C'est au sud de la Haute-Loire que nous nous sommes rendus. Rendez-vous à la tombée de la nuit, dans un parking près du lieu d'exploration prévu. Car il vaut mieux ne pas trop attirer l'attention sur nous. Lampe torche à la main, nous nous rapprochons de ce fameux hôtel abandonné, ou la végétation a repris ses droits depuis des années.
L'urbex : de l'histoire et des frissons
La pratique de visiter des lieux abandonnés est ancienne. Elle prend de l'ampleur avec les phénomènes de désindustrialisation dans les années 1970-1990, en particulier en Europe et aux États-Unis. Mais le terme Urbex ne se répand que dans les années 2000.
L’exploration urbaine, aussi abrégée en urbex, est une pratique qui consiste à visiter des lieux construits et abandonnés par l'homme. Il peut s'agir d'hôtels, d'usines, d'hôpitaux, de châteaux, de friches industrielles, de souterrains ou encore de nombreux lieux chargés d'histoire. Des histoires que cherchent justement à connaître les "urbexeurs", des explorateurs urbains qui prennent parfois de grands risques pour y pénétrer.
Certains réalisent alors des photos et vidéos pour partager sur internet le fruit de leurs visites, avec une vraie communauté. C'est le cas de Vincent Duseigne, photographe qui partage ses visites sur son site internet et ses réseaux.
Et c'est dans ce petit hôtel altiligérien, "L'hôtel de Solange" que nous nous sommes rendus pour y découvrir son histoire et tenter de se mettre dans la peau d'un urbexeur.
Des lieux chargés d'histoires
Avec cette petite source de lumière, apportée par une petite lampe de poche noire, il cherche la moindre info sur les lieux, les derniers propriétaires, l'année de construction de l'hôtel... Tout est étudié au peigne fin. Factures, menu, photos, et même le calendrier. "Ce qui est bien avec les calendriers, c'est qu'en général, on peut connaitre l'année de fermeture du lieu".
Vincent cherche alors dans la cuisine, dans le salon, les chambres, et surtout le grenier. "C'est mon lieu préféré le grenier. On y trouve bien souvent des traces de l'histoire, laissées là, depuis bien longtemps".
Alors depuis 30 ans, Vincent en a fait sa passion. Chaque fois qu'il a un moment de libre, il parcourt la France, l'Europe et même le monde pour aller explorer ces lieux. "Je suis tombé dedans quand j'avais 11 ans. Au tout départ, je cherchais des fantômes dans des carrières souterraines", nous confie t-il.
Car il l'explique, il y a trois types d'urbex. Ceux qui viennent explorer pour le plaisir, pour se faire peur ou encore, comme lui maintenant, pour l'histoire et la photo. "En continuant, j'ai fait les catacombes de Paris, j'ai commencé à partir à l'étranger. C'est devenu toute la vie, dès que j'ai un moment, j'en fais".
"Derrière les lieux, il y a des gens"
Les années passantes, ses objectifs, d'explorations ont changé et se sont tournés sur l'histoire des lieux. "Au début, j'aimais beaucoup l'aspect graphique, je faisais des photos. Puis ça a rapidement évolué et je me suis rendu compte que derrière les lieux, il y a des gens. Et j'ai rencontré leurs récits de vies, leurs histoires". Alors quand on lui demande pourquoi il fait de l'urbex, la réponse est claire : "Je veux mettre en valeur le parcours des gens".
Mais pour accéder à ces précieuses archives, il vaut mieux être prudent. Car les dangers, il y en a partout.
Une passion à risque
Lampe de poche, basket et caméra. Le trio gagnant pour une cession d'urbex. Mais Vincent nous prévient, il faudra être discret pour ne pas se faire confondre avec des cambrioleurs, squatteurs ou encore casseurs. "Faites attention aux fenêtres", nous prévient-il. "Ne dirigez pas la lampe sur l'extérieur".
L'introduction dans le domicile d'autrui est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende et constitue une contravention de la 4e classe.
Car oui, il ne le cache pas, l'urbex est une pratique illégale. En France, l'explorateur qui pénètre dans des lieux privés s'expose à un risque légal (pénétration avec ou sans effraction dans le bien d'autrui par exemple).
En plus des risques légaux, il a aussi les risques physiques. "On peut rencontrer des junkies, des squatteurs qui ne veulent pas être embêtés et qui peuvent être drogués ou armés", explique l'Ardéchois.
Mais hormis l'humain, les lieux peuvent être gorgés de pièges et de dangers dus à l'usure et au temps qui passe, comme les escaliers qui s'effondrent, des clous ou des risques hygiéniques. "J'en ai malheureusement fait les frais avec trois accidents graves. Je me suis retrouvé seul au fond d'un puits pendant 24 h, sans réseau. Ou la fois où je me suis perdu dans une mine de 12.000 km." Pour anticiper ce genre de situation, il y a donc des principes définis par spécialistes, comme toujours envoyer à un ami un sms en lui disant le lieu et l'heure prévue de retour.
Les codes des urbexeurs
Vincent Duseigne, connaît son sujet. Il sait quels sont les codes de l'exploration urbaine. Elle possède ses propres principes et pour certains un véritable code de conduite pour protéger les "spots" - surnom donné aux lieux abandonnés - des casseurs ou des voleurs. Car s'il y a les passionnés comme lui, qui font ça depuis des années, d'autres, moins respectueux, maltraitent les lieux.
Les 15 règles à respecter* (Appuyez sur + pour dérouler)
- Être prudent
- Partir en repérage
- Ne jamais partir seul
- Pas de passage forcé
- Toujours avoir un téléphone avec de la batterie
- Respecter les lieux
- Rester discret
- Ne pas oublier de lampe
- Ne pas toucher (ou reposer à sa place)
- Ne donne pas d’adresse exacte
- L’entraide entre explorateurs
- Respecter la loi
- Faire preuve de persévérance
- Ne pas laisser de trace
- Avoir du bon matériel
Source : https://guide-urbex.com/15-regles-urbex-securite/
Le dicton de l'urbex :
"On ne laisse que ses empreintes de pied"
"Moi, j'ai un principe, si c'est fermé, je ne rentre pas. Et je teste toujours la lumière avant. S'il y a de l'électricité, c'est que quelqu'un paie. Donc, on n'y va pas", témoigne Vincent, car pour lui, la destruction des lieux est inadmissible. "Tu rentres dans un truc, c'est charmant de partout et la première chose que tu fais, c'est casser un miroir. Je n'arrive pas à concevoir ça. Déjà, il se prend sept ans de malheur, et d'autres parts, pourquoi est ce que tu vas casser quelque chose d'aussi joli ?", s'énerve l'urbexeur.
Immersion dans un hôtel abandonné en Haute-Loire ouvert en 1931.