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En chemin vers Saint-Jacques sur la première étape de la Via Podiensis
Pèlerinage millénaire qui serpente jusqu’à la capitale de la Galice, le chemin de Saint-Jacques de Compostelle pousse encore sur les routes des centaines de milliers de pèlerins chaque année.
Nous avons suivi, l’espace d’une étape, Jennifer et Melody, deux marcheuses stéphanoises engagées dans les pas de l’évêque Godescalc sur la Via Podiensis.
Un mouvement jacquaire millénaire
A Compostelle, aux confins de la Galice, l’Histoire et la renommée sont nées d’une découverte : celle du tombeau de l’apôtre Saint-Jacques le Majeur au milieu du IXème siècle. Considéré par la tradition comme l’évangélisateur de toute l’Espagne, Saint-Jacques, l’un des premiers apôtres du Christ, meurt décapité en martyr. Dès lors, une église est érigée au-dessus de sa tombe et le culte se développe, franchissant rapidement les frontières ibériques.
Face à la renommée grandissante, le tombeau de Saint-Jacques attire de nombreux pèlerins venus de toute l’Europe chrétienne. En 950, l’évêque du Puy-en-Velay, Godescalc, est l’un des premiers d’entre eux. Il tracera, dans ses pas, l’une des quatre voies françaises pour rejoindre le sanctuaire de Compostelle, la Via Podiensis dite « route des bourguignons et des teutons ».
La Via Podiensis : voie historique au départ du Puy-en-Velay
Carrefour des chemins, la ville du Puy-en-Velay a ainsi donné son nom à l’une des plus importantes voies pour Saint-Jacques de Compostelle : la Via Podiensis.
Inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO, la route du Puy-en-Velay est la plus empruntée par les pèlerins et certainement la plus singulière. Reliant la Haute-Loire au Pays Basque sur près de 750 kilomètres, la Via Podiensis vous conduit à travers la granitique Margeride, le plateau de l’Aubrac, la verdoyante vallée du Lot et le Piémont pyrénéen jusqu’à Saint-Jean-Pied-de-Port.
Magnifiée par des paysages exceptionnels et de nombreuses cités remarquables, la voie royale du Puy-en-Velay est souvent considérée comme le joyau des chemins français.
Des centaines de pèlerins se mettent chaque jour en marche sur le Camino
En ce premier mercredi du mois d’août, la foule de marcheurs et de pèlerins est déjà nombreuse dans la nef de la cathédrale du Puy-en-Velay pour la bénédiction du départ. 200 personnes sont ainsi réunies pour assister, dès 7h du matin, à la traditionnelle « messe des pèlerins ». Venus de la France entière mais aussi d’Angleterre, de Belgique, d’Allemagne, du Canada, du Japon et même du Pérou, les marcheurs, croyants ou non, viennent s’ancrer ici dans l’ancestrale tradition jacquaire. En toute fin de bénédiction, les marcheurs récupèrent d’ailleurs leur crédential, véritable passeport du pèlerin qui atteste de sa condition tout au long du chemin et servira de témoignage de son engagement spirituel et sportif jusqu’à l’arrivée à Saint-Jacques de Compostelle.
Quitter, l’espace d’une étape, sa routine quotidienne pour se découvrir pèlerin
Deux stéphanoises s’élancent ce matin-là sur le Camino. Jennifer, étudiante infirmière, et Melody, enseignante en Education Physique et Sportive. Toutes deux amies d’enfance elles ont fait le choix, cet été, de se lancer sur la première étape de la Via Podiensis entre Le Puy-en-Velay et Saint-Privat-d’Allier :
« C’est une envie déjà ancienne : celle de prendre le chemin pour découvrir l’esprit du Camino et lancer une dynamique qui, peut-être, nous poussera à entreprendre la route jusqu’à son ultime dénouement ».
Au programme de cette éprouvante journée : près de 24 kilomètres et 6 heures de marche pour rejoindre le village de Saint-Privat et son prieuré dominant les gorges de l’Allier.
Rencontrer le dépouillement du chemin pour tourner avec ses pieds, au pas à pas, le grand livre de sa vie
C’est en quittant la cathédrale ponote « par le ventre » que débute le périple spirituel et sportif des deux jeunes femmes. Laissant derrière elles la cité mariale de la dentelle, des laves et des fontaines, les deux amies débutent l’ascension vers les monts du Velay par la rue des Capucins puis la rue de Compostelle. Entre Loire et Allier, le Devès aligne alors ses cônes usés, érodés et adoucis par le temps. Les premiers pas jettent immédiatement les deux marcheuses dans la grande aventure du Chemin :
« Faire le Chemin, ne serait-ce que l’espace de quelques jours, c’est apprendre le dépouillement. Se départir du superflu, rétrécir son univers matériel à la dimension d’un sac à dos. On part et on se retrouve, seule ou en groupe, à discuter avec nous-même. C’est un exercice aussi sportif que spirituel ou psychologique ».
Traverser le plateau du Devès et embrasser le pèlerinage millénaire
Devant elles des kilomètres de chemin : le plateau, des forêts, des ruisseaux, des gorges et des landes, des fermes sauvages et des villages perdus. Tout ce que nous pressentons du chemin mais dont finalement nous ne savons rien avant de l’avoir entrepris.
Une fois le souffle long du marcheur installé, Jennifer et Melody peuvent égoïstement profiter de la Nature qui les entoure : de vastes champs de blé, quelques troupeaux paisibles, plusieurs chats sauvages en recherche d’un peu d’attention, le vol d’une buse solitaire qui trace dans le ciel de lents cercles aériens…
La marche est alors propice à l’introspection :
« On vient ici pour laisser également une partie de nous-même. L’essentiel ce n’est pas le but de l’étape mais bien de profiter du chemin et de se confronter avec nos propres envies et nos attentes. Marcher c’est se retrouver et se projeter avec philosophie sur la suite ».
Partir marcheuses… revenir pèlerins
Le plateau laisse doucement la place, en fin d’étape, à la longue descente sur Saint-Privat. Sur le long sentier rocailleux serpentant entre les broussailles et les gentianes, la forêt nous exhale d’une fraiche odeur de foin coupé. Au loin, le bruissement d’une rivière. Les clapotis de l’eau dans la basse vallée de l’Allier, cette profonde cassure qui sépare le pays vellave de la Margeride.
Jennifer et Melody sont fourbues mais heureuses d’être arrivées au bout de leur objectif du jour. Il vaut alors la peine de marcher, et de marcher durement, rien que pour le plaisir de pouvoir enfin s’arrêter. Il n’est pourtant pas dit que l’Histoire s’arrête ici, la magie du chemin ayant semble-t-il une nouvelle fois opéré sur celles qui sont parties marcheuses pour revenir pèlerins :
« C’est une première étape, un premier accessit. Une longue suite s’offre désormais à nous. Etape après étape, kilomètre après kilomètre, nous ne perdons pas de vue l’idée de rejoindre, un jour futur, l’ultime objectif de Compostelle ».
"Quant à moi, je voyage non pour aller quelque part, mais pour marcher.
Je voyage pour le plaisir de voyager.
L'important est de bouger, d'éprouver de plus près les nécessités et les embarras de la vie, de quitter le lit douillet de la civilisation, de sentir sous mes pieds le granit terrestre et les silex épars avec leurs coupants..."
Robert-Louis STEVENSON - Voyages avec un âne dans les Cévennes
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2 commentaires
quelques phrases qui illustrent cet excellent article me disent quelque chose. Je les ai entendues.
Beaucoup de marcheurs avec leur casse croûte dans un petit sac et peu de pélerins avec leur maison sur le dos