur 339 votant et 317 votes exprimés. Parmi eux, les deux élus de la Haute-Loire, Olivier Cigolotti et Laurent Duplomb n'étaient pas d'accord. Le premier a voté pour, le second a voté contre.

Olivier Cigolotti au sénat Photo par DR

« Il est important de sécuriser dans la constitution le droit des femmes et leur droit à disposer de leur corps », Olivier Cigolotti, sénateur de la Haute-Loire. 

Olivier Cigolotti, sénateur de la Haute-Loire, occupant du siège 123 et membre de l'Union Centriste précise son choix de voter pour ce texte : « Nous sommes dans un contexte où la montée des populismes et les extrêmes est réelle. Il y a quelques années, on voyait ces mouvements émerger aux États-Unis, en se disant que cela ne pourrait arriver en Europe. Aujourd'hui, voyez ce qu'il se passe en Hongrie, en Pologne, où le droit des femmes est bafoué. À mon sens, il est important de sécuriser dans la constitution le droit des femmes et leur droit à disposer de leur corps. »

Il nuance en revanche : « Je suis conscient qu'il n'y a pas lieu d'inscrire toutes les garanties que l'on souhaite dans la constitution sinon il n'y aurait pas d'intérêt à légiférer mais il faut sécuriser certains droits. Car un gouvernement arrivant au pouvoir peut plus aisément modifier une loi que la Constitution. »

Alors il se montre satisfait du texte qui a été voté, et de la tournure du débat : « Au départ, je m'étais abstenu, car certains points du texte ne me convenaient pas. Mais les débats ont permis de le modifier, et il me satisfait aujourd'hui totalement. C'est pourquoi j'ai voté pour. On peut d'ailleurs imaginer que si le Président de la République a décidé de réunir en Congrès tous les parlementaires, c'est que les votes de l'Assemblée Nationale et du Sénat vont permettre de réunir les 3/5e nécessaires. » En effet, pour que la Constitution soit modifiée, il est obligatoire que les votes de ce Congrès soient positifs à 60 %. 

Puis il conclut qu'il comprend et qu'il respecte ses homologues ayant émis un vote négatif. Parmi eux, se trouve d'ailleurs le second sénateur altiligérien, Laurent Duplomb.

Laurent Duplomb, sénateur de la Haute-Loire. Photo par Sénat

« Céder aux craintes et aux doutes, c'est aussi perdre sa liberté », Laurent Duplomb. 

Pour Laurent Duplomb, également sénateur donc, et membre du groupe Les Républicains assume son vote contre, qui a fait l'objet de longues réflexions. « Ce n'est pas une réflexion simple. C'est en quelque sorte du courage, de ne pas répondre aux sondages, à la pression médiatique. Mais ce qu'il faut retenir de ce vote, ce n'est pas que je m'oppose à l'IVG ou au droit des femmes d'y avoir recours. J'estime en revanche que la Constitution ne peut pas se résoudre à être un catalogue des droits ou des craintes et des doutes sociaux. C'est là la différence avec les lois. »

En effet, selon lui, cette inscription du droit à l'avortement découle directement de craintes, qu'il qualifie d'infondées : « Avant cette question de l'inscription ou non du droit à l'IVG dans la Constitution, il n'y avait pas de débat dans l'espace public sur le sujet. Aucun parti politique, aucun groupement, aucune association ne portant sur le devant de la scène un discours visant à supprimer ce droit. Ouvrir ce débat sur le principe d'une crainte importée d'ailleurs, c'est s'appuyer sur des choses qui pourraient arriver, alors que rien ne le présage. »

Il met d'ailleurs en parallèle la situation de femmes dans différents pays : « Si on va dans ce sens, on peut tout écrire dans la Constitution. Par exemple, ce que vivent les femmes victimes des talibans, c'est impensable, et ce dès leur plus jeune âge. Alors pourquoi ne pas inscrire dans la constitution des textes qui éviteraient que ces choses arrivent en France ? »

« Même celle qui n'a pas cédé face aux intimidations et aux pressions, répondait par la négative », Laurent Duplomb.

Puis il revient sur les origines du droit à l'avortement en France, et le positionnement de celle qui s'est battue pour, Simone Veil : « Lorsqu'elle se battait pour l'adoption de cette loi sur le droit à l'avortement, la situation était bien différente. Et je tiens à préciser qu'en 2008, lorsque le président Sarkozy se posait justement cette question de l'inscription où non dans la Constitution du droit à l'IVG, même celle qui n'a pas cédé face aux intimidations et aux pressions, répondait par la négative. » Il tient d'ailleurs là des propos déjà tenus par Olivier Marleix, président des Républicains à l’Assemblée nationale, le 24 janvier dernier sur LCI. 

Il poursuit ensuite sur son rôle de parlementaire, rappelant : « Cette situation répond de mouvements d'humeur de la société. Mon rôle n'est pas d'y répondre. Je comprends qu'il peut y avoir dans de telles questions un aspect passionnel, voir irrationnel. Mais je n'ai pas à tomber dans ça.» Et il conclut, résumant sa position : « Je ne remets ni le droit ni la pratique ni la possibilité de l’IVG, mais cette question de l’inscription me paraît disproportionnée face à la situation du pays et aux craintes de la société. » Et de conclure : « Chaque parlementaire peut s'exprimer, c'est ce qu'on appelle la démocratie. Mais il doit selon moi le faire selon la réalité de son pays et de son peuple, pas sur ce qui peut être importé. »

 

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