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Les Estables : les stations qui fondent comme neige au soleil

Par Clara Serrano , Mise à jour le 20/02/2024 à 06:00

Alors que leur activité est menacée par le réchauffement climatique, les stations de montagne réagissent par deux solutions, la production de neige artificielle et la diversification de leur offre. Yves Gayton, directeur de la station d'hiver des Estables, n'a pas attendu le rapport brûlant de la Cour des Comptes pour agir sur le problème.

Tout le monde constate avec désarroi le manque de neige en montagne causé par le dérèglement climatique à l'œuvre. Selon un rapport de la Cour des Comptes publié le 6 février, nombre de stations de ski font alors le choix d'utiliser des canons à neige pour compenser la carence de cette matière première indispensable à l'activité. 

Ce choix est alors sévèrement pointé du doigt, accusant ce palliatif comme énergivore et destructeur des ressources en eau. Le rapport est lourd de de 147 pages et dépeint une activité touristique dont la seule priorité est la rentabilité des sports d'hiver, encouragée généreusement par la Région.

La seule station de ski de Haute-Loire, située aux Estables, propose elle aussi des activités telles que le ski alpin, le ski nordique et les raquettes. Yves Gayton, le dirigeant, réagit alors à ce communiqué. 

« Au niveau local, on ne se sent pas vraiment concernés. C'est un rapport établi sur de grandes stations. Les petites stations comme les nôtres n'ont pas forcément été entendues. On a déjà bien entamé notre transition, et il y a des arguments qui n'ont certainement pas dû être pris en compte dans cette étude. »

Juridiction financière indépendante, la Cour des comptes est principalement chargée de contrôler la régularité des comptes publics, de l'État, des établissements publics nationaux, des entreprises publiques, de la sécurité sociale, ainsi que des organismes privés bénéficiant d'une aide de l'État ou faisant appel à la générosité du public. Elle informe suite à ses enquêtes, le Parlement, le Gouvernement, et l'opinion publique.

L’enquête réalisée par les juridictions financières a eu pour objet de préciser les conséquences du changement climatique sur le tourisme hivernal en montagne et d’examiner comment les stations s’y sont adaptées . Au total, 42 stations, réparties sur les Alpes, les Pyrénées, le Massif central et le Jura, ont été contrôlées. Celles-ci sont illustratives de la diversité des territoires et des situations . En outre, une base de données a été constituée, comprenant 200 stations des trois massifs concernés, permettant une analyse statistique plus exhaustive.

« Si l’enquête dresse le constat d’un déclin du modèle économique du ski français, elle souligne également que les politiques publiques d'adaptation ne sont pas à la hauteur des enjeux et livre six recommandations qui permettraient de trouver des voies pertinentes de diversification. »

« Les conséquences du changement climatique sont particulièrement perceptibles dans ces zones », lit-on dans le rapport

À l'échelle régionale comme nationale, le rapport fait état d'une situation dramatique, et d'un manque flagrant d'effort pour l'adaptation des professionnels du secteur. 

La région Auvergne-Rhône-Alpes, se caractérise par de vastes espaces naturels qui couvrent près de deux tiers de son territoire (Alpes, Jura, Massif Central) et abritent plus du tiers de sa population. Le poids de l'activité touristique y est donc prépondérant, ainsi que la place que les stations de sports d'hiver y occupent. Or comme chacun le sait, les conséquences du changement climatique y sont particulièrement perceptibles.

« Les conséquences du changement climatique sont particulièrement perceptibles dans ces zones. En particulier, la réduction de la durée de la saison hivernale s’explique par l’augmentation des températures, la diminution du nombre de jours de gels annuels, et l’altération du cycle de l’eau, rendant les précipitations plus aléatoires, si ce n’est moins abondantes. L’enneigement en devient significativement affecté. Toutefois, de fortes disparités sont constatées entre les différents massifs et, à l’échelle de chacun d’entre eux, entre les différentes vallées et expositions. »

En effet, on y retrouve également les données chiffrées, relevées sur les deux trentenaires, de 1962 à 1991 et de 1992 à 2021. Ainsi, en Haute-Loire, la température moyenne a augmenté sur ces deux périodes, de 2,1 degrés, et on compte en moyenne 14 jours de gel en moins. 

Évolution des données climatiques annuelles entre les périodes 1962-1991 et 1992-2021. Photo par ORCAE, Impacts du changement climatique en Auvergne-Rhône-Alpes, février 2023

« Depuis quelques années, nous utilisons deux fois moins d'électricité pour produire le double de neige. De plus, l'eau que nous utilisons est issue du ruissellement, elle n'est jamais pompée dans les nappes, contrairement à ce que pensent beaucoup de gens », Yves Gayton

Les canons à neige comme bête noire

Moins de très basses températures donc, qui ne permettent pas de conserver le peu de neige qui tombe encore sur les massifs. Alors pour maintenir leur économie et proposer des sports d'hiver, les stations se sont tournées vers une solution peu durable et consommatrice d'eau et d'énergie : les canons à neige. 

