C'est sans nul doute l'un des stands les plus fréquentés de la place du Breuil en cette période de vogue annuelle : le stand d'Albert, celui dont les croustillons font chanter les palais ponots depuis plusieurs générations déjà. Mais c'est sans nul doute également, l'un des stands qui souffre le plus de l'envolée actuelle des prix.
"On vient d'Etampes avec trois immenses camions. Il faut compter environ 1200 euros par camion en frais de gasoil, une augmentation de prix du simple au double. On est des itinérants, des voyageurs, donc vous vous imaginez bien l'impact qu'a sur nous, l'envolée complètement folle du prix du carburant. On est aussi un des commerces de la Vogue qui utilise le plus de matières-premières. Le prix de l'huile d'arachide a été multiplié par deux, celui de la farine a pris 30 %, celui du papier d'emballage ingraissable devrait exploser dans pas longtemps ".
"Certains d'entre-nous sont également confrontés au pouvoir de police des maires. Au Puy, il n'y a pas de problème avec la municipalité". Stéphane Dubief
On en est où avec la hausse des prix ?
Selon l'INSEE, les prix à la consommation auraient augmenté de 6,2 % en ce mois d'octobre, après une hausse de 5,6 % le mois précédent. Cette inflation serait essentiellement due à l'accélération des prix de l'énergie, de l'alimentation et des produits manufacturés.
Du côté de Maurice et de ses inusables auto-tamponneuses, la hausse des prix se fait sentir également : "Nos recettes restent les mêmes en gros, mais l'ensemble de nos charges augmentent. Tout est de plus en plus cher. Dès qu'une voiturette est cassée, il faut changer la pièce défectueuse, et les prix de certaines se sont envolés, vous n'imaginez pas ! "
Stéphane Dubief, le patron de l' "Al Capone", célèbre stand de tir, est également membre fondateur et secrétaire général de la Fédération Française des Forains qui rassemble toutes les entreprises du secteur de la fête foraine exerçant sur le domaine public.
Pour ce dernier, "la situation est très compliquée actuellement pour les forains. On serre les dents. Il y a eu le covid, maintenant il y a l'inflation qui rogne sur nos marges. Certains d'entre-nous sont également confrontés au pouvoir de police des maires. Au Puy, il n'y a pas de problème avec la municipalité, mais à Toulouse par exemple, le maire a fait déplacer l'endroit habituel de la foire et nous propose un terrain impraticable sur lequel on n'est pas sûrs de pouvoir nous installer convenablement. Certains vont perdre un mois de chiffre d'affaire à cause de ça. Tout ce qu'on demande c'est de pouvoir bosser, et on en a vraiment besoin pour sauver nos entreprises.
Alors comment faire pour s'en sortir dans un tel contexte ?
Ce qui fait l'ambiance de la Vogue en plus de l'odeur des churros et des croustillons, c'est la musique tambourinante et les lumières vives de jour comme de nuit. Mais dans un contexte de flambée des prix, les premières économies à réaliser portent, de l'avis de tous les forains, sur la consommation électrique.
Et c'est là qu'intervient la Fédération des Forains que préside Stéphane : "En fait notre centrale a négocié avec ENEDIS un forfait électrique journalier forain. Ça nous permet pour le moment, d'échapper aux fluctuations du marché de l'électricité. On paye un forfait journalier qui comprend les travaux de raccordement et de déraccordement ainsi que l'énergie évaluée en fonction de la puissance de nos installations. Cela nous fait gagner du temps et aussi un peu d'argent sans doute : les tarifs ont été bien négociés et ne devraient pas augmenter avant la fin de l'année 2023 ".
"On évite de faire tourner nos manèges lorsqu'ils sont seulement à moitié pleins"
Mais cela n'a pas empêché les forains d'effectuer toutes les transformations nécessaires pour rendre leurs installations plus vertueuses en matière de consommation électrique :"Le forfait n'est pas encore mis en place dans toutes les villes ", précise Stéphane. Maurice, comme les propriétaires de l'Air Max ou du Crazy Dance ont du s'adapter : "On a remplacé toutes nos ampoules à filaments par des ampoules LED. Et puis on évite de faire tourner nos manèges lorsqu'ils sont seulement à moitié pleins. Nos clients doivent attendre un peu plus longtemps c'est vrai, mais c'est le prix à payer pour éviter qu'on augmente trop nos tarifs ".
"On n'a pas remarqué au Puy de baisse de fréquentation, les températures exceptionnelles l'expliquent surement"
En matière de tarifs, justement, les forains doivent également fournir quelques efforts : "Nos clients sont surtout des familles de milieux populaires", livre Norman, le roi du croustillon hollandais. "Eux aussi subissent de plein fouet la hausse des prix généralisée. On rogne donc au maximum sur nos marges afin de ne pas trop augmenter nos prix. On a fait une toute petite hausse, mais si ça continue comme ça encore longtemps, si les choses ne se stabilisent pas, alors forcément, à un moment on devra répercuter sur nos tarifs.
II souligne : "Pour le moment pourtant, je pense qu'on a su rester responsable par rapport à la situation : on n'a pas remarqué au Puy de baisse de fréquentation, les températures exceptionnelles l'expliquent surement. Il y a des familles qui viennent croustillonner tous les jours, on les reconnait". Quant à Maurice, il compte sur les économies d'échelle pour s'en sortir : " On a augmenté légèrement à l'unité, mais si nos client prennent plusieurs places d'un coup, ils y gagnent, et puis on travaille un peu plus, on ouvre plus tôt".
Et les clients alors ?
Bruno et Nadège sont venus de Saint-Geney-près-Saint-Paulien avec deux de leurs enfants : "Notre ado nous avait dit que ça avait augmenté. Effectivement les plus petits manèges, ceux pour les enfants, sont passés de deux à trois euros. Y'a des manèges à sept euros le tour, on ne peut pas nous les payer. Notre budget foire reste le même , on se limite à 40 euros, alors du coup on en fait moins, Léa et Matéo sont un peu tristes, mais c'est comme ça, nous aussi on doit s'adapter".
"C'est ça aussi la vogue"
Milo et Florent sont venus pour la première fois à la vogue sans leurs parents : "On a 30 euros chacun, du coup on fait cinq ou six tours sur les manèges qu'on adore et le reste du temps on regarde les autres, c'est ça aussi la vogue ".
La fête foraine du Puy prendra fin le 13 novembre. Quant à l'inflation, elle devrait se stabiliser avant d'entamer un reflux en 2023 pour certains économistes. Pour d'autres cependant, de nombreuses inconnues notamment sur les prix de l'énergie empêchent de l'affirmer avec certitude.