Il y a déjà près de deux ans, France Nature Environnement mettait en garde face à l'utilisation de ces enneigeurs. Aujourd'hui, c'est au tour de la cour des comptes de se pencher sur le sujet. 

Car cette stratégie est largement soutenue par la Région et son schéma de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII), qui place la sécurisation de la production de neige au cœur de la stratégie d'adaptation des stations de sport d'hiver.

C'est donc ce que dénonce la Cour des Comptes, qui déplore que « celle-ci n’utilise pas pleinement les mesures sur les effets du changement climatique que lui apporte son observatoire régional du climat air-énergie (ORCAE) porté par l’agence régionale Auvergne-Rhône-Alpes énergie environnement (ARA-EE). »

« Il y a de quoi faire en dehors de la neige », Yves Gayton.

Sur le terrain, le dirigeant de la station altiligérienne se défend et souligne une réalité : « Il y a de quoi faire en dehors de la neige et c'est ce vers quoi nous nous tournons. Des initiatives, surtout privées, se montent. Des activités telles que la luge quatre saisons, le vélo, les randonnées, etc. se développent. »

Et face aux détracteurs des canons à neige, il précise : « Depuis quelques années, nous utilisons deux fois moins d'électricité pour produire le double de neige. De plus, l'eau que nous utilisons est issue du ruissellement, elle n'est jamais pompée dans les nappes, contrairement à ce que pensent beaucoup de gens. Et contrairement à la pluie qui tombe lors des phénomènes Cévenols, cette neige fond lentement, ce qui lui laisse le temps de s'infiltrer dans les sols pour rejoindre les nappes souterraines. »

« Nous savons que nous avons encore près d'une décennie avant qu'il n'y ait pratiquement plus de neige en moyenne montagne. Alors nous profitons de ce temps et de la neige qu'on peut avoir, pour établir une transition progressive et efficace. »

Une eau réintroduite donc, mais une pratique tout de même dépendante des températures, qui pourrait donc bien pâtir du dérèglement climatique dans les prochaines années. Alors le directeur de la station explique : « Nous savons que nous avons encore près d'une décennie avant qu'il n'y ait pratiquement plus de neige en moyenne montagne. Alors nous profitons de ce temps et de la neige qu'on peut avoir, pour établir une transition progressive et efficace. » Et de préciser que cette transition sera aussi celle du public, qui ne sera bientôt plus garanti de pratiquer du ski pendant les vacances de Noël et d'hiver, mais qui pourra en revanche participer à de nombreuses autres activités, plus adaptées. 

« Mutualiser les moyens et les idées »

Pour remédier à ces dysfonctionnements et tenter de redresser la trajectoire des stations de montagne, la Cour des Comptes propose en fin de rapport différentes recommandations.

À commencer par la mise en place d'une gouvernance élargie: « Avec une gouvernance centrée sur l'échelon communal et des regroupements insuffisants, l'organisation actuelle ne permet pas aux acteurs de la montagne de s'adapter aux réalités du changement climatique à l'échelle d'un territoire pertinent. »

Une solution déjà mise en place localement, dans un rayon d'environ 20 kilomètres autour de la station : « Nous avons déjà créé une commission avec l'ensemble des acteurs du territoire, de la station et des alentours, et nous nous sommes réunis pour discuter des idées que nous avons pour le développer. Une gouvernance élargie peut être l'occasion d'une mutualisation des moyens comme des idées.»

Un pas de fourmi vers la diversification

Et ce n’est que récemment, que la Région a fait monter progressivement en puissance une politique de diversification de l’activité économique, pour la rendre moins dépendante de la saison hivernale grâce à un second plan montagne (2021). Elle a alors décidé d’un infléchissement de ses politiques publiques à l’occasion de l’adoption de la seconde génération de ses plans. Ce qui lui a permis de faire monter en puissance une politique de diversification de l'activité économique pour la rendre moins dépendante de la saison hivernale.

D'une part, la place des investissements liés à la sécurisation de la neige y est moins importante (même si elle reste le premier poste budgétaire avec 30 M€), d’autre part, la chambre constate la montée en puissance des budgets liés à l’adaptation au changement climatique, en particulier grâce à l’adoption d’un plan diversification au sein du plan montagne (15 M€).

 

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